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| | L'historiette du jour | |
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Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Jeu 21 Sep - 11:03 | |
| Jeannot et Jeannette L'histoire d'un frère, d'une soeur et d'un ogre. Conte traditionnel du Cantal
- Allez-vous-en ! leur dirent leurs parents, deux pauvres paysans qui n'en pouvaient plus de misère. Jeannette et Jeannot s'en allèrent donc, en reniflant à travers la forêt. Que faire ? Où se réfugier ? Ils avaient peur, faim et soif. À la fin, ils furent fatigués. Jeannot grimpa au sommet d'un arbre, et aperçut ainsi deux maisons, l'une blanche et l'autre rouge. - Choisis, Jeannette, celle où nous irons demander l'hospitalité. La petite fille choisit la rouge, qui lui semblait plus jolie. Ils s’y rendirent donc et frappèrent à la porte. Une femme vint leur ouvrir, les fit entrer. Elle ne semblait pas méchante, mais la crainte se lisait sur son visage. Les enfants n'y firent pas attention tant ils se sentaient à bout de forces. - Mangez, dit la femme en soupirant. Ils se jetèrent sur l'assiettée de soupe avec avidité. Ils ne l'avaient point encore terminée que surgit le maître de maison, un ogre énorme, les joues en feu, les yeux mauvais. - Hé hé ! cria-t-il joyeusement. Voilà de la chair fraîche ! Mais son sourire disparut en regardant les enfants de près, maigres et pâles, morts de peur. - Je ne les mangerai pas tout de suite, décida-t-il. Il faut les engraisser d'abord. - S'il te plaît, demanda la femme d'une voix plaintive. Laisse-moi la fillette, j'ai besoin d'une servante. L'ogre était dans ses bons jours. Il accepta : - D'accord, je te la donne. Mais, le garçon, lui, je l’enferme dans la cave. Nourris-le bien. Qu'il grossisse. Ainsi fut fait. Jeannette, du matin au soir, s'occupait de la maison, et aussi du cheval blanc qui était à l'écurie. Quant à Jeannot, lui, il ne faisait rien, sauf manger, des platées énormes, servies matin et soir. Il essayait bien de ne pas y toucher pour éviter de grossir, mais en vain : les plats sentaient trop bon, il ne pouvait résister. Tous les soirs, l'ogre venait le voir, ou plutôt, il venait jusqu'à la porte fermée de la cave, et ordonnait au garçon de passer son doigt dans un trou. Il tâtait le doigt, attendant le moment où il serait devenu assez gros. Jeannot avait peur de cet instant, peur d'être mangé. Mais Jeannette eut une idée : elle lui fit passer une queue de rat trouvée en balayant. Si bien que son frère, désormais, au lieu de présenter à l'ogre son doigt, lui montrait le bout de la queue, toujours aussi maigre. La ruse réussit longtemps, mais à la fin, l'ogre perdit patience. Un soir, il se fâcha, ouvrit la porte, saisit Jeannot par l'oreille, le traîna à la lumière. - Hé, hé, gronda-t-il. Je me doutais bien de la tromperie. Te voilà dodu à souhait, garçon : demain, je te mange ! Jeannot pleurait dans sa cave, enfermé à double tour, voyant sa dernière heure approcher, il pleurait sans pouvoir s'arrêter, désespéré, sans courage... Mais soudain, au milieu de la nuit il entendit une clé tourner dans la serrure ; la porte s'ouvrit, il vit une ombre, devina sa soeur. - Chut, murmura Jeannette. On va se sauver. Viens. Devant la maison, le cheval blanc attendait, attelé à une petite charrette. Ils grimpèrent tous les deux dans le véhicule et la fillette souffla : - Hue ! Hélas, tous les bruits de la fuite, pourtant faibles, avaient réveillé l'ogre. Il se leva, enfila sa culotte, et se précipite dehors juste à temps pour voir l'attelage des enfants disparaître à l'horizon. Poussant un cri de rage, il se lança à sa poursuite. Le cheval courait vite, mais l'ogre aussi. C’était l'aube, des bergers sortaient leurs troupeaux.L'ogre leur demanda : - Avez-vous vu passer deux enfants sur une charrette ? Ils avaient bien vu, mais ne le dirent pas. L'ogre reprit sa course en leur montrant le poing : - Je m'occuperai de vous, vous ne perdez rien pour attendre ! Un peu plus tard, il hurla de joie en arrivant près de la rivière. Les enfants venaient de la traverser, il les voyait, tout proches, presque à portée de la main. Il se précipita. Au bord de l'eau, des lavandières lavaient leur linge. Elles lui crièrent : - Monsieur, monsieur, ne passez pas à gué, vous allez vous mouiller jusqu'au cou : prenez plutôt la passerelle. La passerelle était faite de cheveux tressés, les propres cheveux des lavandières. Quand l'ogre atteignit le milieu du pont, les laveuses sortirent de grands ciseaux de leurs poches. La passerelle coupée, l'ogre tomba dans l'eau profonde et s’y noya. Quant à Jeannette et à Jeannot, ils continuèrent leur course pour arriver jusqu'à une terre d'asile où ils purent vivre en paix. Et le conte s'arrête là, au bout du pré.
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| | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Sam 23 Sep - 10:14 | |
| L'historiette du jour : Fissure de timidité de Bruno Perera Madame, je vous dois une confidence. J'ai trop longtemps tu mes sentiments mais rien ne me sert de les réprimer si leur violence n'a de cesse de me bouleverser. Je ne pensais pas vous les exprimer puisqu'il n'y a pas d'issue. Vous avez votre vie et j'ai la mienne. Nous sommes heureux chacun avec les nôtres. Pourquoi soulever une tempête, pourquoi laisser entrevoir un autre possible, puisque nous savons l'un et l'autre que la voie que nous avons choisie est celle de la sagesse ? Certes, elle peut paraître bien mièvre face aux folies de la passion, mais nous avons assez vécu pour savoir que rien ne peut se construire au sommet d'un volcan. - Lire la suite:
Mais je m'illusionne peut-être et vous accorde une identité de pensée qui n'existe que dans mes songes. Peut-être que ces mots vous étonnent, ces sentiments vous choquent, vous ne voyiez qu'une amitié là où j'étais certain d'un amour partagé. Dans ce cas ne m'en veuillez pas, ne me rejetez pas ! N'y percevez que les signes d'un égarement ! J'ai la faiblesse d'espérer que, grâce à votre discernement, vous saurez me pardonner cet étalage indécent.
Madame, je vous dois une confidence. Dès que je vous ai aperçue, j'ai su que vous ne pourriez m'être indifférente. Quel est le mystère de cette reconnaissance immédiate ? Une façon d'être qui évoque les souvenirs enfouis de l'enfance ? La recherche incessante d'un idéal féminin à travers la figure de la mère ou le souvenir de mes premiers émois ? Ou des processus beaucoup plus prosaïques tels que l'odeur ou le mécanisme souterrain d'une bonne compatibilité génétique ? Dès que je vous ai vue marcher, cette allure juvénile, cette finesse de votre corps, et ce regard droit, ce regard brillant accueillant l'autre, j'ai su que j'allais succomber. Oh, le processus fut lent, souterrain, mais il a tracé son sillon et s'est alimenté de tous ces insignifiants moments en votre présence ! Les mois ont passé, peut-être les années, je ne sais, mais il a bien fallu un jour que l'on cesse de se croiser, que l'on se parle et se découvre, quelques phrases quelconques échangées, le début d'une amitié.
Madame, je vous dois une confidence. C'est ce soir-là, quand vous étiez dans la lumière du soleil, nullement gênée par les rayons du couchant, que j'ai chaviré. Avez-vous perçu mon embarras alors que je me cachais dans l'ombre protectrice du soleil rasant ? Moi d'ordinaire si disert, mon trouble était tel que je ne pouvais vous faire la conversation. Avez-vous senti ma gêne, mon élocution chaotique ? C'est un cliché de l'écrire mais c'était exactement ce que je ressentais : je restais sans voix. Ébloui par ce qui émanait de vous. L'impression était si forte que votre image m'est restée profondément gravée dans la mémoire. Ces yeux devenus clairs, magnifiés par un maquillage discret. Ces cheveux indisciplinés aux mèches de couleur moins soutenue. Cette chaude carnation rehaussée par quelques éphélides. Ce sourire réservé, presque énigmatique, peut-être légèrement moqueur. Vos épaules nues dans la chaleur de l'été. Vous ne me lâchiez pas du regard, vous m'attendiez et je devais secouer le charme qui me paralysait. Nous avons été dans notre bulle, les discussions de nos voisins à peine conscientes, échangeant des propos intimes en toute confiance, comme si nous étions des anciens amants et que rien n'était tabou entre nous... De vous quitter dans la nuit fraîche a été un arrachement.
L'acmé de cette soirée totémique n'a jamais été dépassée. Nos échanges sont distendus, parfois triviaux, parfois chaleureux, parfois distants, parfois fusionnels. Maintes fois, j'ai tenté de vous retrouver seule parce que je voulais savoir ce que vous aviez dans votre ventre, dans votre cœur, dans votre tête, mais vous vous êtes toujours échappée. Et quand, lassé d'avoir pris tant d'initiatives sans retour de votre part, je me sentais prêt à abandonner, à renoncer à cette quête, soudain vous m'encouragiez d'un sourire éclatant, d'un regard chaleureux, d'un signe de la main.
Madame, je vous dois une confidence. Je sais que nous nous sommes reconnus, que nous sommes constitués de la même matière de rêves. Que nous vivons dans nos mots, dans notre tête. Que notre monde intérieur est bien plus vaste que ces trois dimensions limitant notre corps. Que nous vibrons aux mêmes beautés, aux mêmes émotions. Que nous sommes du même bois de chimères. Je sais que ce sentiment d'appartenance nous dépasse et que nos liens essentiels perdureront. Je sais enfin que vous êtes bien plus sage que moi, que vous avez accepté que cet amour ne puisse être vécu dans cette vie et que nous devons tous les deux seulement en caresser l'écume.
Madame, je vous dois une confidence. Nous sommes du même bois de fées. Nous sommes comme ces arbres frères qui se côtoient dans la forêt. Nous grandissons ensemble, puisons dans le même substrat. Nous augmentons notre ramure et pourtant, jamais nos branches n'entrent en contact, quelques centimètres d'espace par où passe la lumière du soleil, légère faille entre nos frondaisons. Les forestiers connaissent bien ce phénomène étrange. Ils ignorent par quel mécanisme, par quelle sorte de communication, les arbres peuvent se tenir à une si faible distance sans se toucher, comment ils savent se respecter tout en se développant. Ils lui ont donné un nom poétique : les fissures de timidité.
Madame, j'accepte qu'entre nous s'impose une fissure de timidité. J'accepte que notre communion soit un mystère pour nous et pour les autres. J'accepte que cet amour secret se love dans nos têtes. J'accepte que nos corps ne se connaissent jamais. Nous resterons si proches mais sans nous toucher, nous respectant, évoluant ensemble vers le même soleil.
Madame, je vous demande une seule faveur.
Qu'à travers cette fissure de timidité, s'épanche notre tendresse.
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| | | Colombine Administrateur
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| | | | Colombine Administrateur
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mer 27 Sep - 10:24 | |
| L'historiette du jour : Le chat de l’empereur de Jean-Claude RENOUX Ngày xửa ngày xưa, c'est ainsi que commencent les contes au Vietnam. En ce temps-là nul homme n’avait le droit de séjourner dans le palais de l’empereur la nuit, hormis l’empereur lui-même, les eunuques, et les femmes, épouses, concubines, odalisques ou servantes… Or donc, il y avait un jeune étudiant nommé Thui qui vivait à Hạ Nòi, du temps où la ville s'appelait Thăng Long. Cet étudiant préférait la débauche à l’étude. - Lire la suite::
Lire la suite: Un soir où Thui avait bu plus que d’ordinaire il jura qu’il passerait toute une nuit dans le palais de l’empereur, et la vantardise fit le tour de la ville, pour parvenir enfin aux oreilles de l’empereur qui éclata de rire et dit que si l’étudiant Thui parvenait à passer toute une nuit dans le palais, lui, l’empereur, promettait de se faire couper les ngọc quý (les précieuses.
Une nuit, Thui fut réveillé par un fantôme :
- Garçon, dit le fantôme, figure-toi que j’étais un haut fonctionnaire de la cour et que l’empereur d’humeur badine a eu la mauvaise idée de me faire couper la tête après que l’on m’eut fait subir le supplice du dépeçage. Aussi je ne serai pas mécontent de voir l'empereur perdre ses ngọc quý. Je vais t’indiquer un petit bois non loin de la capitale où poussent des roseaux dorés. Que tu brûles ces roseaux et que tu t’enduises de leurs cendres et tu deviendras invisible. Il te sera ensuite facile de rentrer dans le palais, et de décrire quelle robe l’empereur portait cette nuit-là pour qu’il se sente obligé de tenir se faire couper les ngọc quý !
Au matin Thui se rendit dans le petit bois. Là il y avait une source d’eau pure où nageaient des petits poissons d’or et dans les roseaux environnants gazouillaient des petits oiseaux d’argent. Thui fit brûler les roseaux, s’enduisit un doigt de cendre : le doigt disparu pour réapparaître une fois lavé dans l’eau de la source. Thui revint à la capitale avec un sac rempli de cendre, et l’après-midi-même après s’être entièrement dévêtu il se recouvrit de cendres et traversa ainsi la ville, nu comme un ver sans que personne ne le vît, s’introduisit dans le palais. Thui gagna ensuite la chambre de l’empereur, et après avoir bien observé la robe de ce dernier il sortit faire quelques pas dans le jardin en attendant l’ouverture des portes…
Thui n’avait pas pensé que la rosée pourrait délaver la cendre !
Si bien qu’aux premières lueurs du jour on découvrit un homme nu errant dans les jardins. Quel émoi ! On courut appeler l’empereur qui se voyait déjà perdre ses ngọc quý (précieuses) !
C’est alors qu’une idée vint à Thui : il se mit à quatre pattes et se mit à miauler ! Aussitôt l’empereur dit :
- Đó là một con mèo !
- C’est un chat !
Et comme personne n’osait contredire l’empereur, on acquiesça !
- D’ailleurs je vais m’en assurer moi-même, dit l’empereur !
Il s’approcha de Thui et le gratta derrière la tête tout en lui glissant dans l’oreille :
- Sais-tu que je pourrais te faire castrer, le chat ?
Et Thui ronronna :
- Sais-tu que je pourrais dire que je suis un homme et que tu y perdrais aussi tes ngọc qúy, mon maître ?
L’empereur se redressa vivement :
- Đúng rồi, đó là một con mèo !
- C’est bien un chat !
Voulant l’humilier tout en gardant ses ngọc quý, il ajouta aussitôt :
- Qu’on lui donne du lait, du poisson cru, et des souris, et qu’on reconduise ce chat dans sa demeure. Et pour qu’il ne lui arrive rien en route j’ordonne que dix hommes d’armes ouvrent la marche et que dix autres marchent derrière.
Et c’est ainsi que Thui dut avaler de bon matin du lait, du poisson cru et des souris, qu’il dut traverser la ville à quatre pattes, dix hommes d’armes par devant, dix hommes d’armes par derrière, tout en miaulant et nu comme un ver.
Un héraut criait à tue–tête :
- Faites place au chat de l’empereur, faites place au chat de l’empereur !
Thui resta cloitré tout le restant de la journée, de crainte des tueurs que l'empereur ne manquerait pas de dépêcher. À nuit tombée il s'enduisit de cendres et disparut. Et comme il connaissait l'existence du petit bois aux roseaux dorés, il ne connut jamais la faim et à défaut d'être bachelier il devint le prince des voleurs.
Quant à savoir s'il s'introduisit de nouveau de nuit dans le palais de l'empereur, aucune épouse, concubine, odalisque, ni même la moindre servante ne s'en est jamais vanté !
Xin hết, ainsi conclut-on les contes au Vietnam !
