Nicolas Sarkozy et ses principaux lieutenants poursuivent depuis le discours du chef de l'Etat à Grenoble leur offensive sécuritaire mais l'opposition refuse de se laisser imposer son agenda.
La Parti socialiste estime que Martine Aubry a répondu fermement aux annonces présidentielles de la semaine dernière en dénonçant une "dérive antirépublicaine" et qu'il n'y a pas lieu d'entretenir une agitation artificielle sur le sujet.
Il attendra ainsi janvier 2011 pour publier un livre blanc et tenir un forum sur la sécurité, explique Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national chargé de la sécurité au PS, vendredi dans Libération.
"Plus l'impuissance de Nicolas Sarkozy est grande plus ses mots sont belliqueux (...) Aussi, la gauche se prépare à répondre avec responsabilité à une situation qui s'est dégradée pour la population", dit-il.
Ainsi, le PS s'est bien gardé de répondre au secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand, réclamant un débat avec Martine Aubry sur la sécurité.
En revanche, l'ex-Premier ministre socialiste Michel Rocard dénonce les "intentions scandaleuses" de Nicolas Sarkozy, lui reprochant "d'exacerber les tensions" au risque de provoquer "la guerre civile". "Je dis qu'il le paiera et qu'il l'aura mérité", dit-il dans l'hebdomadaire Marianne à paraître samedi.
Depuis que Nicolas Sarkozy a lancé à Grenoble sa "guerre nationale contre les voyous", liant insécurité et immigration, ses principaux lieutenants relaient sa parole avec des éléments de langage que l'opposition juge préparés par l'Elysée.
Le député UMP Thierry Mariani, rapporteur du projet de loi sur l'immigration débattu au Parlement à la rentrée, a invoqué vendredi le soutien de "la France silencieuse".
"Je crois que la France silencieuse comprend et que la France silencieuse nous soutient, même des électeurs de gauche", a-t-il dit sur France 2.
Accusé de chercher à contrer la montée dans les sondages de Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, en vue de la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy aurait préparé son offensive depuis l'échec des régionales de mars.
Selon Le Monde daté du 7 août, le chef de l'Etat tient toutes les trois semaines des réunions sur le sujet et le sondage Ifop publié vendredi par Le Figaro "confirme les enquêtes confidentielles" du gouvernement.
FAIRE DIVERSION
Selon l'enquête Ifop, les Français plébiscitent en effet les dernières mesures promises par Nicolas Sarkozy et son ministre de l'Intérieur : 80% des sondés sont ainsi pour le retrait de la nationalité française aux ressortissants d'origine étrangère coupables de polygamie ou d'incitation à l'excision.
Le démantèlement des camps illégaux de Roms recueille 79% d'avis favorables et le retrait de la nationalité pour les délinquants d'origine étrangère en cas d'atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme 70%.
Pour Dominique Paillé, porte-parole adjoint de l'UMP, ce sondage "prouve que Nicolas Sarkozy est à l'écoute des Français".
Des historiens, juristes et intellectuels, comme le philosophe Bernard-Henri Levy qui a dénoncé dans une tribune les "trois erreurs de Nicolas Sarkozy", estiment toutefois que le chef de l'Etat va trop loin.
Face à "l'avalanche de discours et d'annonces provocatrices, venant y compris du sommet de l'Etat, stigmatisant des communautés et des groupes sociaux entiers", des dizaines d'associations, partis de gauche et syndicats ont appelé à manifester à Paris et en province le 4 septembre.
Christophe Borgel, secrétaire national du PS chargé des élections, considère que l'offensive élyséenne "n'a qu'un objectif, c'est faire oublier l'échec de Nicolas Sarkozy et son gouvernement sur le plan de la sécurité".
"On voit bien qu'on est dans une campagne où on cherche à déclencher une polémique publique en allant très loin dans le caractère assez peu républicain des propositions faites", a-t-il dit sur RFI.
Pour Vincent Placé, numéro deux des Verts, "on voit la diversion qui est faite par le gouvernement de façon tout à fait scandaleuse et inacceptable en liant la question de l'immigration et de la délinquance".
L'écologiste a dénoncé sur France Inter "un saut invraisemblable, un palier dans la destruction de ce qui a fait le pacte social et républicain de ce pays".
Gérard Bon, édité par Jean-Baptiste Vey