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| | poésies choisies pour vous | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 7 Mai - 21:30 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 9 Mai - 7:17 | |
| À une fleur séchée dans un album Poète : Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Méditations poétiques (1820).
Il m'en souvient, c'était aux plages Où m'attire un ciel du Midi, Ciel sans souillure et sans orages, Où j'aspirais sous les feuillages Les parfums d'un air attiédi.
Une mer qu'aucun bord n'arrête S'étendait bleue à l'horizon ; L'oranger, cet arbre de fête, Neigeait par moments sur ma tête ; Des odeurs montaient du gazon.
Tu croissais près d'une colonne D'un temple écrasé par le temps ; Tu lui faisais une couronne, Tu parais son tronc monotone Avec tes chapiteaux flottants ;
Fleur qui décores la ruine Sans un regard pour t'admirer ! Je cueillis ta blanche étamine, Et j'emportai sur ma poitrine Tes parfums pour les respirer.
Aujourd'hui, ciel, temple, rivage, Tout a disparu sans retour : Ton parfum est dans le nuage, Et je trouve, en tournant la page, La trace morte d'un beau jour !
Alphonse de Lamartine |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 9 Mai - 7:37 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 9 Mai - 19:32 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 9 Mai - 21:03 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 21 Mai - 7:25 | |
| Ischia Poète : Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Nouvelles méditations poétiques (1823).
Le soleil va porter le jour à d'autres mondes ; Dans l'horizon désert Phébé monte sans bruit, Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes, Un voile transparent sur le front de la nuit.
Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux, Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes, Ou rejaillir au loin du sein brillant des eaux.
La douteuse lueur, dans l'ombre répandue, Teint d'un jour azuré la pâle obscurité, Et fait nager au loin dans la vague étendue Les horizons baignés par sa molle clarté !
L'Océan amoureux de ces rives tranquilles Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports, Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles, De son humide haleine en rafraîchit les bords.
Du flot qui tour à tour s'avance et se retire L'oeil aime à suivre au loin le flexible contour : On dirait un amant qui presse en son délire La vierge qui résiste, et cède tour à tour !
Doux comme le soupir de l'enfant qui sommeille, Un son vague et plaintif se répand dans les airs : Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille ? Est-ce un soupir d'amour de la terre et des mers ?
Il s'élève, il retombe, il renaît, il expire, Comme un coeur oppressé d'un poids de volupté, Il semble qu'en ces nuits la nature respire, Et se plaint comme nous de sa félicité !
Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie ! Reçois par tous les sens les charmes de la nuit, A t'enivrer d'amour son ombre te convie ; Son astre dans le ciel se lève, et te conduit.
Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline ? Par la main de l'Amour c'est un phare allumé ; Là, comme un lis penché, l'amante qui s'incline Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé !
La vierge, dans le songe où son âme s'égare, Soulève un oeil d'azur qui réfléchit les cieux, Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare Jettent aux vents du soir des sons mystérieux !
" Viens ! l'amoureux silence occupe au loin l'espace ; Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur ! C'est l'heure; à peine au loin la voile qui s'efface Blanchit en ramenant le paisible pêcheur !
" Depuis l'heure où ta barque a fui loin de la rive, J'ai suivi tout le jour ta voile sur les mers, Ainsi que de son nid la colombe craintive Suit l'aile du ramier qui blanchit dans les airs !
" Tandis qu'elle glissait sous l'ombre du rivage, J'ai reconnu ta voix dans la voix des échos ; Et la brise du soir, en mourant sur la plage, Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.
" Quand la vague a grondé sur la côte écumante, À l'étoile des mers j'ai murmuré ton nom, J'ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante L'amoureuse prière a fait fuir l'aquilon !
" Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime : La vague en ondulant vient dormir sur le bord ; La fleur dort sur sa tige, et la nature même Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.
" Vois ! la mousse a pour nous tapissé la vallée, Le pampre s'y recourbe en replis tortueux, Et l'haleine de l'onde, à l'oranger mêlée, De ses fleurs qu'elle effeuille embaume mes cheveux.
" A la molle clarté de la voûte sereine Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin, Jusqu'à l'heure où la lune, en glissant vers Misène, Se perd en pâlissant dans les feux du matin. "
Elle chante ; et sa voix par intervalle expire, Et, des accords du luth plus faiblement frappés, Les échos assoupis ne livrent au zéphire Que des soupirs mourants, de silence coupés !
Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme, A cette heure d'amour, sous cet astre enchanté, Sentirait tout à coup le rêve de son âme S'animer sous les traits d'une chaste beauté ;
Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore, Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs, Assis à ses genoux, de l'une à l'autre aurore, N'aurait pour lui parler que l'accent des soupirs ;
Celui qui, respirant son haleine adorée, Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents, Caresser en passant sa paupière effleurée, Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants ;
Celui qui, suspendant les heures fugitives, Fixant avec l'amour son âme en ce beau lieu, Oublierait que le temps coule encor sur ces rives, Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu ?...
Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées, Sur ces bords où l'amour eût caché son Eden, Au murmure plaintif des vagues apaisées, Aux rayons endormis de l'astre élysien,
Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde, Sur ces rives que l'oeil se plaît à parcourir, Nous avons respiré cet air d'un autre monde, Elyse !... et cependant on dit qu'il faut mourir !
Alphonse de Lamartine. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 21 Mai - 8:19 | |
| Olia |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 21 Mai - 20:53 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 22 Mai - 23:07 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 3 Juin - 7:36 | |
| Le coquillage au bord de la mer Poète : Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Méditations poétiques (1820).
(À une jeune étrangère.)
Quand tes beaux pieds distraits errent, ô jeune fille, Sur ce sable mouillé, frange d'or de la mer, Baisse-toi, mon amour, vers la blonde coquille Que Vénus fait, dit-on, polir au flot amer.
L'écrin de l'Océan n'en a point de pareille ; Les roses de ta joue ont peine à l'égaler ; Et quand de sa voluté on approche l'oreille, On entend mille voix qu'on ne peut démêler.
Tantôt c'est la tempête avec ses lourdes vagues, Qui viennent en tonnant se briser sur tes pas ; Tantôt c'est la forêt avec ses frissons vagues ; Tantôt ce sont des voix qui chuchotent tout bas.
Oh ! ne dirais-tu pas, à ce confus murmure Que rend le coquillage aux lèvres de carmin, Un écho merveilleux où l'immense nature Résume tous ses bruits dans le creux de ta main ?
Emporte-la, mon ange ! Et quand ton esprit joue Avec lui-même, oisif, pour charmer tes ennuis, Sur ce bijou des mers penche en riant ta joue, Et, fermant tes beaux yeux, recueilles-en les bruits.
Si, dans ces mille accents dont sa conque fourmille, Il en est un plus doux qui vienne te frapper, Et qui s'élève à peine aux bords de la coquille, Comme un aveu d'amour qui n'ose s'échapper ;
S'il a pour ta candeur des terreurs et des charmes ; S'il renaît en mourant presque éternellement ; S'il semble au fond d'un cœur rouler avec des larmes ; S'il tient de l'espérance et du gémissement...
Ne te consume pas à chercher ce mystère ! Ce mélodieux souffle, ô mon ange, c'est moi ! Quel bruit plus éternel et plus doux sur la terre, Qu'un écho de mon cœur qui m'entretient de toi ?
Alphonse de Lamartine. |
| | | olia Membre
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| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 4 Juin - 7:39 | |
| Le cri de l'âme Poète : Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Harmonies poétiques et religieuses (1830).
Quand le souffle divin qui flotte sur le monde S'arrête sur mon âme ouverte au moindre vent, Et la fait tout à coup frissonner comme une onde Où le cygne s'abat dans un cercle mouvant !
Quand mon regard se plonge au rayonnant abîme, Où luisent ces trésors du riche firmament, Ces perles de la nuit que son souffle ranime, Des sentiers du Seigneur innombrable ornement !
Quand d'un ciel de printemps l'aurore qui ruisselle Se brise et rejaillit en gerbes de chaleur, Que chaque atome d'air roule son étincelle, Et que tout sous mes pas devient lumière ou fleur !
Quand tout chante ou gazouille, ou roucoule ou bourdonne, Que d'immortalité tout semble se nourrir, Et que l'homme, ébloui de cet air qui rayonne, Croit qu'un jour si vivant ne pourra plus mourir !
Quand je roule en mon sein mille pensers sublimes, Et que mon faible esprit, ne pouvant les porter, S'arrête en frissonnant sur les derniers abîmes, Et, faute d'un appui, va s'y précipiter !
Quand, dans le ciel d'amour où mon âme est ravie, Je presse sur mon coeur un fantôme adoré, Et que je cherche en vain des paroles de vie Pour l'embraser du feu dont je suis dévoré !
Quand je sens qu'un soupir de mon âme oppressée Pourrait créer un monde en son brûlant essor, Que ma vie userait le temps, que ma pensée En remplissant le ciel déborderait encor !