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Sam 2 Déc - 10:10 | |
| L'historiette du jour : La véritable histoire du père Noël de Jean-Claude RenouxLe lièvre d'or aimait voyager, si rapidement qu'il se déplaçait en un clin d'oeil d'une planète à l'autre et qu'on le prenait pour une étoile filante ! Un jour, notre lièvre rencontra, sur une planète bleue, un vieux monsieur avec une grosse barbe en broussaille qui lui mangeait les joues, des cheveux blancs qui lui coulaient dans le cou, une casquette à carreaux, des lunettes de soleil, une salopette à fleurs et des sabots aux pieds ; un vieux monsieur qui vivait là avec un vieil âne gris ; un vieux monsieur qui ne se nourrissait que de sucettes et de tartes à la crème... - Lire la suite:
« Je m'appelle Noël », dit le vieux monsieur ! Le lièvre et le vieil homme sympathisèrent ; ce dernier confia qu'il s'ennuyait, car il ne connaissait pas d'enfants à qui offrir les jouets qu'il fabriquait ! « Ça alors, s'exclama le lièvre, et moi qui connais une planète habitée, avec des millions d'enfants ! » Le vieux en pleura d'émotion, l'âne brailla pour marquer son contentement de voir l'homme heureux, le lièvre leur demanda de fermer les yeux, il leur souffla dessus, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils se retrouvèrent sur terre ! Le père Noël, qui avait perdu ses lunettes de soleil durant l'opération, fut ébloui, il chercha à tâtons, retrouva les lunettes ; il vit qu'il se trouvait sur la place d'un petit village noyé de soleil, et que c'était la lumière se réverbérant sur les pierres blanches des maisons qui lui blessait les yeux : il était à Blauzac, un village proche d'Uzès ! Le vieux monsieur dénicha une petite maison à sa convenance, avec un pré mitoyen pour son âne ; où tout aurait été pour le mieux, s'il n'avait eu pour voisine Madame Dédée, une personne acariâtre qui aimait par-dessus tout l'ordre et la propreté, et qui ne supportait pas le voisinage d'un vieux dont la barbe en broussaille mangeait les joues, dont les cheveux blancs étaient si longs qu'ils lui coulaient dans le cou. Pensez ! Un vieux coiffé d'une casquette à carreaux, portant des lunettes de soleil, vêtu d'une salopette à fleurs, chaussé de sabots ; un vieux qui se plaisait en compagnie d'un vieil âne gris, et qui ne sortait de chez lui que pour distribuer des jouets aux enfants qu'il rencontrait ; un vieux qui passait son temps à sucer des sucettes et à dévorer des tartes à la crème ! Le vieil homme décida d'ignorer une femme incapable de proférer autre chose que des paroles désobligeantes à son égard, et continua, comme par le passé, à fabriquer des jouets, en regrettant de ne pas suffire à la tâche - il y avait tellement d'enfants, et tant d'autres encore qui n'habitaient pas Blauzac ! Jusqu'au jour où le vieil âne gris brouta les fleurs de Madame Dédée ! Quel scandale ! La femme acariâtre écrivit de-ci, de-là ; un beau matin, le vieux monsieur vit débarquer chez lui toute une brigade de gens sérieux qui constatèrent que cet homme était âgé, qu'il oubliait de repasser sa salopette à fleurs, que la vaisselle sale encombrait son évier, que les miettes de son repas parsemaient la table de la salle à manger, qu'il ne savait pas se nourrir, qu'il ne balayait pas souvent son parquet, et que ses sabots étaient bien crottés ! Le père Noël eut beau expliquer qu'il avait mieux à faire, qu'il devait, du jour naissant à nuit faite, fabriquer des jouets pour les enfants ; les gens sérieux estimèrent cette gentillesse suspecte, et qu'offrir des jouets plutôt que de les vendre n'était pas raisonnable. Ce vieux-là n'était décidément pas capable de s'occuper seul de sa personne ! Le voilà placé dans une vieille maison grise et laide, avec des barreaux aux fenêtres, et le vieil âne gris à la fourrière... Quel ne fut pas le désarroi du vieil homme quand il constata que la directrice de la maison laide et grise n'était autre que Madame Dédée ! Celle-ci déclara qu'elle s'occuperait personnellement du cas de cet homme-ci, et qu'il convenait d'abord de le raser et de lui couper les cheveux ; le vieux eut beau protester, tempêter : il fut rasé, il eut les cheveux courts, on lui confisqua ses lunettes de soleil, sa casquette à carreaux, sa salopette à fleurs et ses sabots crottés, et on l'habilla - vieux parmi les autres vieux - d'une chemise bleu marine, d'un pantalon gris, et de pantoufles aux pieds ! De ce jour, le vieil homme refusa de manger. Bientôt, il ne voulut plus quitter son lit ; il restait couché, des heures durant, à regarder le ciel par la fenêtre ! Vint le soir de Noël ! Ce soir-là, le vieux monsieur ne parvenait pas à dormir : il rêvait à son âne, de sa planète bleue ; quand il entendit du bruit qui provenait de la cheminée ! Le lièvre d'or parut : « Accroche-toi à mon cou, et je te tirerai de là », lui dit-il ! Le vieux fit ce que le lièvre demandait ; ils repartirent par la cheminée, alors que les autres vieux applaudissaient ! Le lièvre conduisit l'homme sur le Montaigu, où les attendait déjà le vieil âne gris. Les fumées bavaient dans le ciel, depuis Saint-Hippolythe au pied du Montaigu, puis disparaissaient dans l'immensité glacée. Pas un nuage, pas un bruit autre que celui d'un chien qui hurlait du côté de Flaux. La plaine bleue était bleue de nuit, de lune, de froid, de vignes et de garrigues. Le chapiteau des étoiles clignait faiblement, alors que là-bas, tout là-bas, l'étoile du Nord resplendissait ! Le lièvre demanda à l'homme et à l'âne de fermer les yeux, et leur souffla dessus : voilà l'âne transformé en un renne superbe tirant un traîneau qui tintinnabulait de milliers de sonnailles ; voilà le vieux monsieur vêtu d'un manteau, d'un pantalon et d'un chapeau rouge, chaussé d'une belle paire de bottes de cuir noir ! Le lièvre d'or prit place à côté du père Noël, et ils s'envolèrent, plein Nord, jusqu'au pôle, où le lièvre possédait un chalet ; il proposa au vieil homme de s'y installer, et de faire comme chez lui ; parce que le père Noël souhaitait continuer à fabriquer des jouets, et qu'il ne suffisait pas à la tâche - il y avait tellement d'enfants, n'est-ce pas, de par le vaste monde - le lièvre fit venir d'une planète verte toute une troupe de petits lutins bricoleurs... Malgré quoi le père Noël a bien du travail, et je crains que son pantalon rouge ne soit pas toujours très bien repassé, que ses bottes ne soient un peu crottées, que la vaisselle ne s'entasse quelque peu dans l'évier, que les miettes de son dernier repas ne parsèment la table de la salle à manger du chalet et que le parquet ne soit pas toujours très bien balayé... Qu'importe ! Les gens sérieux n'estiment pas raisonnables de se rendre au pôle Nord et, c'est bien connu, ces gens-là ne croient pas au père Noël !
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| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: L'historiette du jour Sam 2 Déc - 14:39 | |
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Dim 3 Déc - 8:01 | |
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Dim 3 Déc - 8:01 | |
| L'historiette du jour :Jean-Max Guieu MES PETITES HISTOIRES MARSEILLAISES DE NOËL LA DAMOTEElle s'était décidée à aller voir ce qui se passait là-bas dès qu'elle avait appris la nouvelle : la nouvelle qui avait fait descendre tout le village vers une vieille étable ! On disait qu'un couple d'étrangers y avait débarqué dans l'après-midi et que la femme avait accouché, juste au moment où des chants célestes avaient miraculeusement retenti du plus haut des cieux. La chose devait certainement être d'importance et il n'était pas question qu'elle, que tout le monde considérait un peu comme la baronne de Bétélèn, ne soit pas là pour assister à l'événement. Ça n'était vraiment pas tous les jours qu'il se passait quelque chose de remarquable dans cette pacoule ! Pour elle, qui s'y morfondait, loin des quartiers chics de sa jeunesse, Bétélèn était loin d'être réputé pour ses réceptions mondaines où ait daigné s'encanailler le gratin marseillais. - Lire la suite:
Bon, elle s'était quand même un peu endimanchée pour la circonstance : sur son caraco et sa jupe bigarrée de cretonne piquée, elle avait choisi de s'emmitoufler, plutôt que d'un châle en cachemire, d'une ample cape vert-bouteille à la mode, la "visite", avec sa double capuche froncée. Evidemment, elle portait sa coiffe à la chanoinesse qui, en lui comprimant les fanons, lui permettait, en plus, de camoufler efficacement son double menton. Et, du bout de ses mitaines crochetées, elle tenait son grand parapluie rouge, signe ostentatoire de son rang social. Un peu d'élégance, et pourquoi pas ? Ne serait-ce que pour montrer ce que c'était que d'avoir un peu de classe à la piétaille qui, certainement, allait se presser devant l'étable. Alors, pour se donner du courage, elle se servit un petit verre de ratafia. Ah ! pour ça, elle était bien entourée, remarqua-t-elle dès qu'elle arriva à l'étable. Pratiquement que des paysans ! Des journaliers, des artisans, des petits commerçants, sans compter des gens infréquentables, comme le berger, la poissonnière, le marchand d'estrasses et même une tribu de de Caraques. Beaucoup étaient chargés d'humbles présents et elle se félicitait d'avoir choisi d'apporter quelque chose d'un peu plus distingué : une belle chaufferette en cuivre que sa jeune servante avait justement astiquée le matin même. Pas question évidemment d'y avoir mis des braises qui auraient pu brûler les festons de sa cape en précieux tissu ramoneur : il coûtait au moins un devant-de-corset ! Oh, ils se débrouilleraient bien sur place pour mettre de quoi garnir sa chaufferette ! D'un signe de tête, elle salua le maire et essaya de se frayer un chemin à travers la petite foule de curieux, dont les regards semblaient comme illuminés d'espoir. ‒ Qu'est-ce donc que tout ce raffut ? lança-t-elle au garde-champêtre ‒ Mais c'est lou pitchoun Jèsu ! Es neissu ! ‒ Le petit Jésus ? Mais de quoi parlez-vous, mon brave ? ‒ Oh fan ! s'il faut tout vous expliquer, sian pas 'nca arriba. Alors, le brave garde-champêtre se lança comme il le put dans des explications théologiques emberlificotées. ‒ Qu'est-ce que vous me dites là ? Les journaux de Marseille n'ont rien annoncé du tout ! ‒ Hé, vous fatiguès pas, ma bonne dame, la rassura le meunier. Nous non plus, nous ne le savions pas : on vient juste de nous prévenir ! Elle essaya de se faufiler pour essayer d'apercevoir le couple dans l'étable. ‒ Passez, Madame, passez ! lui dit en souriant le berger, j'ai tout mon temps ! Et moi, au moins, je suis couvert comme Saint Georges ! Allez-y, que vous allez prendre froid avec votre pélerine de damote. La bouquetière se proposa : ‒ Vous voulez que je vous aide à vous remonter la capuche sur la tête ? Vous aurez plus chaud ! ‒ Ma belle, avancez-vous pour un peu voir le pitchounet, qu'il est tant beau, ajouta la boulangère. ‒ Tenez, prenez donc ma main pour enjamber le moulon de présents, lui suggéra gentiment le petit mitron. Effectivement, devant la crèche, s'étalaient déjà de petits tas de fruits, de légumes et toutes sortes d'objets hétéroclites. Elle déposait donc presque furtivement sa chaufferette, quand un vieil homme muni d'une lanterne lui dit : ‒ On va vous trouver quelques brindilles pour allumer un petit feu avec ma chandelle et faire de la braise pour vous, Madame. C'est vraiment une bonne idée que vous avez eue avec votre chaufferette : ça va un peu les réchauffer, ces pauvres gens. Mais, vous, ne restez pas tanquée ici : il fait trop froid ! ‒ Oh pétard, je comprends ! Rentrez vite chez vous, que vous risquez d'attraper le mal de la macaque ! s'inquiéta la marchande de brousses, en la voyant grelotter. Quand elle revint chez elle, elle n'en revenait toujours pas d'avoir trouvé des villageois si charmants et si aimables avec elle. Du coup, elle se resservit une rasade de ratafia pour se réchauffer un peu, puis retira sa cape et ses mitaines qu'elle balança sur son radassier. C'est alors que son chat, qui s'y prélassait, la regarda dans les yeux et lui dit : ‒ Je commençais à m'inquiéter. Elle le regarda, éberluée ! Un chat qui parlait ? ça y est, elle devenait fadade en plein ! ‒ Bèh oui, ajouta le chat, ça fait une heure que je suis seul ! ‒ Un chat qui me parle ? Non. Je suis bonne pour le cabanon ! s'écria-t-elle. ‒ Allez, Louise, calme-toi : à partir de maintenant, ça ne se produira qu'une seule fois par an, le soir du 24 décembre. Pendant qu'elle se remettait de l'estoumagade en se resservant un bon chicoulon de ratafia, le chat continua : ‒ Profitons-en pour parler ensemble. Raconte-moi. Alors, elle lui avoua combien, arrivée devant l'étable, elle avait été surprise de se sentir entourée de braves gens serviables, de personnes qu'on ne lui avait pourtant pas présentées, de voisins qu'elle n'avait jamais rencontrés, ni remarqués auparavant. Elle s'était ainsi rendu compte qu'elle ne fréquentait personne au village, et que c'était sans doute pour ça qu'elle restait ainsi trop souvent seule. Toute seule. A parler avec son chat. Celui-ci vint alors se lover sur ses genoux en ronronnant et lui dit : ‒ Ecoute, à partir de maintenant, tu vas me faire le plaisir d'aller les revoir encore, ces braves voisins, pour parler avec eux, plutôt que de faire la fière quand tu traverses la grand-place du village, et que tu passes raide, raide, toutes voiles dehors, comme la pessuguette que tu es ! Allez, ressers-toi une rasade de ratafia ! ‒ Oui, je sais que je suis sauvage. Et pire, je n'aime pas aller au-devant des gens, surtout si je vois qu'ils sont dans le besoin. C'est vrai que je suis une bourgeoise, mais, tu sais, je ne suis pas comme mes amies en ville qui font des simagrées, avec "leurs" pauvres. ‒ Quelle croïo, celles-là ! Mais, toi, tu pourrais aussi, par exemple, te charger d'autres pauvres. Des pauvres que tu n'aurais même pas besoin de rencontrer. ‒ Ah bon ? Et qui ça ? ‒ Des bêtes. Des bêtes, comme moi. Des chats ou des chiens errants qui seraient bien contents de trouver régulièrement une écuelle d'eau ou de la nourriture devant ta porte, ou à l'orée de la pinède. Ou même de pauvres oiseaux qui, en ce moment, n'ont vraiment pas grand-chose à picorer, tu sais ! Allez, fais donc suspendre une mangeoire devant la fenêtre qui donne dans le jardin. Tu verras : ça te distraira ! Tè, bois encore un coup ! ‒ Oui, tu as raison. A la nôtre ! Ça me plait bien toutes ces idées : demain, je te promets, j'irai bavarder avec la gentille boulangère et la marchande de brousses. Merci, mon Minou, lui dit-elle en lui caressant la tête. ‒ Miaou, lui répondit le chat. Source : Marseille et son histoire
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Lun 4 Déc - 9:31 | |
| L'historiette du jour : LE NOEL DU SOIXANTE HUIT de Jean-Claude RenouxL'histoire se passa à l'époque où les tramways marchaient à vapeur ! Les engins étaient dotés de chasse-corps en bois pour écarter les imprudents, notamment les femmes qui, chaussées de talons-hauts, chutaient après s'être pris les pieds dans les rails. En hiver, quand le Mistral soufflait, il faisait froid, et les tramways n'avaient pas de pare-brise. Le wattman, pour se protéger était tout emmitouflé, d'où son surnom de peau de bique. - Lire la suite:
L'un de ces conducteurs de tram s'appelait Martin. Il oeuvrait sur la ligne du 68, qui dessert la rue Saint-Pierre à Marseille. C'était un gentil garçon, souriant, serviable, intelligent et de fort bonne allure. Il aimait sa voiture et se comportait avec les passagers comme s'ils eussent été ses invités : Martin aidait les personnes âgées à monter et à descendre. Il oubliait de faire payer les enfants, acceptait que Fraissinette, la jolie poissonnière, encombrât les allées de ses banastes (panières), que le gros cordonnier du boulevard Baille occupât trois places, que la vendeuse de limaçons fît paître son petit monde sur les banquettes, que la marchande de brousses du Rove égouttât son fromage par les portières, que la répétière (marchande) pèle ses oranges dans les allées. Et puis il y avait aussi le vieux monsieur qui ne voulait point être assisté lorsqu'il prenait le tram. Il s'asseyait à l'arrière, au tout petit matin, et ne quittait la voiture qu'à l'heure de la fermeture. Il avait une grande cape, un chapeau-claque et une lavallière à pois. Un petit singe se tenait sur son épaule droite. Le vieux monsieur souriait de longue (sans cesse). Le soir, au moment de quitter le tram, il claquait dans ses doigts, et la voiture se retrouvait aussi propre que le matin. plus aucune trace baveuse de limaçon, pas plus que de peaux d'orange dans les allées, ou d'odeurs de poissons... Les passagers du 68 l'avaient surnommé le magicien !
