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| | Les poèmes du mois de Septembre 2022 | |
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Auteur | Message |
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Vevette17 Énergéticienne quantique
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 13 Sep - 12:55 | |
| maya |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 6:32 | |
| Avec plaisir Vevette bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 6:32 | |
| Titre : Ce que disent les hirondelles Poète : Théophile Gautier (1811-1872)Recueil : Émaux et Camées (1852). Chanson d'automne.
Déjà plus d'une feuille sèche Parsème les gazons jaunis ; Soir et matin, la brise est fraîche, Hélas ! les beaux jours sont finis !
On voit s'ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde Et le souci sa toque d'or.
La pluie au bassin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules : Voici l'hiver, voici le froid !
Elles s'assemblent par centaines, Se concertant pour le départ. L'une dit : " Oh ! que dans Athènes Il fait bon sur le vieux rempart !
" Tous les ans j'y vais et je niche Aux métopes du Parthénon. Mon nid bouche dans la corniche Le trou d'un boulet de canon. "
L'autre : " J'ai ma petite chambre A Smyrne, au plafond d'un café. Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre Sur le seuil d'un rayon chauffé.
" J'entre et je sors, accoutumée Aux blondes vapeurs des chibouchs, Et parmi les flots de fumée, Je rase turbans et tarbouchs. "
Celle-ci : " J'habite un triglyphe Au fronton d'un temple, à Balbeck. Je m'y suspends avec ma griffe Sur mes petits au large bec. "
Celle-là : " Voici mon adresse : Rhodes, palais des chevaliers ; Chaque hiver, ma tente s'y dresse Au chapiteau des noirs piliers. "
La cinquième : " Je ferai halte, Car l'âge m'alourdit un peu, Aux blanches terrasses de Malte, Entre l'eau bleue et le ciel bleu. "
La sixième : " Qu'on est à l'aise Au Caire, en haut des minarets ! J'empâte un ornement de glaise, Et mes quartiers d'hiver sont prêts. "
" A la seconde cataracte, Fait la dernière, j'ai mon nid ; J'en ai noté la place exacte, Dans le pschent d'un roi de granit. "
Toutes : " Demain combien de lieues Auront filé sous notre essaim, Plaines brunes, pics blancs, mers bleues Brodant d'écume leur bassin ! "
Avec cris et battements d'ailes, Sur la moulure aux bords étroits, Ainsi jasent les hirondelles, Voyant venir la rouille aux bois.
Je comprends tout ce qu'elles disent, Car le poète est un oiseau ; Mais, captif ses élans se brisent Contre un invisible réseau !
Des ailes ! des ailes ! des ailes ! Comme dans le chant de Ruckert, Pour voler, là-bas avec elles Au soleil d'or, au printemps vert ! Théophile Gautier. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 9:08 | |
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| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 8:14 | |
| Avec plaisir Colombine bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 8:14 | |
| Titre : Compensation Poète : Théophile Gautier (1811-1872)Recueil : La comédie de la mort (1838). Il naît sous le soleil de nobles créatures Unissant ici-bas tout ce qu'on peut rêver, Corps de fer, cœur de flamme, admirables natures.
Dieu semble les produire afin de se prouver ; Il prend, pour les pétrir, une argile plus douce, Et souvent passe un siècle à les parachever.
Il met, comme un sculpteur, l'empreinte de son pouce Sur leurs fronts rayonnants de la gloire des cieux, Et l'ardente auréole en gerbes d'or y pousse.
Ces hommes-là s'en vont, calmes et radieux, Sans quitter un instant leur pose solennelle, Avec l'œil immobile et le maintien des dieux.
Leur moindre fantaisie est une œuvre éternelle ; Tout cède devant eux ; les sables inconstants Gardent leurs pas empreints, comme un airain fidèle.
Ne leur donnez qu'un jour ou donnez-leur cent ans, L'orage ou le repos, la palette ou le glaive : Ils mèneront à bout, leurs destins éclatants.
Leur existence étrange est le réel du rêve : Ils exécuteront votre plan idéal, Comme un maître savant le croquis d'un élève ;
Vos désirs inconnus, sous l'arceau triomphal Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte, Passent assis en croupe au dos de leur cheval.
D'un pied sûr, jusqu'au bout ils ont suivi la route Où, dès les premiers pas, vous vous êtes assis, N'osant prendre une branche au carrefour du doute.
De ceux-là chaque peuple en compte cinq ou six, Cinq ou six tout au plus, dans les siècles prospères, Types toujours vivants dont on fait des récits.