Jéhova ! Jéhova ! ton nom seul me soulage ! Il est le seul écho qui réponde à mon coeur ! Ou plutôt ces élans, ces transports, sans langage, Sont eux-mêmes un écho de ta propre grandeur !
Tu ne dors pas souvent dans mon sein, nom sublime ! Tu ne dors pas souvent sur mes lèvres de feu : Mais chaque impression t'y trouve et t'y ranime, Et le cri de mon âme est toujours toi, mon Dieu !
Alphonse de Lamartine. |
| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 4 Juin - 8:44 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 10 Avr - 7:45 | |
| Mois de janvier. Poète : François Coppée (1842-1908) Recueil : Les mois (1878).
Songes-tu parfois, bien-aimée, Assise près du foyer clair, Lorsque sous la porte fermée Gémit la bise de l'hiver,
Qu'après cette automne clémente, Les oiseaux, cher peuple étourdi, Trop tard, par un jour de tourmente, Ont pris leur vol vers le Midi ;
Que leurs ailes, blanches de givre, Sont lasses d'avoir voyagé ; Que sur le long chemin à suivre Il a neigé, neigé, neigé ;
Et que, perdus dans la rafale, Ils sont là, transis et sans voix, Eux dont la chanson triomphale Charmait nos courses dans les bois ?
Hélas ! comme il faut qu'il en meure De ces émigrés grelottants ! Y songes-tu ? Moi, je les pleure, Nos chanteurs du dernier printemps.
Tu parles, ce soir où tu m'aimes, Des oiseaux du prochain Avril ; Mais ce ne seront plus les mêmes, Et ton amour attendra-t-il ?
François Coppée. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 10 Avr - 19:07 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 10 Avr - 19:50 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 11 Avr - 7:38 | |
| Mois de février. Poète : François Coppée (1842-1908) Recueil : Les mois (1878).
Hélas ! dis-tu, la froide neige Recouvre le sol et les eaux ; Si le bon Dieu ne les protège, Le printemps n'aura plus d'oiseaux !
Rassure-toi, tendre peureuse ; Les doux chanteurs n'ont point péri. Sous plus d'une racine creuse Ils ont un chaud et sûr abri.
Là, se serrant l'un contre l'autre Et blottis dans l'asile obscur, Pleins d'un espoir pareil au nôtre, Ils attendent l'Avril futur ;
Et, malgré la bise qui passe Et leur jette en vain ses frissons, Ils répètent à voix très basse Leurs plus amoureuses chansons.
Ainsi, ma mignonne adorée, Mon cœur où rien ne remuait, Avant de t'avoir rencontrée, Comme un sépulcre était muet ;
Mais quand ton cher regard y tombe, Aussi pur qu'un premier beau jour, Tu fais jaillir de cette tombe Tout un essaim de chants d'amour.
François Coppée. |
| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 11 Avr - 11:00 | |
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| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 11 Avr - 11:29 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 15 Avr - 7:22 | |
| À la gloire des cieux Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : La multiple splendeur (1906).
L'infini tout entier transparaît sous les voiles Que lui tissent les doigts des hivers radieux Et la forêt obscure et profonde des cieux Laisse tomber vers nous son feuillage d'étoiles. La mer ailée, avec ses flots d'ombre et de moire, Parcourt, sous les feux d'or, sa pâle immensité ; La lune est claire et ses rayons diamantés Baignent tranquillement le front des promontoires. S'en vont, là-bas, faisant et défaisant leurs noeuds, Les grands fleuves d'argent, par la nuit translucide ; Et l'on croit voir briller de merveilleux acides Dans la coupe que tend le lac, vers les monts bleus. La lumière, partout, éclate en floraisons Que le rivage fixe ou que le flot balance ; Les îles sont des nids où s'endort le silence, Et des nimbes ardents flottent aux horizons. Tout s'auréole et luit du zénith au nadir. Jadis, ceux qu'exaltaient la foi et ses mystères Apercevaient, dans la nuée autoritaire, La main de Jéhovah passer et resplendir. Mais aujourd'hui les yeux qui voient, scrutent là-haut, Non plus quelque ancien dieu qui s'exile lui-même, Mais l'embroussaillement des merveilleux problèmes Qui nous voilent la force, en son rouge berceau. Ô ces brassins de vie où bout en feux épars A travers l'infini la matière féconde ! Ces flux et ces reflux de mondes vers des mondes, Dans un balancement de toujours à jamais ! Ces tumultes brûlés de vitesse et de bruit Dont nous n'entendons pas rugir la violence Et d'où tombe pourtant ce colossal silence Qui fait la paix, le calme et la beauté des nuits ! Et ces sphères de flamme et d'or, toujours plus loin, Toujours plus haut, de gouffre en gouffre et D'ombre en ombre, Si haut, si loin, que tout calcul défaille et sombre S'il veut saisir leurs nombres fous, entre ses poings ! L'infini tout entier transparaît sous les voiles Que lui tissent les doigts des hivers radieux Et la forêt obscure et profonde des cieux Laisse tomber vers nous son feuillage d'étoiles.