Les attentions de Martin pour les voyageurs avaient pour effet de contrarier sérieusement la rigueur des horaires. Et que dire de la recette dérisoire en fin de journée ! Cela ne pouvait que déplaire au responsable du dépôt. Un homme sérieux que ce chef-là ! Pour l'état civil il s'appelait monsieur Grinchonin, mais tout le monde lui disait Capdebouc (tête de bouc). Il portait des lorgnons et était fier de sa barbichette soigneusement entretenue. Après plusieurs rappels à l'ordre et au règlement, Capdebouc informa le jeune homme qu'il le congédierait s'il prenait encore une seule fois du retard sur l'horaire. C'était le matin d'un vingt quatre décembre ! Martin eut beau dire que ce soir c'était Noël, l'autre lui tendit le règlement et lui demanda de chercher lui-même le chapitre, l'article, l'alinéa où il était question d'éventuelle dérogation quant au respect des horaires pour cause de nativité...
Pour mieux s'assurer que Martin outrepasserait bien les consignes, Capdebouc décida d'accompagner le wattman toute la journée. Le jeune homme prit le temps d'aider les personnes âgées qui montaient ou descendaient de voiture ; puis, la rage au coeur, il fit payer leur place aux enfants, demanda à Fraissinette, la tendre poissonnière de ne point encombrer les allées de ses banastes. Il imposa triple tarif au gros cordonnier du boulevard Baille, pria la marchande de limaçons de les tenir enfermés dans leur caisse, recommanda à la marchande de brousses du Rove de ne pas les égoutter par les fenêtres, et à la répétière de ne pas laisser traîner de peaux d'orange... Les uns, les autres, regardaient Martin, puis Capdebouc. Ils hochaient la tête en souriant, et obtempéraient sans rien dire. Tout cela sous le regard du vieux monsieur qui avait mis sa plus belle cape, un tout nouveau chapeau-claque et une magnifique lavallière à pois. Le chef de dépôt trouvait cet accoutrement de bien mauvais goût. Un homme de son âge ! Avec un petit singe sur l'épaule droite... Mais le monsieur souriait comme d'habitude, en observant Martin, et ne prêtait aucune attention à Capdebouc.
Le chef de dépôt enrageait : il s'était promis de congédier Martin le jour-même ; mais il ne trouvait rien à redire : le tram n'avait pris aucun retard sur l'horaire. L'aigrelet barbichu décida donc de provoquer l'incident qui servirait de prétexte au licenciement. En fin de soirée, alors que les habitués étaient rassemblés pour le retour vers la Conception, Capdebouc remplaça la bouteille thermos par une autre qu'il avait sabotée : un trou minuscule laissait s'échapper la vapeur, si bien que le tram tomba en panne rue Saint-Pierre. - Vous êtes mis-à-pied, mon petit, jubilait le barbichu, mis-à-pied... Ce fut alors que le vieux monsieur intervint. C'était bien un magicien qui, originaire de la lointaine Armorique, avait beaucoup voyagé avant de prendre sa retraite à Marseille. - Laissez-moi voir ça ! dit-il en se penchant sur le boggie. - On ne touche pas au matériel de l'administration, hurla en trépignant Capdebouc. Mais le vieux monsieur n'avait cure des hurlements du chef de dépôt. Il décrocha la bouteille thermos, l'examina et probablement au moyen d'une formule magique, boucha le petit trou. Puis il souffla dans le goulot, et replaça la bouteille. Martin remit le tramway en marche, et la voiture redémarra : jamais elle n'avait aussi vite et aussi bien roulé. Tout le monde applaudissait le vieux monsieur : Fraissinette, la belle poissonnière, le gros cordonnier du boulevard Baille, la vendeuse de limaçons, la répétière... Tout le monde, à l'exception de Capdebouc qui aboyait : - Cela n'est pas réglementaire, vous êtes mis-à-pied, mon petit, mis-à-pied ! Mais Martin s'en moquait, et riait avec les passagers. Touché par la démonstration de sympathie dont il était l'objet, le vieux monsieur salua bien bas. Il prit un peu de poudre dans son chapeau-claque, et le jeta sur les passagers. Des milliers d'étoiles scintillèrent dans la voiture et se posèrent sur les uns et les autres !
La Bonne-Mère n'en crut pas ses yeux : le 68 décollait pour survoler la ville ! Capdebouc s'étranglait : - C'est interdit par le règlement, vous êtes mis-à-pied, mon petit, mis-à-pied. Le vieux monsieur sembla enfin remarquer le chef de dépôt : il prit la peau de bique qui était posée au dos du siège du conducteur, et la jeta sur Capdebouc en lui disant : - Désormais tu mériteras ton nom ! Et le digne chef de dépôt, transformé en un bouc à barbichette et à lorgnons, bêla : - Misapièèèèèè ! Misapièèèèèè!
Cette année-là le père Noël était bien fatigué. Le 68 le rencontra... Ils sympathisèrent, là-haut, dans le ciel marseillais. Et à minuit, ils étaient heureux ceux qui distribuèrent les cadeaux aux enfants de la cité phocéenne : un gentil wattman, souriant et serviable, qui considérait ses passagers comme des invités, une jolie poissonnière qui encombrait à nouveau de ses banastes les allées du tram, un gros cordonnier qui riait et occupait trois places, une marchande de limaçons qui laissait paître son petit monde sur les banquettes, une marchande de brousses du Rove qui en profitait pour les égoutter par la fenêtre, une répétière qui, emportée par l'enthousiasme, jetait des oranges dans les cheminées. Pendant qu'un vilain bouc bêlait : - Misapièèèèèè ! Misapièèèèèè !
Capdebouc, au matin, retrouva son aspect ordinaire. Après tout, c'était Noël ! La leçon lui fut profitable : il n'embêta plus jamais Martin... Le vieux monsieur reste (demeure) toujours à Marseille. Vous le rencontrerez peut-être un jour, avec sa grande cape, son chapeau-claque, sa lavallière à pois et son petit singe sur l'épaule droite... Maintenant il préfère se déplacer en métro ! Quant au gentil wattman, il épousa Fraissinette, la belle poissonnière, et ils eurent de bien beaux minots.
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mar 5 Déc - 17:01 | |
| CONTE de NOÊL de Marcelle Celestin La Bonne Mère et la Belle Major se font face ! …Que peuvent-elles se dire ? Un jour d’Automne, je les ai entendues et je les ai écoutées…. Comme tous les matins, à l’aurore naissante, les deux basiliques se congratulent : --La Major : « Je vous salue Bonne mère, vous qui scintillez dans votre habit d’or, vous qui gardez et veillez sur Marseille du haut de votre colline » ! - Lire la suite:
--La Bonne Mère : « Le bonjour vous soit donné, belle Major, vous qui vous déployez bien majestueusement au milieu de la cité antique modernisée, vous qui hébergez le siège épiscopal de Marseille. » --La Major : « Bonne-Mère, en majesté de basilique, vous êtes l’emblème de la ville, vous protégez tous les marins, les pêcheurs, tous les Marseillais de quelque origine qu’ils soient et tous ceux qui vous rendent visite ! Visible des quatre coins de la ville et face à la mer Méditerranée de toute votre grandeur, vous présentez avec amour votre beau petit qui ouvre ses bras comme s’il voulait nous embrasser !» --La Bonne -Mère : « Mais vous, de belle manière, vous exposez sur le fronton de votre porche mon fils entouré de 3 de ses apôtres : Pierre, Paul et Lazare et 3 disciples provençaux : Marie Madeleine, Marthe et Maximin. Le Vieux Port et la Joliette sont à vos pieds ! --La Major ; « nous avons profité toutes deux des talents de Henri Espérandieu, un nom nous promettant un bel avenir ; toutes deux, nous avons été choyées, peaufinées au fil des ans parce que nous le valons bien !!!et cela nous amène bien des visites de Marseillais et de touristes, fidèles ou profanes par curiosité ou pour des intentions ou demandes de protection ;, cependant, pour vous peut-être un peu plus en raison de votre renommée ..Je ne suis pas jalouse parce que tous les beaux monuments de Marseille ont leur belle part. » --La Bonne Mère : « Mon petit et moi, nous vous admirons tous les jours, du haut de nos 225 mètres, comme nous admirons Marseille. Nous sommes heureux de voir le bonheur, mais nous sommes blessés de voir aussi de la tristesse, de la misère, des malheurs, des actes malfaisants !» --« La Major : « Allez ! Ma Bonne Mère,! Noël arrive et toutes les deux, unissons-nous, pour assurer de belles fêtes à tous …et, d’en haut si votre regard découvre un malheur qui frappe une personne, quelle que soit son origine, quelle que soit sa religion, je sais que vous me le direz et toutes deux nous essaierons de le combattre… » -- La Bonne -Mère : « Soyez rassurée ! Marie-Joséphine vous en informera. (Marie-Joséphine : le bourdon de Notre Dame de la Garde pèse 8234Kg avec Bertrand, Le battant de 387Kg…Marie -Joséphine dont la marraine fut Madame Wulfram-Puget.) Voilà ce que j’ai entendu, ou que j’ai cru entendre . Il y a de cela plus de trois ans . Et tous les jours, comme par le passé la Bonne Mère et la Belle Major continuèrent inlassablement à aimer Marseille et tous les jours, elles continuèrent inlassablement à se regarder avec bienveillance, à se saluer, à veiller sur la ville comme sur les îles du Frioul, comme sur la mer…la Bonne mère avec son petit les bras grands ouverts et la Major avec Jésus, Pierre, Paul, Lazare et les autres, Marie-Madeleine, Marthe et Maximin ! Illustrations : carte postale de face à face des deux basiliques et agrandissement, la Bonne -mère et son petit , tous deux illuminés d’or .
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mer 6 Déc - 11:32 | |
| L'historiette du jour : Un vieux chien de berger, gris de poil et qui, couché le museau entre ses pattes, semblait sourire… Texte de Philippe Natalini Gendarme devenu écrivain pour nous raconter la Provence ! Un vieux chien, à ce qu’il semblait.Afficher l’image source Etait-il perdu ? L’avait-on jeté sur la route parce qu’il ne servait plus à rien ? La pauvre bête n’aurait pu le dire, mais ses yeux contenaient toute la détresse du monde. Alors le méstre ouvrit tout grand la porte : - Lire la suite:
« Vé, on l’aura tout de même, noste paure ! » Le chien se glissa à l’intérieur, la tête basse.
Osco segur que ça ne devait pas lui arriver souvent d’être bien accueilli.
On le fit approcher de la cheminée, on lui servit une belle écuelle de pâtée qu’il avala de bon cœur, mais en jetant de temps en temps un petit regard furtif autour de lui.
L’écuelle vidée, il se coucha, les pattes repliées, avec un soupir d’aise. Afficher l’image source Qu’il faisait bon être là, le ventre plein, bien au chaud, loin des assauts du mistral qui vous glace et vous rebrousse le poil, sans les cailloux du chemin qui meurtrissent les pattes…
Parfois, un des enfants se levait, posait sur son dos sa petite main en une rapide caresse.
Le vieux chien se prenait à rêver un instant qu’il était le chien de la maison…
Afficher l’image source Vint l’heure de se mettre en route pour la messe de minuit. Quelqu’un fit remarquer que tout de même, ce chien, on ne le connaissait pas, on ne savait rien de lui, on ne pouvait pas le laisser là, seul, dans la maison.
Alors, tout doucement, on le fit lever, on le mena vers la porte
« Il faut bien t’en aller, mon beau… »
Il s’assit au coin du seuil, écouta la porte qui se fermait sur la salle bien chauffée, regarda la famille s’en aller.
Son bonheur aura été de courte durée… Au loin, une cloche sonna.
Elle égrenait les douze coups de minuit…
Une voix parvint au vieux chien
« Viens, viens par ici…Viens avec nous… »
Afficher l’image source De la grange, un petit âne gris, comme il y en a partout dans notre Provence, l’appelait.
Il ne s’étonna pas plus d’entendre parler un âne que de s’entendre répondre lui-même
« Je viens ! »
Il entra dans la grange : l’âne, les moutons, les chèvres, un vieux biou au mufle grisonnant…Toutes les bêtes de la maison, même la basse-cour, se trouvaient là et lui firent place.
Puis toutes s’agenouillèrent, et commencèrent à parler. Parce qu’en Provence, on sait que la nuit de Noël, les bêtes reçoivent le don de la parole, en souvenir et reconnaissance de ce que l’âne et le bœuf ont réchauffé le petit Jésus dans la crèche.
Mais malheur à celui qui tenterait de les épier !
La mort serait son lot.
L’âne dit au vieux chien
« Tu sais, en souvenir du petitou qui est né cette nuit, nous avons le droit de faire un vœu. Toi aussi, tu en as le droit… »
Alors du fond de son cœur, le vieux chien souhaita une chose qui lui sembla folle : avoir une maison où on l’aimerait, d’où il ne devrait plus jamais s’en aller, jamais…
« Pichot Jèsu…Toi qui es né cette nuit pour faire le bonheur des hommes, est-ce que tu ne pourrais pas aussi faire le bonheur d’un vieux chien comme moi ? Alors je te le demande, donne-moi une bonne maison… ».
Quand la famille rentra, on partagea les restes des 13 desserts, on but le vin cuit, on chanta les vieux noëls provençaux.
Puis chacun alla se coucher.
Personne ne remarqua que dans la crèche, un peu en retrait, entre l’âne et la mangeoire où dormait le petit Jésus, il y avait un nouveau santon.