Nature avare, ô toi, si féconde en vipères, En serpents, en crapauds tout gonflés de venins, Si prompte à repeupler tes immondes repaires,
Pour tant d'animaux vils, d'idiots et de nains, Pour tant d'avortements et d'œuvres imparfaites, Tant de monstres impurs échappés de tes mains,
Nature, tu nous dois encore bien des poètes ! Théophile Gautier. |
| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 11:49 | |
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| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 16 Sep - 5:08 | |
| Avec plaisir Vevette bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 16 Sep - 5:08 | |
| Titre : À la lumière Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Les poèmes dorés (1873). Dans l'essaim nébuleux des constellations, Ô toi qui naquis la première, Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière, Blanche mère des visions,
Tu nous viens du soleil à travers les doux voiles Des vapeurs flottantes dans l'air : La vie alors s'anime et, sous ton frisson clair, Sourit, ô fille des étoiles !
Salut ! car avant toi les choses n'étaient pas. Salut ! douce ; salut ! puissante. Salut ! de mes regards conductrice innocente Et conseillère de mes pas.
Par toi sont les couleurs et les formes divines, Par toi, tout ce que nous aimons. Tu fais briller la neige à la cime des monts, Tu charmes le bord des ravines.
Tu fais sous le ciel bleu fleurir les colibris Dans les parfums et la rosée ; Et la grâce décente avec toi s'est posée Sur les choses que tu chéris.
Le matin est joyeux de tes bonnes caresses ; Tu donnes aux nuits la douceur, Aux bois l'ombre mouvante et la molle épaisseur Que cherchent les jeunes tendresses.
Par toi la mer profonde a de vivantes fleurs Et de blonds nageurs que tu dores. Au ciel humide encore et pur, tes météores Prêtent l'éclat des sept couleurs.
Lumière, c'est par toi que les femmes sont belles Sous ton vêtement glorieux ; Et tes chères clartés, en passant par leurs yeux, Versent des délices nouvelles.
Leurs oreilles te font un trône oriental Où tu brilles dans une gemme, Et partout où tu luis, tu restes, toi que j'aime, Vierge comme en ton jour natal.
Sois ma force, ô Lumière ! et puissent mes pensées, Belles et simples comme toi, Dans la grâce et la paix, dérouler sous ta foi Leurs formes toujours cadencées !
Donne à mes yeux heureux de voir longtemps encor, En une volupté sereine, La Beauté se dressant marcher comme une reine Sous ta chaste couronne d'or.
Et, lorsque dans son sein la Nature des choses Formera mes destins futurs, Reviens baigner, reviens nourrir de tes flots purs Mes nouvelles métamorphoses. Anatole France. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 16 Sep - 18:34 | |
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| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 17 Sep - 12:29 | |
| Avec plaisir Colombine bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 17 Sep - 12:29 | |
| Titre : Dédicace Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873). Vous souvient-il, cocodette un peu mûre Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise, Du temps joli quand, gamine un peu sure, Tu m'écoutais, blanc-bec fou qui dégoise ? Gardâtes-vous fidèle la mémoire, Ô grasse en des jerseys de poult-de-soie, De t'être plu jadis à mon grimoire, Cour par écrit, postale petite oye ? Avez-vous oublié, Madame Mère, Non, n'est-ce pas, même en vos bêtes fêtes, Mes fautes de goût, mais non de grammaire, Au rebours de tes chères lettres bêtes ? Et quand sonna l'heure des justes noces, Sorte d'Ariane qu'on me dit lourde, Mes yeux gourmands et mes baisers féroces À tes nennis faisant l'oreille sourde ? Rappelez-vous aussi, s'il est loisible À votre coeur de veuve mal morose, Ce moi toujours tout prêt, terrible, horrible, Ce toi mignon prenant goût à la chose, Et tout le train, tout l'entrain d'un manège Qui par malheur devint notre ménage. Que n'avez-vous, en ces jours-là, que n'ai-je Compris les torts de votre et de mon âge ! C'est bien fâcheux : me voici, lamentable Épave éparse à tous les flots du vice, Vous voici, toi, coquine détestable, Et ceci fallait que je l'écrivisse ! Anatole France. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 17 Sep - 18:26 | |
| Maya |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 18 Sep - 6:34 | |
| Avec plaisir Colombine bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 18 Sep - 6:34 | |
| Titre : La perdrix Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Les poèmes dorés (1873). Sonnet.
Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison, Causa dans les blés verts une ardente querelle Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle, La compagne au bon cœur qui bâtit la maison
Et nourrit les petits aux jours de la moisson, Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle. C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile, Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.