Émile Verhaeren. |
| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 15 Avr - 13:04 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 16 Avr - 7:40 | |
| À la gloire du vent Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : La multiple splendeur (1906).
- Toi qui t'en vas là-bas, Par toutes les routes de la terre, Homme tenace et solitaire, Vers où vas-tu, toi qui t'en vas ?
- J'aime le vent, l'air et l'espace ; Et je m'en vais sans savoir où, Avec mon coeur fervent et fou, Dans l'air qui luit et dans le vent qui passe.
- Le vent est clair dans le soleil, Le vent est frais sur les maisons, Le vent incline, avec ses bras vermeils, De l'un à l'autre bout des horizons, Les fleurs rouges et les fauves moissons.
- Le Sud, l'Ouest, l'Est, le Nord, Avec leurs paumes d'or, Avec leurs poings de glace, Se rejettent le vent qui passe.
- Voici qu'il vient des mers de Naple et de Messine Dont le geste des dieux illuminait les flots ; Il a creusé les vieux déserts où se dessinent Les blancs festons de sable autour des verts îlots. Son souffle est fatigué, son haleine timide, L'herbe se courbe à peine aux pentes du fossé ; Il a touché pourtant le front des pyramides Et le grand sphinx l'a vu passer.
- La saison change, et lentement le vent s'exhume Vêtu de pluie immense et de loques de brume.
- Voici qu'il vient vers nous des horizons blafards, Angleterre, Jersey, Bretagne, Ecosse, Irlande, Où novembre suspend les torpides guirlandes De ses astres noyés, en de pâles brouillards ; Il est parti, le vent sans joie et sans lumière : Comme un aveugle, il erre au loin sur l'océan Et, dès qu'il touche un cap ou qu'il heurte une pierre, L'abîme érige un cri géant.
- Printemps, quand tu parais sur les plaines désertes, Le vent froidit et gerce encor ta beauté verte.
- Voici qu'il vient des longs pays où luit Moscou, Où le Kremlin et ses dômes en or qui bouge Mirent et rejettent au ciel les soleils rouges ; Le vent se cabre ardent, rugueux, terrible et fou, Mord la steppe, bondit d'Ukraine en Allemagne, Roule sur la bruyère avec un bruit d'airain Et fait pleurer les légendes, sous les montagnes, De grotte en grotte, au long du Rhin.
- Le vent, le vent pendant les nuits d'hiver lucides Pâlit les cieux et les lointains comme un acide.
- Voici qu'il vient du Pôle où de hauts glaciers blancs Alignent leurs palais de gel et de silence ; Apre, tranquille et continu dans ses élans, Il aiguise les rocs comme un faisceau de lances ; Son vol gagne les Sunds et les Ourals déserts, S'attarde aux fiords des Suèdes et des Norvèges Et secoue, à travers l'immensité des mers, Toutes les plumes de la neige.
- D'où que vienne le vent, Il rapporte de ses voyages, A travers l'infini des champs et des villages, On ne sait quoi de sain, de clair et de fervent. Avec ses lèvres d'or frôlant le sol des plaines, Il a baisé la joie et la douleur humaines Partout ; Les beaux orgueils, les vieux espoirs, les désirs fous, Tout ce qui met dans l'âme une attente immortelle, Il l'attisa de ses quatre ailes ; Il porte en lui comme un grand coeur sacré Qui bat, tressaille, exulte ou pleure Et qu'il disperse, au gré des saisons et des heures, Vers les bonheurs brandis ou les deuils ignorés.
- Si j'aime, admire et chante avec folie Le vent, Et si j'en bois le vin fluide et vivant Jusqu'à la lie, C'est qu'il grandit mon être entier et c'est qu'avant De s'infiltrer, par mes poumons et par mes pores, Jusques au sang dont vit mon corps, Avec sa force rude ou sa douceur profonde, Immensément il a étreint le monde.