Aucune description de photo disponible. Un vieux chien de berger, gris de poil et qui, couché le museau entre ses pattes, semblait sourire…
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Sam 9 Déc - 9:31 | |
| MES PETITES HISTOIRES MARSEILLAISES DE NOËL LES BAZARETTES de Jean-Max GuieuIl était arrivé sur l'esplanade devant la mairie, essayant d'ignorer les sourires moqueurs des boulistes qui le regardaient s'avancer en plein hiver avec sa longue gandoura blanche et ses sandales. Et surtout avec une paire d'ailes gigantesques empéguées dans son dos. Il traversa la place et se tanqua devant le banc public sous les micocouliers. C'est là que, sans faute, en fin d'après-midi, se réunissait un petit groupe de villageoises, venues là juste pour jacasser. - Lire la suite:
C'était le banc des bazarettes de Bétélèn. ‒ Bonsoir, mesdames, leur lança-t-il, vous devez certainement vous demander qui je suis et pourquoi je viens perturber votre conversation avant que vous retourniez dans vos foyers préparer le repas. Eh bien, voilà : je suis un ange. Oui, un ange, pas un fada. Bref, on m'a chargé de venir annoncer la bonne nouvelle : celle de que, depuis plus de quatre mille ans, vous promettaient les prophètes. Et je suis censé rencontrer d'abord les bergers qui sont là-haut dans les collines. Mais voilà, mes bergers sont dispersés avec leurs troupeaux un peu partout, à droite et à gauche, sans compter que certains sont occupés à traire de leurs brebis, et d'autres sont sûrement déjà en train de dormir. Ma mission va être plutôt longagne(53) et me prendre un temps pas possible. Vous comprenez, même si la nouvelle est d'importance, on a décidé en haut-lieu de ne pas trop faire grandiose, ni spectaculaire. C'est donc pourquoi on a choisi Bétélèn, parce que votre petite bourgade, perdue au fin fond de la pacoule,(54) est un peu loin de Marseille. Seulement, pour moi, le gros problème maintenant est que les quelques anges gardiens, qu'on m'avait octroyés afin de m'assister, se trouvent réquisitionnés pour aller s'occuper de personnes qui ont besoin d'aide et qu'il faudra accompagner. Comme l'aveugle, par exemple, ou la pauvre mémé qui va vouloir descendre, juste à la lumière de son calèn,(55) depuis son bastidon quillé sur un bancaù.(56) Ce qui fait que, du coup, je me retrouve tout seul, à devoir faire passer mon message au plus vite et à un maximum d'habitants de votre commune. Alors, c'est là que j'ai pensé à vous et que j'ai eu l'idée de venir vous voir pour que vous m'épauliez et soyez un peu comme qui dirait les auxiliaires d'une mission divine. Vous connaissez tout le monde ici : aidez-moi donc à propager mon message le plus largement possible. Voilà, je vais d'abord vous raconter ce dont il s'agit… L'ange leur expliqua comment annoncer, en faisant simple, la naissance du Messie rédempteur dans une pauvre étable, et ce que ça signifiait, patin-couffin(57) ; et puis, son instruction rudimentaire terminée, il disparut dans les airs. Aussitôt, les pipelettes de Bétélèn, maintenant officiellement investies d'une délégation céleste, se repartirent le travail d'aller répandre la nouvelle tout autour du village : la bugadière irait au lavoir d'où s'élevait encore le bruit du baceù de quelques-unes de ses copines à la langue bien pendue; Grassette irait retrouver son mari Grasset, et tous les deux, bras dessus-bras dessous, iraient tambouriner à la porte de tous leurs amis; en chargeant à nouveau son fagot sur le dos, la petite vieille repartirait vers la forêt où elle savait trouver quelques amateurs de champignons ou de truffes attardés; Margaride, elle, prendrait son âne pour aller un peu plus loin dans les fermes disséminées tout autour du village. Quant à la tricoteuse, elle resterait sur la place en sentinelle pour interpeler, entre deux mailles au point jersey, tous ceux qui passeraient par là et qui pourraient, à leur tour, répercuter la nouvelle. A commencer par le tambour de ville qui lui faisait les yeux doux depuis plusieurs mois. ‒ Mais, même en se dépêchant, objecta Grassette, si tout le monde vient à l'étable, personne n'aura le temps d'apporter un présent convenable à l'accouchée, peuchère… ‒ Ça ne fait rien, répliqua Margaride péremptoire. Justement, on n'a pas besoin d'apporter de cadeaux. Apportons-nous nous-mêmes ! Oui, je pense que nous devons nous présenter au divin enfant tels que nous sommes vraiment, individuellement. Avec tout ce qui constitue notre quotidien, avec nos qualités et nos défauts, avec nos objets familiers, nos outils de travail. Le meunier n'a qu'à arriver avec un sac de farine, le rémouleur avec sa meule, la poissonnière avec ses banastes et sa balance romaine. Ah, bien sûr, il y en a qui voudront sûrement apporter quelque chose d'utile et de simple, comme des olives cassées, une pompe à l'huile, des couvertures ou une chaufferette. Et même, je parie qu'il y aura bien un couillon pour s'amener avec une morue salée bien sèche pour l'enfant. Mais ce n'est pas important. Venons comme nous sommes, sans chichis. Et, surtout, pas besoin de s'endimancher. Elle ajouta : ‒ Couvrez-vous quand même ! Moi je vais juste m'emmitoufler dans mon châle en cachemire et dire à Jourdan d'emporter notre grand parapluie rouge. Et c'est ainsi que, grâce au réseau efficace des langues babillardes de ses fameuses bazarettes, bientôt tout le village de Bétélèn de retrouva devant l'étable au beau milieu de cette douce nuit. Vocabulaire (pour les non-marseillais) 53 Longuet 54 Campagne éloignée 55 Lampe à huile 56 Restanque 57 Et cetera, et cetera.
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| | | Mylène
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Sam 9 Déc - 14:32 | |
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Dim 10 Déc - 14:50 | |
| L'historiette du jour : LA PASTORALE DE GALAGU Galagu appartient vraiment à l'imaginaire provençal et n'est autre que Gargantua ! Source : blog de JC RenouxDans une maison, vieille maison offerte à tous les vents, restait il y a bien longtemps une vieille, vieille femme qu'on appelait la mamet Jaumette. La vie n'avait guère épargné la vieille, et elle n'avait plus de famille qu'un petit-fils. Et encore : l'enfant qui s'appelait Olivier était si petit, si maigre, si pâle, que le voyant chacun retenait sa respiration de crainte de le voir s'affaisser comme un château de cartes. La vieille avait en charge la bergerie du château de la Baume qui se trouvait tout à côté de la maison, vieille maison offerte à tous les vents. - Lire la suite:
Un jour un médecin passant par là, vit l'enfant si petit, si maigre, si pâle. Il dit à la vieille femme qu'elle devrait mieux le conduire à l'hôpital. Au regard qu'échangèrent la mamet Jaumette et son petit-fils, il sut que rien ne pourrait séparer ces deux-là. Alors il proposa à la vieille de faire coucher l'enfant dans la bergerie, et non dans la vieille maison offerte à tous les vents : - La chaleur des moutons le protégera du froid, et avec un peu de chance peut-être se portera-t-il mieux. Et le médecin s'en fut là où l'on payait ses services. La vieille femme aménagea un coin pour l'enfant, à l'écart des moutons, et la vie continua comme par le passé. Mais Olivier ne s'en portait pas mieux. La fièvre dévorait ses grands yeux, et il ne quittait plus guère la bergerie. Vint la période de Noël. Olivier, pour passer le temps, confectionna une crèche, et y mit tous les santons que la mémé Jaumette lui avait offerts les Noëls précédents : Le tout petit enfant dans son nid de paille, Joseph et Marie, le boeuf et l'âne, les rois mages, l'ange Boufareu soufflant dans sa trompette, le berger et son chien, un petit pâtre qui portait un agneau, l'aveugle et son fils, un banc d'allumettes, les amoureux Mireille et Vincent se cachant derrière un buisson de mousse, Roustide et sa lanterne cherchant les amoureux, le Ravi s'extasiant tout en levant les bras, le garde champêtre et le boumian, la poissonnière et son pistachier de mari, le rémouleur, qu'on appelle amoulaïre en Provence, le meunier qui s'était chargé d'un sac énorme de farine fraîchement moulue, un montreur d'ours et sa bête... Olivier se dit que l'âne et le boeuf ne suffiraient peut-être pas à réchauffer le tout petit enfant, et il découpa une étoile de papier jaune qu'il accrocha tout en haut de la crèche. Puis il songea que peut-être l'agneau du pastouret aurait soif, et il confectionna un gros nuage bleu avec du carton qu'il suspendit non loin de l'étoile de papier jaune. Quand il eut fini d'aménager la crèche, il se rappela les contes de la mamet Jaumette, et de Galagu, le géant du légendaire provençal. Alors avec un peu d'argile, il fit une figurine, plus grande que les autres, qu'il plaça non loin du pastouret et de l'agneau. Et puisqu'il lui restait du temps, puisqu'il avait sous la main bien des boites en carton, et beaucoup de planches, il fabriqua, à quelques pas de la crèche, un petit village provençal, avec ses maisons, ses rues commerçantes et ses ruelles tortueuses, sa place et sa fontaine... il n'y manquait que le mont du Castelas et l'étang de l'olivier pour que le village ressemblât à Istres, en ce temps-là ! Il eut terminé pour Noël. La mamet Jaumette vint lui apporter un grand plat de lentille, en guise de réveillon, et admira la crèche, et le village à quelques pas de là. - Surtout ferme bien les portes : il fait si froid que les loups approchent du village. Bientôt on les verra gratter aux portes des bergeries. Ils pourraient manger les moutons, et toi par dessus le marché ! Olivier promit, et la vieille s'en fut vers la maison offerte à tous les vents. L'enfant contemplait la crèche, quand tout à coup voilà qu'elle s'anima : Le tout petit enfant dans son petit nid de paille souriait à Joseph et Marie, le boeuf et l'âne soufflaient à qui mieux peut, les rois mages se félicitaient d'être arrivés à temps au bout de leur voyage, l'ange Boufareu reprenait son souffle, le berger caressait le chien qui remuait la queue, l'agneau se pressait contre le pastouret en regardant Galagu, le fils de l'aveugle faisait asseoir le vieux sur le banc d'allumettes, les amoureux Mireille et Vincent s'embrassaient derrière le buisson de mousse, pendant que Roustide balayait l'obscurité de sa lanterne pour les chercher, le Ravi s'extasiait tout en levant les bras et en regardant les amoureux : " Que le monde est beau ", le garde champêtre roulait une cigarette pour le boumian, et le boumian proposait au garde champêtre de partager avec lui la dinde qu'il avait volé à Roustide, la poissonnière surveillait son pistachier de mari, le rémouleur, qu'on appelle amoulaïre en Provence, affûtait un couteau, le meunier posait le sac énorme de farine fraîchement moulue pour s'éponger le front, le montreur d'ours faisait danser sa bête... Galagu bailla bien fort, et déclara aux uns aux autres, qu'il avait bien faim et qu'il s'offrirait bien un agneau. Quand il fit un pas vers celui du pastouret, tous s'émurent. Mais le géant eut vite fait de bouléguer les uns, les autres, d'aganter le couteau du rémouleur, et de courir après le petit pâtre qui se sauvait de toutes ses courtes jambes d'argile vers le village provençal, à quelques pas de là, sous le regard étonné d'Olivier : - Ne bouge pas, lui dit l'ange Boufareu, ou tu deviendrais santon parmi les santons ! Le pastouret et Galagu coururent entre les maisons de bois et de carton, au hasard des rues et des ruelles tortueuses...
Les rois mages n'avaient encore rien dit, rien fait pour empêcher Galagu de s'emparer de l'agneau. Mais figurez-vous que le soir de Noël chacun d'eux a droit à un voeu ! Gaspard tendit le doigt vers les araignées qui regardaient toute cette animation, suspendues aux poutres maîtresses de la charpente de la bergerie. Les araignées descendirent à toutes pattes et tentèrent de maîtriser en le ligotant de leurs fils le géant en furie. Elles se décarcassèrent tant et plus, mais malgré la peine qu'elles y prirent, le géant eut tôt fait de se libérer. Melchior tendit alors la main vers le nuage de carton bleu, et voilà que celui-ci déversa l'eau en quantité telle que bientôt les pas du géant se firent plus pesant, ses pieds ne se décollèrent plus qu'avec difficulté. Bientôt il ne put plus avancer, puis il ramollit, et se transforma en un tas informe d'argile humide, tout en haut du village de bois et de carton, pendant que l'eau dévalait les rues et les ruelles, pour former une mare en contrebas. Balthazar, qui ne voulait pas être de reste, tendit le doigt vers l'étoile de papier jaune, et voilà que les araignées affluèrent à nouveau, et entreprirent de la hisser tout en haut de la plus grosse des poutres maîtresses de la charpente de la bergerie. Là, l'étoile se mit à briller, à briller, à briller, alors que l'ange Boufareu, avant d'emboucher sa trompette, s'adressait à l'enfant pour lui dire : - Eh bien, qu'attends-tu pour ouvrir toutes grandes les portes de la bergerie ? C'est Noël pour tous ce soir ! Puis chacun reprit la pause : Le tout petit enfant dans son nid de paille, Joseph et Marie, le boeuf et l'âne, les rois mages, l'ange Boufareu soufflant dans sa trompette, le berger et son chien, le petit pâtre portant l'agneau, l'aveugle et son fils, les amoureux Mireille et Vincent derrière un buisson de mousse, Roustide et sa lanterne, le Ravi levant les bras, le garde champêtre et le boumian, la poissonnière et son pistachier de mari, le rémouleur, qu'on appelle amoulaïre en Provence, le meunier et son sac énorme de farine fraîchement moulue, le montreur d'ours et sa bête... Olivier ouvrit la porte ! Une première paire d'yeux s'allumèrent dans l'obscurité, et un loup rentra en montrant les dents, puis un autre, et un troisième. Mais au lieu de courir aux moutons, ils s'adoucissaient en pénétrant plus avant, et en passant sous l'étoile. Les voilà assis tout autour du plat de lentille ! Ensuite se fut au tour des renards, puis des blaireaux de prendre place dans la bergerie. Les lapins, les écureuils suivirent. Les animaux des bois, des combes et des collines se pressaient autour du plat, et plus ils en mangeaient, autant il y en avait. Le plat semblait ne devoir jamais diminuer. Quand ils furent assadoulés, ils partirent. Les loups d'abord, puis les renards et les blaireaux, suivis des lapins et des écureuils, et de tous les animaux qui peuplent les bois, les combes et les collines d'Istres. Lorsqu'au matin la mamet Jaumette se rendit à la bergerie, sa gorge se noua en voyant les portes grandes ouvertes. Elle eut peur pour les moutons, bien sûr, mais surtout pour Olivier, si petit, si maigre, si pâle, incapable de résister à l'appétit des loups ! Ce furent des bêlements amicaux qui l'accueillirent, au lieu du carnage qu'elle redoutait voir. Tout à côté de la crèche, l'enfant dormait. La fièvre semblait être tombée. La vieille, vieille femme s'étonna de voir que le village de cartons et de bois comptait maintenant un mont qui ressemblait à celui du Castelas ; et un étang lui baignait les pieds, qu'on aurait pris pour celui de l'olivier : c'était bien Istres, tel qu'il était en ce temps-là. Un rayon de soleil rentra derrière la vieille. Mille fils d'or scintillèrent, mille fils d'or qui convergeaient vers l'étoile qui brillait, tout là-haut, suspendue à la plus grosse des poutres maîtresse de la charpente de la bergerie.