Son sang pur de couveuse à la chaleur divine Sur son corps déchiré mouille sa plume fine. Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.
Dans les joncs, à l'abri de l'épagneul qui flaire, Triste, s'enveloppant de silence et de paix, Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère. Anatole France. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 18 Sep - 17:15 | |
| Maya |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 19 Sep - 8:11 | |
| Avec plaisir Colombine bisous |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 19 Sep - 8:12 | |
| Titre : La sagesse des griffons Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Revue L'Artiste (1870). C'était la nuit ardente et le retour du bal ; Vaincue et triomphante et chastement lascive, Elle disait d'un ton de bien-être : J'ai mal !... Les roses s'effeuillaient sur sa tête pensive Où murmurait encor l'âme des violons ; Son pied avait parfois un spasme mélodique. Le mouchoir de dentelle au bout de ses doigts longs Glissait ; et sur les bras du fauteuil héraldique, Ses bras minces et blancs s'allongeaient mollement, Nus, et laissaient tomber le fragile corsage, Si bien que, sur le sein, à chaque battement, L'ombre qui rend songeur se creusait davantage Dans la blancheur de sa chair de camélia. Mais soulevant ses bras, lianes odorantes, Lentement sur mon col, douce, elle les lia, Et soupira : Toujours ! de ses lèvres mourantes. Sur sa tête d'enfant penchée au poids des fleurs Le dossier droit et haut montait lourd de ténèbres, Et sur sa nuque folle aux neigeuses fraîcheurs Les Griffons lampassés prenaient des airs funèbres, Car ils remémoraient, en de calmes ennuis, La longue obsession de leurs regards de chêne : Les bras évanouis des anciennes nuits Qui tous voulaient jeter une éternelle chaîne, Insensés ! sur le cou docile de l'aimé, Ne sachant pas qu'au fond des demeures affreuses, Tout seuls, pliés en croix sur le sein accalmé, Ils s'en iraient où vont les bras des amoureuses. Car les Griffons debout au chevet féodal, Chimériques témoins de mes belles chimères, S'étaient enfin lassés d'entendre, après le bal, Les serments éternels des bouches éphémères. Anatole France. |
| | | Maya Membre
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 20 Sep - 6:39 | |
| Titre : L'autographe Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Revue L'Artiste (1870). À Étienne Charavay.
Cette feuille soupire une étrange élégie, Car la reine d'Écosse aux lèvres de carmin Qui récitait Ronsard et le Missel romain, A mis là pour jamais un peu de sa magie.
La Reine blonde avec sa débile énergie Signa Marie au bas de ce vieux parchemin, Et le feuillet pensif a tiédi sous sa main Que bleuissait un sang fier et prompt à l'orgie.
Là de merveilleux doigts de femme sont passés Tout empreints du parfum des cheveux caressés Dans le royal orgueil d'un sanglant adultère.
J'y retrouve l'odeur et les reflets rosés De ces doigts aujourd'hui muets, décomposés, Changés peut-être en fleurs dans un champ solitaire. Anatole France. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 20 Sep - 10:23 | |
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| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 6:18 | |
| Avec plaisir Colombine bisous |
| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 6:19 | |
| Titre : La vision des ruines Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Les poèmes dorés (1873). Le fleuve qui, libre et tranquille, Traîne ses marnes et ses eaux Au milieu des pâles roseaux. Presse en ses bras une longue île,
Qui semble un navire échoué Par quelque héroïque aventure, Perdant sa forme et sa nature. Dormeur à l'oubli dévoué.
Le cri rauque et le vol des grues Percent les nuages blafards ; Les cygnes et les verts canards Voguent au fil des eaux accrues.
Dans l'île, un portail et deux tours, Retraite aux hiboux familière. Dressent sous la mousse et le lierre Leurs profils noirs, douteux et lourds.
De maigres figures de pierre Gisant dans les iris épais, Les mains jointes, suivent en paix Le rêve qui clôt leur paupière.
Tous ceux-là dont le vent du nord Ronge avec lenteur les images, Anges et rois, vierges et mages, Ont grandement aimé la mort ;
Car la roideur de leur stature Et l'aridité de leur chair Font voir combien il leur fut cher D'aspirer à la sépulture.
De longtemps ne sera troublé Le silence de l'île sainte : Dans le fleuve dont elle est ceinte Le dos des ponts s'est écroulé.
N'est-ce pas là le berceau rude De la grande et belle cité, Qui plus tard avec volupté S'assit dans cette solitude ?
Mais la terre avare a repris Les pierres des quais et des rues, Et les demeures disparues Gisent sous les tertres fleuris.