Émile Verhaeren. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 16 Avr - 17:59 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 17 Avr - 7:40 | |
| Âprement Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : Toute la Flandre (1904-1911). Le jour Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour, Leurs durs regards obstinément fixés à terre ; Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux, Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs, Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.
Ils s'épiaient du coin de l'oeil, dans leur enclos, Avec l'espoir secret de se surprendre en faute. Mais elle était toujours de corps ferme et dispos Et lui travaillait dur et tenait la main haute Sur la grange et le champ.
Ils se mouvaient, pareils à deux blocs de silence, Faits de sourde rancune et d'âpre violence : Aux trois repas, ils attablaient, farouchement, Face à face, leur double entêtement. Ils gloutonnaient, à bouche pleine, Leur pain compact Réglant leurs coups de dents sur le tic tac exact De l'horloge de chêne ;
Quand leur bru s'en venait, le dimanche, les voir, L'un disait, à voix haute, pesante et lente, Ce que l'autre devait savoir Pour les achats et pour les ventes, Et l'accord se faisait, sur la somme, sans plus. - Oh ! qu'ils étaient ardents et résolus A tordre d'un gain minime Le plus humble centime ! -
La nuit, Dos à dos, ils s'étendaient dans leur vieux lit, Chacun guettant l'aurore Pour être seul à travailler Dans le fournil ou le grenier, Quand l'autre s'oubliait à reposer encore.
Ainsi Leur bien grandit, Grâce à leur âcre et morne souci D'être toujours sans défaillance et sans merci, Et de vivre, durant des mois et des années, A mâchoire fermée.
Émile Verhaeren. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 17 Avr - 11:49 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 17 Avr - 15:51 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 19 Avr - 7:48 | |
| Ardeur des sens, ardeur des coeurs Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : Les heures d'après-midi (1905). Ardeur des sens, ardeur des coeurs, ardeur des âmes, Vains mots créés par ceux qui diminuent l'amour ; Soleil, tu ne distingues pas d'entre tes flammes Celles du soir, de l'aube ou du midi des jours.
Tu marches aveuglé par ta propre lumière, Dans le torride azur, sous les grands cieux cintrés, Ne sachant rien, sinon que ta force est plénière Et que ton feu travaille aux mystères sacrés.
Car aimer, c'est agir et s'exalter sans trêve ; Ô toi, dont la douceur baigne mon coeur altier, À quoi bon soupeser l'or pur de notre rêve ? Je t'aime tout entière, avec mon être entier.
Émile Verhaeren. |
| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 20 Avr - 7:48 | |
| Asseyons-nous tous deux près du chemin Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : Les heures d'après-midi (1905). Asseyons-nous tous deux près du chemin, Sur le vieux banc rongé de moisissures, Et que je laisse, entre tes deux mains sûres, Longtemps s'abandonner ma main.
Avec ma main qui longtemps s'abandonne A la douceur de se sentir sur tes genoux, Mon coeur aussi, mon coeur fervent et doux Semble se reposer, entre tes deux mains bonnes.
Et c'est la joie intense et c'est l'amour profond Que nous goûtons à nous sentir si bien ensemble, Sans qu'un seul mot trop fort sur nos lèvres ne tremble, Ni même qu'un baiser n'aille brûler ton front.
Et nous prolongerions l'ardeur de ce silence Et l'immobilité de nos muets désirs, N'était que tout à coup à les sentir frémir Je n'étreigne, sans le vouloir, tes mains qui pensent ;
Tes mains, où mon bonheur entier reste celé Et qui jamais, pour rien au monde, N'attenteraient à ces choses profondes Dont nous vivons, sans en devoir parler.
Émile Verhaeren. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 20 Avr - 12:02 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 21 Avr - 7:41 | |
| Au bord du quai Poète : Émile Verhaeren (1855-1916) Recueil : Les visages de la vie (1899). Et qu'importe d'où sont venus ceux qui s'en vont, S'ils entendent toujours un cri profond Au carrefour des doutes ! Mon corps est lourd, mon corps est las, Je veux rester, je ne peux pas ; L'âpre univers est un tissu de routes Tramé de vent et de lumière ; Mieux vaut partir, sans aboutir, Que de s'asseoir, même vainqueur, le soir, Devant son oeuvre coutumière, Avec, en son coeur morne, une vie Qui cesse de bondir au-delà de la vie.
Émile Verhaeren. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 21 Avr - 10:26 | |
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