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Lun 11 Déc - 9:32 | |
| L'historiette du jour : MES PETITES HISTOIRES MARSEILLAISES DE NOËL LA PASTORALE (à suivre) Monsieur Antonin Fouque, Président du Cercle des Huit Colonnes, se racla la gorge et, prenant son bel accent pointu des dimanches, conclut son allocution qui mettait fin à l'apéritif d'honneur : – À deux mois du spectacl', permettez-moi, mes chers amis, d' lever mon verr' au succès de notr' Pastoral' qui, cette année, je l'espèr', brill'ra de tous ses feux! C'est qu'il parlait bien, Tonin! Et puis, il faisait bonne figure : comme il était aussi secrétaire de l'Amicale des Anciens Combattants et trésorier du Club de pétanque, on était sûr de l'entendre à toutes les manifestations patriotiques, religieuses et sportives du quartier des Chartreux. - Lire la suite:
Vraiment un bel homme, portant fièrement ses soixante-seize ans ; un peu enrobé depuis son veuvage, maintenant qu'il habitait chez sa fille, mais tellement jovial et entreprenant ! On ne s'étonnait pas de toutes ces décorations qu'il arborait sur le revers de son costume, lorsqu'il prononçait ses discours devant le monument aux Morts de la Place de l'Église. Alors, là, Tonin parlait comme un ministre, arrondissait son geste et non seulement arrivait à éliminer tous ses "e" muets, mais réussissait même à parisianiser la plupart de ses voyelles nasales. Il n'allait certes pas jusqu'à prononcer "le Général de Gôl'" ou "la Gôch'" mais, pour le reste, on aurait juré qu'il était au moins originaire de Valence : ainsi Pétain devenait-il "Pétan" et la Résistance "la Résistonce". C'est qu'au fond Tonin aimait le théâtre : cette idée d'avoir monté une Pastorale Maurel dans la salle du Cercle des Huit Colonnes était de lui. Et de lui seul. Au début, personne n'y croyait; mais, en dix ans, la petite troupe d'amateurs maladroits s'était aguerrie, enrichie de nouveaux membres et avait fini par se faire prendre au sérieux. Deux ans plus tôt, ils avaient même osé annoncer leurs représentations dans le journal, et il était venu du monde ! Tout le quartier était au courant et de plus en plus de volontaires participaient à la mise en place de ce spectacle, somme toute, artisanal. Les uns prêtaient des accessoires, les autres venaient rafraîchir la peinture des décors qui s'étaient embellis au fil des années. Bien entendu, si l'on se proposait pour élargir ou raccourcir les costumes, on intriguait aussi pour faire de la figuration : – Mon Dieu, monsieur Fouque, un berger de plus! Mais qu'est-ce que ça vous coûte ? Mon petit, il est beau, vous savez ! – Allez, vaï,(58) faites-le venir samedi soir à la répétition : on verra s'il y a encore un costume à sa taille. – Sinon, cocagne(59) : il n'aura qu'à se mettre une cape, qué ! Et, à part ça, comment va madame votre fille ?... Aux commissions du matin, sur le Boulevard Banon, dès le mois de novembre, les bazarettes échangeaient les dernières nouvelles : – Eh bè ! C'est encore cette petite cagole, que sa mère travaille à la Préfecture, qui va faire la Vierge ! Fatche de(60) ! On aura tout vu ! – Par contre, il paraît que c'est la fille Deniau qui fait l'Ange. Punaise,(61) elle a vraiment une belle voix : à la chorale de la paroisse, c'est elle qu'elle chante les solos ! – Et, à propos de voix, cette année, c'est ce jeune – vous savez, celui qui faisait le Rémouleur la dernière fois – qui jouera le Meunier : l'ancien a été nommé à la gare de Miramas. – Ah bon ? Et madame Ratamèle m'a dit qu'elle ne jouerait plus du piano toute seule : il y aura un violon, en plus, pour l'orchestre. – Madam', ma chère ! Ça va être chanu.(62) Monsieur Fouque doit se rengorger, sas ! – Oh ! non, peuchère ! C'est un gros modeste. C'est lui qui fait tout marcher, la mise en scène, la publicité et j'en passe ; eh bè, il a toujours refusé de jouer dans sa pièce ! Pourtant, ma foi, entrant comme il est, il doit être bon ! – Oh ! Pas tant que monsieur Icard! Qué rire que je me suis fait quand je l'ai vu déguisé en Margarido ! Aquéu troun de l'èr !(63) – Mais, car même, j'espère bien qu'un jour on verra monsieur Fouque sur la scène !... Et vous, autrement, qu'est-ce que vous faites à manger, ce midi, madame Gnolfi ? – Oh, moi ? Du farci... Les commentaires allaient bon train : qu'est-ce qu'ils nous préparaient encore au Cercle des Huit Colonnes ? Quels cadeaux anachroniques allaient encore sortir des paniers de Pistachié et Jigèt ? On parlait d'un tableau nouveau : peut-être un à la lumière noire comme à la Pastorale de la rue d'Aubagne ? Ou un prologue, comme à celle de la rue Nau ? Au collège des Chartreux, les gosses en remettaient encore plus : certains jouaient dans la Pastorale... – Dis, Nène, c'est vrai que tu joues un grand rôle, cette année ? – Vouèï ! Mais comme je ne suis plus un minot, ils m'ont demandé de faire le fils de l'Aveugle. – Lequel ? – Le brave : l'autre, celui qui est avec le Boumian, c'est encore le fils du boucher des Chutes-Lavie. – Nous aussi, on joue ! interrompirent les frères Bourelly. Pas vrai, Nène ? On est avec les bergers et on chante : Despachen-si d'ana dins la bourgado : A Bétélèn, lou fièu de Diéu ès na...(64) – Et Banane, qu'est-ce qu'il fait ? – Moi, con, c'est moi qui chante "Si passo quaucarèn d'estràngi".(65) Le cercle s'agrandissait. Les acteurs, bientôt rejoints par d'autres venus des grandes classes, entonnaient leurs chansons, imitaient Jourdan ou Jigèt. Qu'est-ce qu'on s'estrassait66 dans la cour de récréation ! On en oubliait de jouer au ballon !... La cloche allait bientôt sonner quand un petit blond, qui avait suivi, perplexe, tous les récits successifs, demanda timidement : – Dis donc, qu'est-c' qu' c'est qu' ça, vot' Pastoral'? – Oh, putain ! ce Parisien ! s'exclama Nène : il faut tout lui expliquer. Qué croix(67) ! En piaillant, les écoliers voulurent, tous à la fois, éclairer l'ignorance du nouveau de la classe. Mais, comme la sonnerie annonçait qu'il était temps de reprendre les cours, Banane déclara: – Allez, pacoulin(68) ! Vé, demain, à la récré, on te la jouera, la Pastorale !
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| | | Mylène
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Lun 11 Déc - 13:51 | |
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mer 13 Déc - 9:30 | |
| MES PETITES HISTOIRES MARSEILLAISES DE NOËL LA PASTORALE (suite et fin) Jean-Max GuieuLe soir de la première arriva. Les vestiaires et le hall d'entrée du Cercle étaient remplis de monde : l'essentiel du public était constitué des parents et des amis de tous ceux qui jouaient. Les acteurs, déjà costumés, apparaissaient çà et là, à la buvette ou dans la salle, et régulièrement des enfants maquillés venaient écarter sans vergogne les rideaux de la scène, pour faire coucou. Dans les coulisses, Antonin Fouque avait l'œil à tout : il saluait les familles, grondait les retardataires, faisait taire les figurants trop bruyants. Il s'agitait beaucoup : - Lire la suite:
– Ah ! Bonsoir, madame Ratamèle ! Allez donc jouer un peu un morceau au piano pour faire comprendre aux spectateurs que ça va bientôt commencer. Et n'allez pas trop vite pour l'ouverture ! Il se tourna vers son petit-fils qui arrivait avec un fauteuil d'acajou verni : – Dis, Nicolas, pose ça là et va chercher tes deux collègues, parce qu'au deuxième acte on a besoin de déplacer un praticable et les petits n'y arriveront pas sans embroncher quelque chose. Et vous les bergers, voulez-vous vous taire ! Vous voyez bien que vous empêchez le Rémouleur de repasser son rôle. Soudain inquiet, Tonin demanda à l'acteur qui s'était mis un peu à l'écart avec son texte et sa meule portative : – Ça va, au moins, toi, hè ? Tu n'as pas le trac ? – Pas trop, Tonin. Le premier acte, ça va. Mais le troisième... – Ecoute, gàrri, tu auras encore un entr'acte pour réviser !... Puis, il accueillit une spectatrice endimanchée : – Et bonsoir, madame Gnolfi! – Bonsoir, Tonin! Alors, qu'est-ce que c'est cette surprise, dites ? Que, moi, je meurs d'estranse ! – Ah ! vous verrez ! Vous verrez ! répondit-il, malicieux, en s'éloignant vers celui qui jouait Margarido. L'œil à tout, il s'inquiétait de tous les détails : – Icard, écoute, fais mèfi(76) avec ta cigarette : n'oublie pas que tu as une robe ! Et toi, l'Ange, arrête de te radasser77 sur mon fauteuil de la salle à manger : ça va être à toi presque tout de suite! C'est à ce moment-là que Luc arriva avec ses parents. – Ah ! voilà les Potocky. Ça va ? Tenez, remettez-vous ! leur dit-il en leur désignant son fauteuil. Vé, Luc, regarde : tes collègues sont là-bas, côté cour. Luc retrouva ses amis, assis sur un puits en carton-pâte. – Ho ! Qu'est-ce que tu fais là ? – Ben, je viens vous voir. – Fan ! J'ai le trac, dit Banane. Il y a un monde ! A la buvette, c'est plein. – Il y au moins toute la classe, ajouta Nène : j'ai vu Foued et Bilézikian! Même le prof d'Histoire-Géo ! – Et Léonetti ! – Et le Curé ! ajouta Nène. – Alors, c'est comme ça que tu joues dans la Pastorale ? coupa le petit Bourelly. – Tè, tu nous as bien fait marcher ! – Mais non, dit Luc. Je vous assure : je joue ! – Vouèï, tu joues : tu joues à nous prendre pour des couillons ! – Et qu'est-ce que tu fais, alors ? demanda Nène, en le poussant du coude. – Si on te le demande, tu diras que tu n'en sais rien, répliqua Luc en tournant les talons. Déjà l'ouverture commençait et les lumières de la salle s'étaient éteintes : les deux frères Bourelly et Banane se ruèrent sur la scène et s'allongèrent avec les autres bergers ; Nène alla rejoindre l'Aveugle qui revenait de la buvette. Le rideau se leva et, dans la pénombre, devant les bergers endormis, l'Ange se mit alors à chanter : Révihas-vous, bergié! Paras l'auriho Durbès leis uei : tout lou ciel es en fue !(78) A la fin du premier tableau, leur rôle momentanément terminé, les quatre amis quittèrent les coulisses en vitesse pour assister au spectacle depuis le fond de la salle. Ils ne s'aperçurent même pas que, dans un coin, monsieur Fouque bavardait sérieusement avec Luc... A l'entr'acte, après l'acte deux, comme ils le cherchaient en l'appelant dans les vestiaires, Nicolas leur assura qu'il était ailleurs à déplacer des accessoires. Ce n'est qu'au deuxième entr'acte qu'ils comprirent que quelque chose allait se passer : Luc était introuvable et monsieur Fouque faisait sortir toute la troupe de l'arrière-scène. – Allez ! Allez ! Ne restez pas là ! Allez boire un coup à la buvette : les acteurs en costume ont droit à une boisson. Allez, dehors ! – Même nous, Tonin ? dirent Pistachié et Jigèt. – Même vous ! Il y a une surprise et vous l'aurez comme tout le monde ! Tè, allez vendre des billets de tombola que je veux voir dégun dans les coulisses ! La rumeur de la surprise circula très vite et quand la sonnerie signala que l'entr'acte était terminé, les spectateurs se dépêchèrent de reprendre leurs places. Tous les acteurs de la Pastorale se tenaient, silencieux et tendus, debout au fond de la salle. La lumière s'éteignit et madame Meffre se lança alors dans une série d'arpèges, bientôt suivis du son filé du violon. – Oh, pétard ! "La Méditation de Thaïs" !... chuchota le Boumian. Le rideau s'ouvrit et l'on vit, affalé sur son fauteuil Régency dans la pose du "Penseur" de Rodin, le front ceint d'une couronne de lauriers et revêtu d'une large cape pourpre, Antonin Fouque! Auprès de lui, un personnage, vêtu d'une toge, l'interrogeait gravement : Seigneur, quels noirs soucis, quelles images sombres Sur votre front royal ont répandu leurs ombres ? Les deux frères Bourelly, s'écrièrent, éberlués : – Ça alors ! C'est le prof d'Histoire-Géo ! Celui-ci, sa tirade terminée, recula de deux pas ; alors, Tonin releva lentement le front, étendit le bras dans un geste large et répondit : Ah ! tu ne connais pas le poids d'une couronne ! Un murmure se répandit dans la salle : tout le monde l'avait finalement reconnu. – C'est monsieur Fouque !... C'est "L'Acte d'Hérode" !... Mais Tonin continuait, laissant traîner sa longue cape et prenant des attitudes sublimes. Et parlant comme un Parisien ! Ecout', ami, depuis biantôt quaront' années Que meun sceptre des Juifs règle les destinées, Jamais in jour seran ne s'est levé sur moi... Les acteurs, au fond de la salle, restaient bouche bée : – Coquin de sort, ce Tonin ! Oh, pauvre ! – Il ne nous avait rien dit ! – Putain, qu'il est bon ! On s'extasiait : ça, c'était du Théâtre ! Du Classique ! Et puis comme ça, sans décors, rien qu'avec le rideau de fond de scène, quel cachet ça avait ! Maintenant, le confident d'Hérode le rassurait : Aux yeux de l'univers, les dieux ont adopté L'empire des Romains de toute éternité... Quand, soudain, il s'arrêta et se retourna : un messager était entré en scène. C'était Luc ! Luc, dans un long tee-shirt de son père, la taille prise dans une cordelette et la tête serrée d'un ruban vert. Il s'immobilisa, leva les deux bras et, les yeux fixés sur le souvenir d'un texte appris trois jours auparavant, il récita, très fort : Seigneur, trois étrangers de race orientale Et chargés des trésors de leur terre natale Arrivent parmi nous : parcourant la cité, Ils réclament les droits de l'hospitalité. Ils portent le costume et le titre de Mages Et veulent à vos pieds déposer leurs hommages. Ce à quoi Tonin répondit avec hauteur : Qu'ils ontrent ! Et Luc disparut de la scène. Alors, le piano attaqua "La Marche des Rois" et Nicolas et ses deux amis, l'Iranien et l'Ivoirien, firent leur entrée : les Rois Mages ! Une longue discussion s'engagea sur la scène. Mais qu'importait pour les quatre gosses stupéfaits. C'était donc vrai ! Potocky jouait vraiment dans la Pastorale ! Et, le chameau, il ne leur avait rien dit de son rôle ! Et le Prof ! Avec monsieur Fouque ! Tous parlaient pointu, pardine, puisque c'était en français ! Comme à la télé ! Pendant que la scène continuait, les six vers de la courte réplique de Luc prirent dans leur esprit l'allure d'un de ces interminables et époustouflants monologues classiques qu'on leur faisait étudier en classe ! Comment avait-il pu faire pour retenir tout ça ! Fan, une de ces tirades ! Qu'est-ce qu'ils se languissaient d'aller le chiner à l'entr'acte ! C'est à peine s'ils remarquèrent que le Curé lui-même jouait maintenant le Grand Prêtre : un nouveau frémissement parcourait la salle ! Mais bientôt les Rois Mages s'éloignaient en musique. Alors, Antonin, roulant des yeux terribles, s'affaissa noblement sur son fauteuil Régency en déployant sa cape et déclama avec emphase son imprécation : Qu'amporte désormais le neum deunt eun me nomme ! Qu'à l'onfer révolté je serve d'anstrumont, Que dons Rama s'ontonde in leung gémissemont Et que je sois maudit dons toute la Judée Qui verra Bethléem d'in song pur ineundée Que m'amporte le ciel, l'humanité, la loi, Si l'Ompereur m'approuve – et si je reste roi ! Le poing tendu, il garda la pose, et le rideau tomba sous un tonnerre de bravos. Décidément, Tonin avait bien préparé sa surprise ! Dans la coulisse, Luc attendait ses amis qui arrivaient déjà en courant : – Tu nous as bien eus, counas ! lui dit Banane. – Monsieur Fouque ne m'a fait répéter qu'avant hier ! répondit Luc. – Oh Fan ! Et tu as pu tout apprendre ! – Comme tu as fait ? C'était vachement long, punaise ! – Oh, oui ! Mais, comme ça, j'étais avec vous dans la Pastorale ! – Allez boulégan, c'est le dernier acte : nous, on chante ! lancèrent les trois bergers. – Bravo, collègue ! ajouta Nène en serrant la main de Luc. A la fin du spectacle, toute la troupe se retrouva sur la scène pour les applaudissements : d'abord, les acteurs principaux se présentèrent séparément, Hérode le beau premier ; et puis le reste, les enfants se tenant par la main, pêle-mêle, avec les pastres, les anges, le Curé et la Sainte Famille, le Rémouleur, le Meunier et le prof d'Histoire-Géo. Luc, entouré de ses copains, rayonnait. Pendant qu'ils saluaient, en reprenant l'air du "Cantèn, bergié, la vitòri",(79) Nène lui chuchota : – Tè, vedette, ça y est : maintenant, tu es un vrai Marseillais ! – Va t' fair' escoundr'80, côn d'aï ! lui répliqua Luc, en pouffant de rire. Vocabulaire (pour les non-marseillais) 58 Bon, allez 59 Tant pis 60 Oh lala 61Vraiment (pour éviter un mot plus vulgaire dont la première syllabe est similaire)) 62 Imposant 63 Quel numéro ! 64 Dépêchons-nous d'aller à la bourgade, à Bethléem, le fils de Dieu est né 65 Il se passe quelque chose d'étrange 66 Se marrait 67 Quel lourdaud 68 Paysan 69 Pris une fessée 70 Se noie 71 Le pauvre Pistachié, qui se noie, qui se noie 72 Espèce d'âne (familier, un peu vulgaire, même) 73 Nous arrivons tous ensemble 74 Fêtes de Noel 75 Manières 76 Attention 77 Te prélasser 78 Réveillez-vous, bergers, prêtez l'oreille, ouvrez les yeux : tout le ciel est en feu ! 79 Chantons, bergers, la victoire 80 Va te faire voir (familier)
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Lun 22 Jan - 8:51 | |
| Aventures dangereuses Source : site il était une histoireDes hommes étaient en voyage. En chemin, ils s'arrêtèrent chez des anthropophages. Quand ceux-ci les virent la nuit, ils se mirent à se réjouir, les saisirent tous et les emprisonnèrent dans des cages de fer, deux par deux dans chaque cage. La nuit et le jour, à chaque moment, ils leur donnaient à manger. Quand ils furent bien gras, ils en mangèrent trois. Une nuit que les anthropophages dormaient, un des prisonniers, qui était avisé, chercha un moyen de sortir avec ses compagnons. - Lire la suite:
Quand il eut fait un trou par où pouvaient sortir deux hommes, tous s'évadèrent. Le bruit du fer réveilla les gens qui se mirent à leur poursuite avec leurs lions et leurs serpents. Ils les reprirent tous, excepté deux, parmi lesquels était l'avisé. Ceux-ci parvinrent à s'échapper parce que, en entendant les anthropophages sur leurs traces, il avait construit une hutte d'herbes où ils s'étaient cachés, de sorte que personne ne les vit. Quand leurs ennemis furent partis, ils enlevèrent l'herbe et s'endormirent. À son réveil, l'avisé s'aperçut qu'un lion avait dévoré son compagnon. Il demeura stupéfait et effaré jusqu'à ce qu'il fût sorti de l'antre du lion et s'enfuit. Il aperçut une tente au loin, vers laquelle il se dirigea ; il y vit une femme qui lui dit : « Sois le bienvenu et le bien accueilli. » Puis elle l'invita à s'asseoir sur une natte, sous laquelle était dissimulé un trou. Quand l'avisé se fut assis, la femme tira la natte par-dessous, et l'homme tomba dans un puits. Aventures dangereuses - illustration 1 Il resta là jusqu'à l'arrivée du maître de la tente, portant deux hommes qu'il avait égorgés. Sa femme lui raconta ce qu'il s'était passé avec l'avisé puis ajouta : « Va le tuer aussi, il est plus gras qu'eux. » Mais le prisonnier saisit le maître de la maison par ses longues tresses et le tua. Contrefaisant sa voix, il demanda à la femme de le faire remonter. Celle-ci obéit, croyant qu'il s'agissait de son mari. À la vue de l'avisé, elle fut prise de terreur. Celui-ci l'obligea à lui livrer tout ce qu'ils possédaient en fait d'ornements, d'argent, de parures, d'esclaves, de chameaux, de moutons et de brebis. Elle lui donna tout cela et il put revenir vers les siens.