Au sud de l'île, une colline Couronne d'un amas confus De murs, de chapiteaux, de fûts. Ses flancs où le thuya s'incline.
Les marais coassent, le soir. Vers l'ouest, loin dans la plaine verte, Une porte se dresse ouverte Sur le ciel pluvieux et noir.
Sculptés aux parois triomphales, Des hommes, des bœufs, des chevaux, Rappelant d'antiques travaux. Se brisent au choc des rafales.
Et vers le nord, mais moins avant, Candélabres, balustres, dalles. Escaliers, murs en longs dédales. Sonnent avec langueur au vent.
Ruines d'un temple où des lyres Pendent à des chevilles d'or, Où des pieds de nymphes encor Dansent en de joyeux délires.
Muette, la maison des Rois Est assise, comme une veuve, Sur la rive droite du fleuve. Dans les nymphéas blancs et froids ;
Elle mire dans les eaux blêmes Ce qui lui reste de joyaux Et répand ses colliers royaux De chiffres noués et d'emblèmes ;
Sur un pavillon, les pâleurs De la lune, au bord d'une nue, Animent une forme nue Qui sourit et verse des fleurs :
C'est un corps de femme accroupie, Un corps lascif, jeune et lassé, Qui fut sans doute caressé Par le regard d'un siècle impie. Anatole France. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 10:36 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 13:59 | |
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| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 7:48 | |
| vec plaisir Colombine et Vevette bisous |
| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 7:50 | |
| Titre : Le captif Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Idylles et légendes (1873). Il est, non loin des tièdes syrtes Où bleuit la mer en repos, Un bois d'orangers et de myrtes Dont n'approchent point les troupeaux.
Là, sous l'ombre antique d'un arbre, Un satyre, ouvrage divin, Sourit dans sa gaine de marbre, Comme réjoui par le vin.
Il a des oreilles aiguës Que dresse un frémissement prompt ; De jeunes cornes invaincues Reluisent sur son mâle front ;
On voit que ses larges narines Portent à ses heureux esprits La fraîcheur des brises marines Et les parfums des bois fleuris ;
Les coins soulevés de ses lèvres Rappellent le falerne bu ; Deux glandes, comme en ont les chèvres, Pendent sous son menton barbu.
Captif du socle pentélique, Languit un triste adolescent Le dieu, de son regard oblique, Lui verse un rayon caressant.
Mais lui, l'enfant aux ailes blanches, Lève, des yeux brillants de pleurs, A cause de ses molles hanches, De ses bras liés par des fleurs.
Les larmes sur sa belle joue, Mouillent sa chevelure d'or. Parfois ses ailes qu'il secoue Méditent l'impossible essor.
Et tant que le soleil éclaire Le bois chaste et silencieux, Les fiers desseins et la colère Enflamment ses humides yeux.
Mais quand vient l'ombre transparente Ramener les Nymphes en choeur, Il rit, et sa chaîne odorante Enivre doucement son coeur. Anatole France. |
| | | marianne
Messages : 9585 Age : 55
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 8:49 | |
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| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 9:59 | |
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| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 23 Sep - 6:14 | |
| Avec plaisir Marianne et Colombine bisous |
| | | Maya Membre
Messages : 1159 Age : 72 Localisation : Guérande
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 23 Sep - 6:15 | |
| Titre : Le chêne abandonné Poète : Anatole France (1844-1924)Recueil : Les poèmes dorés (1873). Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil, Le grand chêne noueux, le père de la race, Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.
Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre, Robuste, il a nourri ses siècles florissants, Fait bouillonner la sève en ses membres puissants, Et respiré le ciel avec sa tête sombre.
Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs Sinistrement dressés sur sa couronne verte ; Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.
La sève du printemps vient irriter l'ulcère Que suinte la torpeur de ses âcres tissus. Tout un monde pullule en ses membres moussus, Et le fauve lichen de sa rouille l'enserre.
Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui Se brise sur son corps et tombe. Un vent d'orage Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage, Et peut-être qu'il doit s'écrouler aujourd'hui.
Car déjà la chenille aux anneaux d'émeraude Déserte lentement son feuillage peu sûr ; D'insectes soulevant leurs élytres d'azur Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;
Dès hier, un essaim d'abeilles a quitté Sa demeure d'argile aux branches suspendue ; Ce matin, les frelons, colonie éperdue, Sous d'autres pieds rameux transportaient leur cité ;
Un lézard, sur le tronc, au bord d'une fissure, Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ; Et voici qu'inondant l'arbre glacé, la nuit Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure. Anatole France. |
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