L'acidification des océans réduit la taille des coquillages marins
21 avril 2015
© DR Les travaux se sont déroulés sur des sites d’émission de gaz volcanique en Sicile (Italie)
Une étude internationale, coordonnée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et Paleosofia APEMA (Italie), montre que la réduction de la taille, observée chez certains organismes marins au cours des crises d'extinction massive passées, pourrait être une conséquence de l'acidification des océans. Cette réduction leur aurait permis de survivre en présence de fortes concentrations de CO2, un phénomène qui pourrait se reproduire dans le futur, du fait du réchauffement climatique. Ces résultats sont publiés le 20 avril 2015 dans la revue Nature Climate Change .
Une équipe internationale de biologistes marins et de paléontologistes a étudié la manière dont des gastéropodes marins (escargots de mer) résistent à des conditions d’acidification des océans. Pour cela, ils ont utilisé, comme sites d’expérimentation, des sources naturelles de CO2, telles que des sites d’émission de gaz volcanique en Sicile, simulant la modification de la chimie de l’eau de mer qui s’est produite à des époques passées et qui se reproduira probablement dans le futur.
Les résultats de leur étude, publiés le 20 avril 2015 dans la revue Nature Climate Change , expliquent pourquoi les organismes marins qui ont survécu aux précédentes crises d'extinction massive liées à l'acidification des océans avaient une taille beaucoup plus réduite , un phénomène connu comme "l'effet Lilliput". Ils apportent un éclairage sans appel sur l'impact que l'acidification des océans pourrait avoir sur les écosystèmes marins, à moins que le taux d'émissions du dioxyde de carbone dans l'atmosphère ne soit très fortement réduit.
Selon Vittorio Garilli (Paleosofia‐APEMA, Italie), co-directeur de l’étude, "deux espèces d’escargots vivant près de sources de CO2 en eaux peu profondes étaient plus petites que celles récoltées dans des conditions normales de pH, de près d’un tiers. Elles ont adapté leur taux métaboliques pour faire face à l'acidification de l'eau de mer. Ces changements physiologiques ont permis aux organismes de maintenir la calcification de leur coquille et de réparer partiellement les effets de la dissolution ."
© DR Une des espèces étudiées, Nassarius corniculus, prélevées en Sicile dans des sites « témoins », avec un pH de l’eau de mer égal à 8,1 - soit un pH normal - et plusieurs échantillons prélevés à Vulcano (île volcanique d'Italie, au nord de la Sicile), proches du site d’émission de gaz volcanique. Leurs coquilles montrent des signes de dissolution, mais surtout une réduction importante de leur taille, analogue à celle des échantillons fossiles.
Certains escargots ont été étudiés au Laboratoire d'études environnementales (AIEA Monaco), où leurs taux de calcification ont été mesurés dans des aquariums. Riccardo Rodolfo‐Metalpa (IRD, Nouvelle-Calédonie), codirecteur de l'étude, précise : "ces organismes ont développé une capacité de calcification et une résistance à la dissolution de leur coquille étonnantes, dans des conditions de pH que l'on considérait trop basses pour que la calcification soit possible . Ces organismes, qui ont été exposés à des taux élevés de CO2 au cours de multiples générations, fournissent des indices à la fois sur les changements dans les écosystèmes marins auxquels nous devons nous attendre alors que l'émission de CO2 continue d'augmenter sans contrôle, mais aussi sur les extinctions massives passées."
Jason Hall Spencer (Université de Plymouth, Royaume‐Uni) et Marco Milazzo (Université de Palerme) soulignent : "ces escargots présentent des variations de taille similaires à celles observées chez les organismes fossiles. De plus, ces résultats mettent en évidence les avantages physiologiques du nanisme."
Richard Twitchett, (Muséum d'histoire naturelle de Londres) complète : "les archives fossiles nous montrent que des extinctions massives et l'apparition du nanisme chez certaines espèces marines à coquilles, sont associées, à plusieurs reprises, à des épisodes passés de réchauffement global. Des changements similaires affecteront probablement de plus en plus les écosystèmes marins, particulièrement en raison de la vitesse d'acidification et de réchauffement des océans ".
Jason Hall Spencer conclut : "il est essentiel de comprendre les mécanismes par lesquels certaines espèces survivent à l'exposition chronique à des concentrations élevées de CO2 puisque les émissions de ce gaz exercent déjà des effets négatifs sur les réseaux trophiques marins et menacent la sécurité alimentaire."
Partenaires : ces travaux, codirigés par Vittorio Garilli et Riccardo Rodolfo‐Metalpa (IRD, Nouvelle‐Calédonie), ont impliqué des scientifiques de 10 instituts, dont l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de Monaco, l'Université de Plymouth, l'Université de Southampton, le Muséum d'Histoire naturelle de Londres et l’Université de Palerme.
L'acidification des océans réduit la taille des coquillages marins (PDF, 120 Ko)
https://www.ird.fr/toute-l-actualite/actualites/communiques-et-dossiers-de-presse/l-acidification-des-oceans-reduit-la-taille-des-coquillages-marins/%28language%29/fre-FR