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mar 23 Jan - 8:30 | |
| L'historiette du jour : Bâton tapeIl était une fois une famille pauvre qui comptait trois fils : Pierre, Jacques et Jean. Un jour, Pierre, l'aîné, dit : « Je vais aller chercher du travail ; je reviendrai quand je serai riche. » Il partit sur la grand-route et marcha, marcha. Un soir, n'ayant plus qu'un croûton de pain à se mettre sous la dent, il rencontra une vieille qui lui demanda : « Voulez-vous m'indiquer le chemin pour aller à Châteauguay ? » Pierre la renseigna, puis elle dit : « Avez-vous quelque chose à donner à une vieille pauvresse ? » Pierre lui donna son croûton de pain. La vieille l'accepta et lui dit : « Je suis une fée. Pour te remercier de ta gentillesse, voici une nappe blanche. Tu n'auras qu'à dire : "Nappe, mets la table !", et aussitôt des mets de toutes sortes s'y déposeront tout seuls. - Lire la suite:
— Oh, merci, merci ! » fit Pierre, s'empressant de reprendre la route en direction de chez ses parents. Il marcha, marcha d'un bon pas, mais la nuit arriva. Il était fatigué, alors il s'arrêta dans une auberge. Avant de dormir, comme il avait faim, il sortit sa nappe et commanda : « Nappe, mets la table ! » Aussitôt la nappe se déplia sous ses yeux et se couvrit de mets succulents et de fruits appétissants. Mais l'aubergiste avait vu le manège et, dans la nuit, il vola la nappe qu'il remplaça par une autre identique. Le lendemain matin, Pierre quitta l'auberge et fila vers sa maison. Bâton, tape ! - illustration 1 « Voyez, s'empressa-t-il de dire à ses parents, je rapporte une nappe merveilleuse qui se couvre de mets et de fruits délicieux. Vous allez voir ! » Il sortit la nappe blanche de son sac et lança : « Nappe, mets la table ! » Mais la nappe resta pliée et rien n'apparut. Alors Pierre la saisit, la déplia, l'examina et constata que ce n'était pas la sienne. « Ce doit être l'aubergiste qui me l'a volée ! » s'écria-t-il, tout penaud. Alors, l'un de ses frères, Jacques, annonça tout à coup : « Moi aussi, je pars chercher du travail. Et je retrouverai bien la nappe de Pierre. » Bâton, tape ! - illustration 2 À son tour, il marcha, marcha. Il arriva un bon matin au bord d'une rivière sans beaucoup d'eau où était assise une vieille femme toute courbée par l'âge. Le voyant approcher, elle l'interpella : « Voulez-vous m'aider à traverser la rivière ? » Jacques y consentit sans hésiter. Arrivée sur l'autre rive, la vieille lui dit : « Je suis une fée. Pour te récompenser de m'avoir secourue, je te donne cette poule. » Et elle sortit une poule de sous son manteau, ajoutant : « Dis : "Poule, ponds-moi de l'or !" et elle pondra de l'or. » Enchanté, Jacques remercia la vieille et s'empressa de rentrer chez ses parents. Il marcha longtemps et finit par s'arrêter pour dormir à l'auberge où son frère Pierre avait fait halte. Il monta à sa chambre et dit à sa poule : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Et la poule pondit trois œufs d'or. Pour payer sa dépense, il en donna un à l'aubergiste qui eut des doutes sur sa provenance. Durant la nuit, ce dernier alla dans la chambre où dormait son client, vit la poule et la vola. Il la remplaça par une autre en tout point semblable. Le lendemain, Jacques arriva à la maison tout joyeux en disant : « Voyez ma jolie poule ; elle pond de l'or ! Regardez bien ! » Il posa sa poule sur la table et dit : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Tout ce que fit la poule ce fut de branler la tête et de chanter : « Caque-caque-canette. » Jacques était bien peiné. Il s'écria : « Ah, c'est le vilain aubergiste qui m'a volé ma poule ! » Alors, Jean, le plus jeune des trois frères, dit : « C'est à mon tour de tenter ma chance. Je pars chercher fortune. » Bâton, tape ! - illustration 3 Comme ses frères avant lui, il marcha, marcha sur le chemin. Puis, à la tombée du jour, il arriva à l'orée d'un grand bois où se tenait une vieille femme, qui lui dit : « Mon cher petit, voulez-vous m'aider à traverser ce bois ? Il fait bien noir, et j'ai peur des voleurs. — Volontiers », dit Jean. Il prit alors la main de la vieille et la conduisit de l'autre côté du bois. Arrivée là, la vieille se redressa et déclara : « Je suis une fée. Pour te récompenser de ta gentillesse, je te fais cadeau de ce bâton. Tu n'auras qu'à dire : "Bâton, tape !", et aussitôt il se mettra à taper sur qui tu voudras. » Jean était enchanté. Il remercia la fée et se dirigea bien vite vers la maison où l'attendaient ses frères et ses parents. Mais la nuit tomba, et Jean était fatigué. Il s'arrêta dormir à l'auberge, la même où ses frères avaient fait halte. Après une bonne nuit de repos, il demanda à l'aubergiste : « C'est vous qui avez volé la nappe de mon frère, la nappe qui met la table ? — Jamais de la vie ! répliqua l'aubergiste. Je n'ai rien volé du tout ! — Vous allez me la rendre ou je vous fais cogner par mon bâton, dit Jean. — Je n'ai rien à vous rendre, protesta le bonhomme. — Soit ! fit Jean. Alors, bâton, tape ! » Aussitôt le bâton s'abattit sur les épaules de l'aubergiste. Bang ! Bing ! Pan, pan ! L'aubergiste se sauva en se lamentant et en criant : « Arrêtez ! Arrêtez votre bâton ! » — Pas tant que vous ne m'aurez pas rendu la nappe de mon frère », répondit Jean. Le corps meurtri, l'aubergiste sortit enfin la nappe blanche du buffet et la donna à Jean qui arrêta son bâton. Puis, le jeune homme s'en alla sur le chemin. Mais, le soir même, le voici de retour demandant asile pour la nuit. Et le lendemain matin, il dit à l'aubergiste : « Maintenant, rendez-moi la poule que vous avez volée à mon frère. — Je n'ai pas volé de poule ! protesta l'aubergiste. — Si vous ne me la rendez pas, je vous fais cogner par mon bâton. — Non, non ! Je n'ai pas ta poule ! » hurla l'aubergiste en se sauvant, car il avait très peur des coups de bâton. Jean lança : « Bâton, tape ! » Le bâton courut après le bonhomme, lui sauta sur le dos et lui tapa sur les épaules. Le bâton tapa. Bing ! Bang ! Pan, pan ! Le vilain aubergiste cria et se roula par terre, mais le bâton continuait de taper. Bing ! Bang ! Pan, pan ! N'en pouvant plus de douleur, l'aubergiste alla chercher la poule et la remit à Jean, qui arrêta son bâton et reprit la route. En chemin, il rencontra trois voleurs qui lui dirent : « Donne ta poule et tous tes biens, sinon nous te pendrons à la plus haute branche de cet arbre. — Laissez-moi passer, dit Jean, ou je vous fais massacrer par les coups de mon bâton. — Ha, ha ! dirent les voleurs, riant de ses menaces. Nous allons te pendre ! — Bâton, tape ! » cria alors Jean. Et le bâton s'abattit comme la grêle sur les épaules des voleurs. Bing ! Bang ! Pan, pan ! Les voleurs épouvantés s'enfuirent, poursuivis par le bâton déchaîné. Bing ! Bang ! Pan, Pan ! Jean rappela son bâton et se remit en route. Il arriva chez ses parents et s'exclama joyeusement : « J'ai tout rapporté : la nappe, la poule, et mon bâton qui cogne quand je le veux. Voici la nappe. « Nappe, mets la table ! » lança Pierre. Aussitôt la nappe s'étala et se couvrit de mets et de fruits appétissants. Jean sortit la poule de son sac, et Jacques dit : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Et la poule pondit trois œufs d'or. Ce fut alors, dans la pauvre demeure, une soirée de réjouissances agrémentée d'un festin de roi. Pierre, Jacques et Jean avaient vraiment fait fortune. Ils rendirent la vie douce à leurs parents, et tous les cinq vécurent heureux et contents jusqu'à la fin de leurs jours.
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mer 24 Jan - 9:05 | |
| L'historiette du jour : Celle qui ne voulait pas se marierMon histoire se passe il y a très longtemps, dans un pays blanc balayé par la neige et le vent : le Toit du Monde. Le long de la banquise, un petit village d'iglous s'est construit pour l'hiver. Et tout au bout de ce village, dans le plus petit iglou, un chasseur vit seul, avec sa fille, Sanna. Éclairés par la lampe à huile, ils se partagent une nageoire de phoque. « Regarde-moi, Sanna. Je suis vieux et je reviens toujours bredouille de la chasse. Nous mangeons ce soir nos dernières provisions. Il faut que tu te maries. Il y a beaucoup de bons chasseurs qui rêveraient de t'épouser et qui pourraient t'apporter chaque jour un nouveau phoque à dépecer. Pourquoi ne veux-tu pas te marier ? » Mais, une fois de plus, sa fille ne lui répondit que par un silence gêné. Un jour, lassé de la voir refuser tous les hommes qui se présentaient, son père finit par lui dire : « Épouse donc notre chien et partez tous les deux loin du village, sur cette île que l'on aperçoit là-bas ! » La jeune femme, résignée, s'exila sur l'île avec son mari chien. Très vite, la nourriture vint à manquer. Le chien avait été un précieux atout pour son maître, mais maintenant qu'il était seul, il était incapable de rapporter du gibier. - Lire la suite:
Les jours passèrent ainsi. Sanna tentait tant bien que mal de se nourrir de quelques poissons pêchés, mais cela ne contentait pas son estomac qui criait famine de plus en plus souvent. Les choses s'aggravèrent lorsqu'elle tomba enceinte puis accoucha d'une portée de petits chiens. Sanna ne parvenait plus à pêcher suffisamment de poissons pour nourrir toute la famille. Un matin, elle demanda à son mari d'aller chez son père chercher de la nourriture. Elle lui accrocha sa petite bourse en peau de phoque autour du cou et lui dit de nager jusqu'au village. Le chien arriva très affaibli sur le rivage, où il trouva le père de Sanna, occupé à dépecer un phoque : « Bonjour maître. C'est ta fille qui m'envoie. Elle a deux choses importantes à te dire. La première, c'est que tu es devenu grand-père. La seconde, c'est que ta fille et tes petits-enfants ont très faim. Je suis venu demander ton aide. » Le père emplit la bourse de viande de phoque et invita le chien à revenir chaque jour chercher de la nourriture. Ainsi, chaque matin, le mari chien quittait l'île pour le campement paternel et chaque soir, il revenait avec quelques victuailles : du phoque, du caribou, du poisson, et parfois même de la viande d'ours. Un jour, le père décida d'aller rendre visite à ses petits-enfants. Il ne les avait jamais vus et avait hâte de les rencontrer. Dès qu'il accosta sur l'île, les chiots accoururent à sa rencontre, pour fêter son arrivée. Ils l'accueillirent comme le font souvent les chiens avec leur maître : en lui mordillant les mollets et en lui donnant des grands coups de langue. Mais le père de Sanna n'apprécia pas du tout cet accueil. Il réalisa qu'il ne souhaitait pas avoir des chiots comme petits-enfants. Il aurait mille fois préféré être accueilli par des enfants qui lui auraient sauté au cou et qui l'auraient couvert de vrais baisers. Puis il trouva sa fille dans un état déplorable. Comme son mari chien ne pouvait pas chasser, elle mangeait rarement à sa faim et elle n'avait pas de peaux d'animaux pour se coudre des vêtements chauds. Le père de Sanna déposa la nourriture qu'il avait apportée et reprit la mer. Tout en ramant, il réfléchissait à une manière de mettre fin à cette situation intolérable. Le lendemain, lorsque le mari chien vint à nouveau chercher de la nourriture, le père remplit la petite bourse accrochée à son cou en y introduisant non pas de la viande mais de lourdes pierres. Le chien repartit à la nage, mais, alourdi par le poids de la bourse, il s'épuisa rapidement et se noya. Le père devait désormais approvisionner lui-même quotidiennement sa fille et ses petits-enfants. Mais Sanna craignait qu'il tue également ses bébés. Elle voulut le dissuader de revenir les voir et conseilla à ses enfants : « La prochaine fois que votre grand-père arrivera, allez à sa rencontre sur le rivage, léchez et mordillez son kayak puis donnez-lui des petits coups de dents de plus en plus féroces. » Son plan fonctionna à merveille : apeuré par l'accueil des chiots, le père de Sanna fit demi-tour et ne revint plus jamais sur l'île. Mais à peine ce danger écarté, un autre survint aussitôt : le spectre de la famine revint hanter la petite famille. En renonçant à leur principale source d'approvisionnement, Sanna et ses chiots étaient de nouveau confrontés à la faim. Alors, pour sauver ses enfants chiens, Sanna décida de les envoyer au loin. Elle les répartit en trois groupes et donna à chacun des consignes précises. Elle fit d'abord partir un premier groupe, muni d'arcs et de flèches, vers la forêt boréale, en lui disant : « Partez vers le sud et restez dans la forêt, vous y trouverez toujours de quoi vous nourrir ! » C'est ainsi que ces bébés chiens devinrent les ancêtres des Amérindiens. Sanna prit ensuite une semelle de ses bottes et prononça des paroles si puissantes que la semelle se transforma en umiaq, une très grande embarcation en peau de phoque. Elle y déposa les chiots du second groupe en leur disant : « Partez vers l'est, au-delà de cette grande mer, et ne revenez que sur de grands navires ! » Ils partirent sur les flots et devinrent les ancêtres des Européens. Quant aux chiots du troisième groupe, elle préféra finalement les garder près d'elle, sur le territoire des Inuits. Ils restèrent donc sur place et se transformèrent en ijiqqat, les esprits invisibles de l'intérieur des terres. Sanna, elle, retourna vivre dans le campement familial, sous l'iglou paternel. Elle resta veuve très longtemps, refusant à nouveau les hommes qui la demandaient en mariage, jusqu'au jour où un bel étranger vint au village pour la séduire… Celle qui ne voulait pas se marier - illustration 1 Association Inuksuk, Contes du monde entier, ill. Peggy Nille, rue des enfants
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Jeu 25 Jan - 8:26 | |
| L'historiette du jour : CendrillonIl était une fois un gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu'on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille, mais d'une douceur et d'une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa mère, qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plus tôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur ; elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables. - Lire la suite:
Elle la chargea des plus viles occupations de la maison : c'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame, et celles de mesdemoiselles ses filles ; elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquetées, où elles avaient des lits des plus à la mode, et des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait tout avec patience, et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'allait mettre au coin de la cheminée et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis Cucendron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aînée, l'appelait Cendrillon ; cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtues très magnifiquement.
Il arriva que le fils du roi donnât un bal, et qu'il priât toutes les personnes de qualité d'y venir : nos deux demoiselles en furent aussi priées, car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur siéraient le mieux ; nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui godronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s'habillerait. « Moi, dit l'aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre. — Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire ; mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or, et ma barrière de diamants, qui n'est pas des plus indifférentes. » On envoya quérir la bonne coiffeuse, pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse : elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et s'offrit même à les coiffer ; ce qu'elles voulurent bien. En se faisant coiffer, elles lui disaient : « Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ? — Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut. — Tu as raison, on rirait bien si on voyait un Cucendron aller au bal. »
Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers ; mais elle était bonne, et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin l'heureux jour arriva, elles partirent, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put ; lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit tout en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait. « Je voudrais bien... je voudrais bien... » Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit : « Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? — Hélas oui, dit Cendrillon en soupirant. — Hé bien, seras-tu bonne fille ? dit sa marraine, je t'y ferai aller. » Elle la mena dans sa chambre, et lui dit : « Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. » Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle pût trouver, et la porta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite, elle alla regarder dans la souricière, où elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle donnait un coup de sa baguette, et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d'un beau gris de souris pommelé. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher : « Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelque rat dans la ratière, nous en ferons un cocher. — Tu as raison, dit sa marraine, va voir. » Cendrillon lui apporta la ratière, où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois, à cause de sa maîtresse barbe, et une fois touché, il fut changé en un gros cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vues. Ensuite elle lui dit : « Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi. » Cendrillon ne les eut pas plus tôt apportés que la marraine les changea en six laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés, et qui s'y tinrent attachés, comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon : « Hé bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ? — Oui, mais est-ce que j'irai comme cela avec mes vilains habits ? » Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits de drap d'or et d'argent tout chamarrés de pierreries ; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de vair, les plus jolies du monde. Quand Cendrillon fut ainsi parée, elle monta en carrosse ; mais sa marraine lui recommanda avant toutes choses de ne pas passer minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle partit, ne se sentant pas de joie.
Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir ; il lui donna la main à la descente du carrosse, et la mena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence, on cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue. On n'entendait qu'un bruit confus : « Ah, qu'elle est belle ! » Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder, et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits, pour en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles, et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à considérer la princesse. Elle alla s'asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés : elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui avait donnés, ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient point. Alors qu'elles causaient ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts : elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie, et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine, et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait priée. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal, les deux sœurs heurtèrent à la porte ; Cendrillon leur alla ouvrir. « Que vous êtes longtemps à revenir ! » leur dit-elle en bâillant, et se frottant les yeux, et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller ; elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elles s'étaient quittées. « Si tu étais venue au bal, lui dit une de ses sœurs, tu ne t'y serais pas ennuyée : il y est venu la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir ; elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons. » Cendrillon ne se sentait pas de joie : elle leur demanda le nom de cette princesse ; mais elles lui répondirent qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine, et qu'il donnerait toutes choses au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit : « Elle était donc bien belle ? Ne pourrais-je point la voir ? Mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. — Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis ! Prêter mon habit à un vilain Cucendron comme cela : il faudrait que je fusse bien folle. » Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise, car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur avait bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain, les deux sœurs allèrent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus parée que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle, et ne cessa de lui conter des douceurs ; la jeune demoiselle ne s'ennuyait point, et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé ; de sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fût encore onze heures : elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit, mais il ne put l'attraper ; elle laissa tomber une de ses pantoufles de vair, que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais, et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de toute sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissé tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse ; ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne, qu'une jeune fille fort mal vêtue, et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand ses deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elles s'étaient encore bien diverties, et si la belle dame y avait été ; elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de vair, la plus jolie du monde ; que le fils du roi l'avait ramassée, et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On l'apporta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle, mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait, et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant : « Que je voie si elle ne me serait pas bonne ! » Ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était juste, et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine, et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle qu'elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ses deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elles lui avaient fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On la mena chez le jeune prince, parée comme elle était : il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au palais, et les maria le jour même à deux grands seigneurs de la cour.
Collectif, Contes traditionnels, ill. Julie Faulques, rue des enfants
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Ven 26 Jan - 9:53 | |
| L'historiette du jour : Comment l'eau de mer est devenue saléeIl y a fort longtemps vivaient en Chine deux frères. Wang, l'aîné, était le plus fort et brimait sans cesse son cadet. À la mort de leur père, les choses ne s'arrangèrent pas et la vie devint intenable pour Wang-cadet. Wang-l'aîné accapara tout l'héritage du père : la belle maison, le buffle et tout le bien. Wang-cadet n'eut rien du tout et la misère s'installa bientôt dans sa maison. - Lire la suite:
Un jour, il ne lui resta même plus un seul grain de riz. Il fut donc obligé de se rendre chez son frère pour ne pas mourir de faim. Arrivé sur place, il le salua et lui parla en ces termes : « Frère aîné, prête-moi un peu de riz. » Mais son frère, qui était très avare, refusa tout net de l'aider et le cadet repartit bredouille.
Ne sachant que faire, Wang-cadet s'en alla pêcher au bord de la mer jaune. La chance n'était pas de son côté, car il ne parvint pas à attraper le plus petit poisson. Il rentrait chez lui les mains vides, la tête basse, le cœur lourd quand soudain, il aperçut une meule au milieu de la route. « Ça pourra toujours servir ! » pensa-t-il en ramassant la meule, et il la rapporta à la maison. Dès qu'elle l'aperçut, sa femme lui demanda : « As-tu fait bonne pêche ? Rapportes-tu beaucoup de poissons ? — Non, femme ! Il n'y a pas de poisson. Je t'ai apporté une meule. — Wang-cadet, tu sais bien que nous n'avons rien à moudre : il ne reste pas un seul grain à la maison. » Wang-cadet posa la meule par terre et, de dépit, lui donna un coup de pied. La meule se mit à tourner, à tourner et à moudre. Et il en sortait du sel, des quantités de sel. Elle tournait de plus en plus vite et il en sortait de plus en plus de sel. Wang-cadet et sa femme étaient tout contents de cette aubaine tandis que la meule tournait, tournait et le tas de sel grandissait, grandissait. Wang-cadet commençait à avoir peur et se demandait comment il pourrait bien arrêter la meule. Il pensait, réfléchissait, calculait, il ne trouvait aucun moyen. Soudain, il eut enfin l'idée de la retourner, et elle s'arrêta. À partir de ce jour, chaque fois qu'il manquait quelque chose dans la maison, Wang-cadet poussait la meule du pied et obtenait du sel qu'il échangeait avec ses voisins contre ce qui lui était nécessaire. Ils vécurent ainsi à l'abri du besoin, lui et sa femme. Mais le frère aîné apprit bien vite comment son cadet avait trouvé le bonheur et il fut assailli par l'envie. Il vint voir son frère et dit : « Frère-cadet, prête-moi donc ta meule. » Le frère cadet aurait préféré garder sa trouvaille pour lui, mais il avait un profond respect pour son frère aîné et il n'osa pas refuser. Wang-l'aîné était tellement pressé d'emporter la meule que Wang-cadet n'eut pas le temps de lui expliquer comment il fallait faire pour l'arrêter. Lorsqu'il voulut lui parler, ce dernier était déjà loin, emportant l'objet de sa convoitise. Très heureux, le frère aîné rapporta la meule chez lui et la poussa du pied. La meule se mit à tourner et à moudre du sel. Elle moulut sans relâche, de plus en plus vite. Le tas de sel grandissait, grandissait sans cesse. Il atteignit bien vite le toit de la maison. Les murs craquèrent. La maison allait s'écrouler. Wang-l'aîné prit peur. Il ne savait pas comment arrêter la meule. Il eut alors l'idée de la faire rouler hors de la maison, qui était sur une colline. La meule dévala la pente, roula jusque dans la mer et disparut dans les flots. Depuis ce temps-là, la meule continue à tourner au fond de la mer et à moudre du sel. Personne n'est allé la retourner. Et c'est pour cette raison que l'eau de la mer est salée.
Collectif, Contes d'Asie, ill. Delphine Bodet, rue des enfants
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| | | Mylène
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Ven 26 Jan - 15:00 | |
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Dim 28 Jan - 8:31 | |
| Hansel et GrethelUn bûcheron, sa femme et ses deux enfants vivaient à l'orée d'une forêt. Le garçon s'appelait Hansel et la fille Grethel. La famille était très pauvre. Une année, la famine régna dans le pays et le bûcheron, durant une de ses nuits sans sommeil où il ruminait des idées noires et remâchait ses soucis, dit à sa femme : « Qu'allons-nous devenir ? Comment nourrir nos pauvres enfants ? Nous n'avons plus rien à manger. - Lire la suite:
— Eh bien, dit la femme, sais-tu ce que nous allons faire ? dès l'aube, nous conduirons les enfants au plus profond de la forêt, nous leur allumerons un feu et leur donnerons à chacun un petit morceau de pain. Puis nous irons à notre travail et les laisserons seuls. Ils ne retrouveront plus leur chemin, et nous en serons débarrassés. — Non, femme, dit le bûcheron, je ne ferai pas cela ! Comment pourrais-je me résoudre à laisser nos enfants tout seuls dans la forêt ! Les bêtes sauvages ne tarderaient pas à les dévorer. — Oh, fou ! rétorqua-t-elle, tu préfères donc que nous mourrions de faim tous les quatre ? » Elle n'eut de cesse qu'il acceptât ce qu'elle proposait. Les deux petits, n'ayant pas pu s'endormir à cause de la faim qui les tenaillait, entendirent les paroles de leur mère. Grethel pleura beaucoup et dit à son frère : « C'en est fait de nous ! — Ne t'en fais pas, dit Hansel. Je trouverai un moyen de nous en tirer. » Quand les parents furent endormis, il se leva, enfila ses habits, et sortit de la maison. Hansel ramassa autant de cailloux qu'il put et les mit dans ses poches. Quand vint le jour, la femme réveilla les deux enfants : « Debout, paresseux ! Nous allons dans la forêt pour y chercher du bois. » Elle leur donna un morceau de pain à chacun et dit : « Voici pour le repas de midi ; ne mangez pas tout avant, car vous n'aurez rien d'autre. » Comme les poches de Hansel étaient pleines de cailloux, Grethel mit le pain dans son tablier. Puis, ils se mirent tous en route pour la forêt. Tout le long du chemin, Hansel, qui fermait la marche, jetait des cailloux blancs sur le chemin. Quand ils furent arrivés au milieu de la forêt, le père dit : « Maintenant, les enfants, ramassez du bois ! Je vais allumer un feu pour que vous n'ayez pas froid. » Hansel et Grethel amassèrent des brindilles au sommet d'une petite colline. Quand on y eut mis le feu et qu'il eut bien pris, la femme dit : « Couchez-vous auprès de lui, les enfants, et reposez-vous. Nous allons abattre du bois. Quand nous aurons fini, nous reviendrons vous chercher. » Les deux enfants s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, il faisait nuit noire. Grethel se mit à pleurer et dit : « Comment ferons-nous pour sortir de la forêt ? » Hansel la consola. « Attends encore un peu, dit-il, jusqu'à ce que la lune soit levée. Alors, nous retrouverons notre chemin. » Hansel et Grethel - illustration 1 Quand la pleine lune brilla dans le ciel, il prit sa sœur par la main et suivit les petits cailloux blancs. Alors que le jour se levait, ils atteignirent la maison. Ils frappèrent à la porte. La femme ouvrit et les vit. Elle dit : « Méchants enfants ! Pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la forêt ? Nous pensions que vous ne reviendriez jamais. » Leur père, lui, se réjouit, car il avait le cœur lourd de les avoir laissés seuls dans les bois. Peu de temps après, la misère régna de plus belle et, une fois de plus, pendant la nuit, les enfants entendirent ce que la mère disait : « Il ne nous reste plus rien à manger, une demi-miche seulement. Il faut nous débarrasser des enfants ; nous les conduirons encore plus profondément dans la forêt pour qu'ils ne puissent plus retrouver leur chemin ; il n'y a rien d'autre à faire. » Quand les parents furent endormis, Hansel se leva avec l'intention d'aller ramasser de nouveau des cailloux. Mais la femme avait verrouillé la porte et le garçon ne put sortir. Il consola cependant sa petite sœur : « Ne pleure pas, Grethel, dors tranquille ; le bon Dieu nous aidera. »
Tôt le matin, la mère fit lever les enfants. Elle leur donna un morceau de pain, plus petit encore que l'autre fois. Parvenus dans la forêt, les parents laissèrent les enfants pour aller couper du bois. Le soir, Hansel et Grethel firent du feu, puis ils dormirent, et la soirée passa sans que personne ne revînt auprès d'eux. Ils s'éveillèrent au milieu de la nuit, et Hansel consola sa petite sœur, disant : « Attends que la lune se lève, Grethel, nous retrouverons le chemin de la maison. » Quand la lune se leva, ils se mirent en route. Mais les deux enfants marchèrent toute la nuit et le jour suivant, sans trouver à sortir de la forêt. Ils mouraient de faim, n'ayant à se mettre sous la dent que quelques baies. Ils étaient si fatigués que leurs jambes ne voulaient plus les porter. Ils se couchèrent au pied d'un arbre et s'endormirent. Ils reprirent leur marche, s'enfonçant toujours plus avant dans la forêt. À midi, ils virent un joli oiseau sur une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les enfants s'arrêtèrent pour l'écouter. Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu'à une petite maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand ils s'en approchèrent, ils virent qu'elle était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les fenêtres étaient en sucre. « Nous allons nous régaler, dit Hansel, et faire un repas béni de Dieu. Je vais manger un morceau du toit ; il a l'air d'être bon ! » Hansel grimpa sur le toit et en arracha une petite portion, pour goûter. Grethel se mit à lécher les carreaux. Tout à coup, la porte s'ouvrit et une femme, vieille comme les pierres, s'appuyant sur une canne, sortit de la maison. Hansel et Grethel eurent si peur qu'ils laissèrent tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs mains. La vieille secoua la tête et dit : « Hé, chers enfants ! qui vous a conduits ici ? Entrez, venez chez moi ! Il ne vous sera fait aucun mal. » Elle les prit tous deux par la main et les fit entrer dans la maisonnette. Elle leur servit un bon repas, du lait et des beignets avec du sucre, des pommes et des noix. Elle prépara ensuite deux petits lits. Hansel et Grethel s'y couchèrent. Ils se croyaient au paradis. Mais la gentillesse de la vieille femme n'était qu'apparente. En réalité, c'était une méchante sorcière qui n'avait construit la maison de pain que pour attirer les enfants. Quand elle en prenait un, elle le tuait, le faisait cuire et le mangeait. Pour elle, c'était alors jour de fête.
À l'aube, avant que les enfants ne se fussent éveillés, elle se leva. Elle attrapa Hansel, le conduisit dans une petite étable et l'y enferma. Il eut beau crier, cela ne lui servit à rien. La sorcière s'approcha ensuite de Grethel, la secoua pour la réveiller et lui dit : « Debout, paresseuse ! Va chercher de l'eau et prépare quelque chose de bon à manger pour ton frère. Il est enfermé à l'étable et il faut qu'il engraisse. Quand il sera à point, je le mangerai. »
Grethel se mit à pleurer, mais cela ne lui servit à rien. Elle fut obligée de faire ce que lui demandait la sorcière. Tous les matins, la vieille se glissait jusqu'à l'étable et disait : « Hansel, tends tes doigts que je voie si tu es déjà assez gras ». Mais Hansel tendait un petit os et la sorcière, qui avait de mauvais yeux, ne s'en rendait pas compte. Elle croyait que c'était vraiment le doigt de Hansel et s'étonnait qu'il n'engraissât point. Quand quatre semaines furent passées, et que l'enfant était toujours aussi maigre, elle perdit patience et décida de ne pas attendre plus longtemps. « Holà, Grethel, cria-t-elle, dépêche-toi d'apporter de l'eau ! Que Hansel soit gras ou maigre, c'est demain que je le tuerai et le mangerai. » De bon matin, Grethel fut chargée de remplir la grande marmite d'eau et d'allumer le feu. « Nous allons d'abord faire la pâte, dit la sorcière. J'ai déjà fait chauffer le four et préparé ce qu'il faut. » Elle poussa la pauvre Grethel vers le four, d'où sortaient de grandes flammes. « Faufile-toi dedans ! ordonna-t-elle, et vois s'il est assez chaud pour la cuisson. » Elle avait l'intention de fermer le four quand la petite y serait, pour la faire rôtir. Elle voulait la manger, elle aussi. Mais Grethel devina son intention et dit : « Je ne sais comment faire. Comment entre-t-on dans ce four ? — Petite oie, dit la sorcière, l'ouverture est assez grande, vois, je pourrais y entrer moi-même. » Et elle y passa la tête. Alors Grethel la poussa vivement dans le four, claqua la porte et mit le verrou.
Pendant que la sorcière brûlait, elle courut vers la petite étable et dit : « Hansel, nous sommes libres ! La vieille sorcière est morte ! » N'ayant plus rien à craindre, ils pénétrèrent dans la maison de la vieille femme. Dans tous les coins, il y avait des caisses pleines de perles et de diamants. « C'est encore mieux que mes petits cailloux ! » dit Hansel, en se remplissant les poches. Et Grethel fit de même. « Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous voulons fuir cette forêt ensorcelée. » Au bout de plusieurs heures de marche, ils virent au loin leur maison. Ils se mirent à courir, se ruèrent dans la chambre de leurs parents et sautèrent au cou de leur père. Sa femme était morte entre-temps. Grethel secoua son tablier, et les perles et les diamants roulèrent à travers la chambre. Hansel en sortit d'autres de ses poches, par poignées. C'en était fini des soucis. Ils vécurent heureux tous ensemble.
Collectif, Contes d'Europe, ill. Isabelle Anglade, rue des enfants
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mar 30 Jan - 8:53 | |
| L'historiette du jour : IcareIcare avait grandi parmi les inventions de son père Dédale, célèbre artisan de Crète. La plus fameuse de ses créations avait permis à la reine Pasiphaé de séduire un taureau, revêtant pour cela le faux costume d'une belle génisse. Mais cette curieuse union avait donné le jour à une bête monstrueuse, mi-homme, mi-taureau, que l'on nomma le Minotaure. Minos, roi de Crète, se sentit humilié par l'abominable fruit de la trahison de son épouse. Il en conçut une immense honte et voulut dissimuler l'horrible animal. Il fit appel à Dédale qui, après avoir aidé la reine, vola donc au secours du roi… Celui-ci lui demanda de construire un labyrinthe afin d'y enfermer le Minotaure. Convaincu du talent de son illustre architecte, son indignation fut quelque peu apaisée. - Lire la suite:
Après des jours d'intense labeur, Dédale déposa enfin ses plans et fit débuter les travaux. Le labyrinthe était l'une de ses plus ingénieuses mais aussi la plus inquiétante de ses inventions. Il consistait en une interminable suite de détours et de lacets qui rendaient impossible à quiconque y pénétrait d'en trouver l'issue… Ainsi, le Minotaure y fut complètement pris au piège. Ses rugissements s'élevaient au-dessus des hautes murailles et son ombre terrifiante arpentait sans fin les méandres de son vaste enclos. Pour calmer ses accès déchirants de rage, Minos devait lui livrer de la chair humaine. Puisqu'il ne pouvait sacrifier ses citoyens, il ordonna aux Athéniens, qu'il avait vaincus lors d'une précédente expédition, de lui livrer sept jeunes hommes et autant de jeunes filles afin de les donner en pâture au Minotaure. Les jeunes gens qui avaient eu écho de cette effrayante bête, pénétrèrent apeurés dans le labyrinthe. C'est alors que Thésée, héros célébré et reconnu de tous, décida de mettre un terme au massacre et se rendit en Crète. Minos accueillit le jeune homme avec mépris et l'écouta distraitement, convaincu qu'il n'avait aucune chance de sortir vivant du labyrinthe. Mais Ariane, la ravissante fille du roi, apercevant le beau jeune homme en tomba amoureuse. Elle ne souhaitait pas voir son nouvel amant succomber sous les griffes du redoutable monstre et alla implorer Dédale afin qu'il lui vienne en aide. Celui-ci la convainquit de nouer au poignet de Thésée un long fil qui se déroulerait derrière ses pas, lui indiquant le chemin qu'il aurait à emprunter pour retrouver la sortie.
Grâce à ce stratagème, Thésée terrassa le Minotaure et un soupir de soulagement s'éleva du cœur de la cité athénienne. Quant à Minos, il se sentit une fois de plus trahi et s'empressa d'aller trouver Dédale qu'il enferma avec son fils dans son propre labyrinthe ! Dédale était au désespoir : sans fil attaché à son poignet, il ne savait que trop bien ce à quoi il était condamné tant son œuvre était infaillible. Il regrettait amèrement d'avoir inventé ce terrible piège ! Il leva les yeux au ciel dans l'espoir d'y voir poindre la clémence des dieux et s'apprêta à les implorer quand lui vint une brillante idée : il n'y avait aucune chance de trouver l'issue terrestre du tortueux labyrinthe, certes, mais la voie des airs, elle, s'offrait à eux dans toute son étendue ! Il avait avec lui de la cire et n'eut pas de mal à se procurer des plumes… Il se mit donc à confectionner pour lui et son fils de majestueuses ailes assez résistantes pour les soulever de terre. Après les avoir fixées sur le dos d'Icare, il prit son visage entre ses mains et lui dit : « Mon fils, écoute les sages conseils de ton père afin de mener au mieux notre évasion. Lorsque tu seras transporté par les airs, surtout ne t'avise pas de prendre trop d'altitude, la chaleur du Soleil risquerait de te brûler les ailes. De même, ne t'approche pas trop de l'océan et de ses hautes vagues qui pourraient t'ensevelir. »
Exalté, Icare piaffait d'impatience, car comme la plupart d'entre nous, il avait maintes fois rêvé de fendre les airs comme un oiseau. Ils s'élancèrent hors du labyrinthe et atteignirent le ciel grâce à leurs ailes amples et légères. Porté par le vent, Icare se laissait enivrer par le plaisir de sentir la brise le bercer. Le père et le fils volèrent ainsi un long moment, surplombant les sublimes paysages de la Grèce, mais lorsqu'ils atteignirent le détroit qui les séparait de l'Asie Mineure, Icare ne put résister à son désir et désobéit aux sages paroles de son père. Grisé par le goût de la liberté, il s'élança vers les hauteurs. Il s'approcha dangereusement du Soleil et n'entendait pas les cris désespérés de son pauvre père qui percevait trop bien où risquait de le mener son imprudence. Icare jouissait de sa puissance aérienne et, prenant de plus en plus d'altitude, se pensait l'égal des oiseaux. Mais, ne résistant pas à l'intense chaleur de l'astre, la cire de ses ailes se mit à fondre, et le jeune garçon fut précipité dans le vide avant de plonger dans la mer qui porte aujourd'hui son nom. Dédale, fou de douleur, alla repêcher le corps sans vie de son fils. Le jeune homme, par défaut d'expérience et de sagesse, avait brûlé l'innocence de son jeune âge à l'attirante chaleur de l'astre solaire.
Violaine Troffigué, Mythes et légendes, ill. Thomas Tessier, Circonflexe
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Mer 31 Jan - 9:41 | |
| L'historiette du jour : La branche morteDans une île se dressait une haute montagne dont les flancs étaient recouverts d'une épaisse forêt. Au sommet de la montagne, une somptueuse demeure abritait des diables qui, lorsqu'ils se promenaient dans la forêt, en chassaient les hommes qu'ils croisaient. Il y a bien longtemps, neuf de ces diables descendirent la montagne et explorèrent le bord de la mer. Ils virent une barque sur la plage et décidèrent de prendre la mer. Dans l'embarcation se trouvaient des cannes à pêche, et ils parvinrent à pêcher des poissons. Depuis, toutes les nuits ils retournaient pêcher en mer. Le propriétaire de la barque remarqua que, lorsqu'il la prenait chaque matin, elle était sale et pleine de poissons morts. - Lire la suite:
Intrigué, il décida de se cacher une nuit pour voir qui l'empruntait. Craignant que l'attente soit longue, il avait apporté des noix de coco à manger. Cela faisait une heure qu'il s'était caché derrière des arbres sur la plage, quand il vit les neuf diables s'approcher de sa barque. Il fut terrorisé lorsqu'ils s'avancèrent vers lui, car ils avaient senti l'odeur de la chair humaine. Pour tenter de les amadouer, il leur offrit ses noix de coco. Ils acceptèrent, et se régalèrent. Ils dirent au pêcheur qu'ils n'avaient jamais rien mangé d'aussi bon. Ils partirent tous ensemble à la pêche et, au retour, ils partagèrent le poisson. Mais les diables voulaient encore des noix de coco ! Le pêcheur les emmena chez lui, où il avait une réserve, et ils mangèrent encore une grande quantité de noix de coco. Pour remercier le pêcheur, ils lui proposèrent de les accompagner dans leur maison, tout en haut de la montagne. Le pêcheur répondit que c'était trop loin, qu'il était trop fatigué pour faire autant de chemin et que, s'il venait, il ne pourrait pas retourner pêcher le lendemain. « Le chemin qui conduit à notre maison, lui dirent-ils, n'est pas un chemin comme celui qu'empruntent les hommes. Tu ne seras pas fatigué après être venu chez nous. » Ils rejoignirent la forêt et, devant un grand arbre, ils s'arrêtèrent. L'un des diables fit un signe, et une porte s'ouvrit. Une fois que tous furent rentrés à l'intérieur, la porte se referma.
« Nous voici à la maison, dit l'un des diables. Il est possible que tu rencontres notre mère. Surtout, n'accepte rien de ce qu'elle te propose, à l'exception d'une branche morte, car elle a le don de guérir de tous les maux. » En effet, quelques instants plus tard, le pêcheur rencontra la mère des diables. C'était une géante très âgée, mais très gentille. Lorsqu'il fut l'heure de repartir, la mère des diables offrit au pêcheur une coupe en or qui ne se vidait jamais. Bien sûr il la refusa. Elle lui proposa ensuite un coq, avec une tête d'homme, qui donnait autant d'argent qu'on lui en demandait. Il refusa de nouveau et dit : « Donne-moi plutôt ce qui se trouve dans ce grand coffre ! » La vieille femme ouvrit le coffre et en sortit une branche qu'elle tendit au pêcheur en disant : « C'est une branche morte. Garde-la bien précieusement. » Après avoir remercié ses hôtes, il repartit comme il était venu. Une fois arrivé à sa cabane, il cacha soigneusement la branche morte. Quelques jours après, il vit passer des femmes en pleurs. Il leur demanda des explications. Elles lui répondirent qu'elles allaient chercher de l'eau pour donner le dernier bain au fils du chef de la tribu, qui était en train de mourir. Il leur dit que peut-être il pourrait le guérir. Rapportant ces paroles au père de l'enfant, ce dernier demanda à ce qu'on fasse venir le pêcheur le plus vite possible. Il arriva, mais trop tard. Le fils du chef venait juste de mourir. Tout le monde se mit à pleurer. Le pêcheur s'approcha et posa la branche morte sur la poitrine de l'enfant. Aussitôt, ce dernier se releva et fut bien surpris de voir tout le monde en pleurs autour de lui. Le pêcheur fut félicité et choyé. La nouvelle de cette guérison miraculeuse se répandit dans le pays, alors beaucoup de gens devinrent envieux et voulurent s'emparer de la branche morte. Plusieurs fois, on tenta de la lui voler.
Mais un jour, alors qu'il rentrait de la pêche, il vit des flammes et de la fumée en direction de sa maison. Celle-ci brûlait, et il vit en haut du toit, qui était encore épargné par le feu, sa branche morte. Le pêcheur réussit à la sauver des flammes, mais les envieux cherchèrent encore à lui voler sa branche.
Un jour, excédé, il leur dit : « Pourquoi voulez-vous me prendre cette branche qui vous assure de rester en bonne santé ? Si vous persistez, je la jetterai, et personne ne pourra la retrouver. » Ils ne tinrent pas compte de ses mises en garde et continuèrent à l'importuner. Alors, il alla se débarrasser de la branche dans la forêt. C'est pourquoi les hommes doivent mourir tandis que les arbres de la forêt, eux, sont immortels.
Collectif, Contes d'Océanie, ill. Peggy Nille, rue des enfants
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| | | auzelles Graphiste
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| Sujet: Re: L'historiette du jour Jeu 1 Fév - 10:02 | |
| L'historiette du jour : La légende des quatre mendiantsIl était une fois quatre garnements aux noms prédestinés. Ils s'appelaient Sans-Souci, Sans-le-Sou, Propre-à-Rien et Meurt-de-Faim. Ils vivaient au gré de leurs envies, dormant la plupart du temps et ne s'éveillant que pour obtenir en mendiant le peu qui leur était nécessaire pour survivre. Mangeant peu, ne se lavant pas, ils n'étaient pas beaux à voir et n'inspiraient aucune confiance à qui avait le malheur de les croiser. - Lire la suite:
Or, voilà qu'un jour, alors qu'un orage d'une violence inouïe éclatait, un pauvre étranger perdu leur demanda l'asile en attendant que le ciel ait déversé son trop-plein de colère. Bons bougres tout de même, ils le laissèrent entrer dans leur misérable hutte. À la fin du déluge, l'étranger les quitta, non sans leur promettre de leur envoyer à chacun une boîte dont ils devraient prendre grand soin et dans laquelle ils trouveraient quelque chose à planter. Lorsque les boîtes arrivèrent, ils obéirent et plantèrent ce qu'ils y trouvèrent : plants de vigne et de figuier, noyaux d'amandes et de noisettes. Le terrain était inculte, mais les arbres y poussaient, et les quatre mauvais sujets apprirent même à en sécher les fruits. Ceux-ci, plus tard, entrèrent dans la composition de leur dessert d'hiver, qu'ils vendirent avec succès. Sans-Souci, Sans-le-Sou, Propre-à-Rien et Meurt-de-Faim gagnèrent de plus en plus d'argent et travaillèrent de plus en plus, mais pour ne pas oublier qui ils étaient et se souvenir toujours du temps passé, ils avaient décidé d'appeler leur produit : « Les quatre mendiants ». Aujourd'hui encore, on peut déguster ce dessert composé des quatre sortes de fruits séchés que sont les figues, les noisettes, les raisins et les amandes.
Collectif, Contes d'Europe, ill. Isabelle Anglade, rue des enfants
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| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: L'historiette du jour Jeu 1 Fév - 14:12 | |
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| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: L'historiette du jour Jeu 1 Fév - 15:52 | |
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| | | auzelles Graphiste
Messages : 375 Age : 74
| Sujet: Re: L'historiette du jour Ven 2 Fév - 9:23 | |
| L'historiette du jour : La lune et le bananierAu commencement, Dieu avait créé et mis sur Terre un seul homme et une seule femme. Un jour, il les interrogea : « Que préférez-vous, la mort de la Lune ou la mort du bananier ? — Seigneur, dirent-ils, nous ne comprenons pas. - Lire la suite:
— Voulez-vous être comme la Lune, qui reste invisible tous les mois pendant quelques jours, mais qui réapparaît ensuite, ou préférez-vous être comme un bananier, qui meurt après avoir donné ses fruits ? » — Seigneur, expliquez-nous ce que cela signifie, car nous ne comprenons toujours pas ! — Eh bien, voici : la Lune continue à exister par elle-même, bien qu'elle semble mourir tous les mois et ressusciter au bout de quelques jours, tandis que le bananier meurt tout à fait ; mais avant de mourir, il donne naissance à plusieurs rejetons qui lui succèdent. Choisissez ce que vous préférez, car il faut que vous vous décidiez pour une chose ou pour une autre. » Ils réfléchirent un peu, puis ils dirent : « Koezy Zanahary, nous préférons mourir comme le bananier, qui laisse après lui des successeurs. » C'est depuis lors, dit-on, que les hommes meurent, et qu'ils laissent des enfants pour les remplacer.
Collectif, Contes d'Afrique, ill. Thomas Tessier, Circonflexe
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