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Neige, températures quasi polaires, blizzard... voilà en substance le programme de l'hiver anglais révélé par des prévisionnistes britanniques. Selon eux, le pays devrait vivre l'hiver le plus froid du siècle - avec des températures pouvant atteindre les - 20° entre les mois de décembre et janvier - et ainsi faire face aux complications associées telles que les routes bloquées ou les retards des transports en raison de pannes provoquées par le gel. D'ailleurs, le temps de ces dernières semaines fait de pluies diluviennes, chassées par un vent très soutenu et froid provoquant une forte baisse des températures, notamment dans la chaîne montagneuse des Pennines et dans le comté du North Yorkshire, a été annoncé comme le premier assaut de cet hiver redoutable.
L'avertissement lancé par ces scientifiques du temps n'a pas été vain et les autorités anglaises se sont concertées pour mettre en place toute une logistique afin que les intempéries ne paralysent pas le pays. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, l'association des gouvernements locaux (Local Governement Association) qui regroupe tous les comtés d'Angleterre et d'Ecosse a annoncé s'être préparée en stockant un peu plus d'un million de tonnes de sel et plusieurs centaines de sableuses. Chaque comté mettra à disposition des sacs de graviers pour les citoyens résidents aux abords des rues principales et dans les villages isolés. Les autoroutes, les rues, les devantures de magasins et d'écoles seront régulièrement désenneigées et sablées.
Pour ce travail permanent, tous les employés communaux des comtés pourront être réquisitionnés mais aussi les citoyens résidant en des lieux difficilement accessibles ou trop reculés. Pour Peter Box, le porte parole du cabinet des transports et de l'économie de l'association des gouvernements locaux :
« faire en sorte que le pays continue de fonctionner normalement ne sera possible qu'au prix d'un effort communautaire ». Les comtés sont donc sur le pied de guerre pour que les difficultés connues il y a deux ans ne se reproduisent plus.
Cependant, ces annonces d'Exacta Weather et de The Weather Channel sont faites avec une avance de plusieurs mois et on peut remettre en question leur fiabilité, car, par deux fois, on avait annoncé des étés caniculaires et des hivers rigoureux qui s'étaient avérés tout à fait normaux voire beaucoup plus doux que ce que laissaient penser les prévisions. Ces déconvenues amènent de plus en plus de responsables politiques à prendre les conclusions météorologiques avec des pincettes quitte à - si elle s'avèrent exactes - se préparer à l'orage à la toute dernière minute.
Atlantico a interrogé Louis Bodin,
météorologiste et co-présentateur météo sur TF1 et rédacteur en chef du service météo de RTL où il présente dix bulletins journaliers. Il y anime également une chronique hebdomadaire sur le nautisme ainsi qu'une émission sur l'environnement intitulée « Elément Terre » (pendant les périodes de vacances) qu'il a toutes deux conçues. Atlantico : Les prévisionnistes saisonniers anglais ont annoncé que les intempéries de ces dernières semaines et la chute des températures étaient le premier assaut de l'hiver le plus froid du siècle. Peut-on leur faire confiance ?
Louis Bodin : Je pense que, pour l'instant, on ne peut pas faire confiance à ces prévisions saisonnières. Je pratique depuis maintenant une dizaine d'années, on essaie d'avoir des résultats et on y arrive mais ce travail appartient encore à la recherche des grands services météo qui, s'il doivent bien travailler sur ces prévisions et être capable de dire quel temps il fera à l'horizon des deux à quatre mois, doivent aussi garder leurs conclusions confidentielles et ne les divulguer au grand public que quand leur fiabilité sera suffisante.Ce n'est pas le cas aujourd'hui, les météorologues estiment que l'hiver pourrait être rigoureux ou encore plutôt doux, comme l'annonçaient les dernières prévisions saisonnières françaises alors que les anglais semblent se prononcer pour un hiver très froid. Pourquoi pas, mais je crois qu'il est imprudent de l'annoncer un ou deux mois à l'avance, voire un peu présomptueux. Malheureusement, nous n'avons pas une fiabilité, une connaissance suffisante pour pouvoir diffuser une information aussi tranchée surtout quand on sait qu'elle implique une mauvaise nouvelle. Un froid aussi rigoureux aura un impact important sur la population et l'économie d'un pays.
Il faut donc nuancer les prévisions saisonnières, mais peut-on tout de même annoncer les grandes tendances ? Et que nous disent-elles de l'hiver français cette année ?
Ce que je peux dire prudemment, c'est que cette année au moins nous avons vécu un véritable automne, toutefois, je ne sais si c'est le signe qui nous permettra de dire que cet hiver sera un véritable hiver. Quoiqu'il en soit cet automne, nous avons eu un retour de la pluie avec un peu de froid mais pas pour autant de grand froid, car généralement quand celui-ci arrive un peu trop tôt en novembre c'est aussi le signe d'un redoux pour les mois suivants. Ca n'a pas été le cas cette année, les températures baissent progressivement, ces jours-ci nous vivons une première offensive hivernale avec l'arrivée du mois de décembre, mais rien de plus normal. Il y a eu les premiers flocons en plaine, de l'air un peu plus froid est prévu pour la semaine prochaine mais rien d'anormal là non plus.
Ces facteurs nous permettent donc de dire que tout le système qui se met en place dans l'hémisphère nord montre que l'air froid arrive progressivement, s'installe et cela est le signe que l'on pourrait avoir un hiver relativement froid avec probablement des épisodes de neige un peu plus fréquents en plaine et avec des phases de froid un peu plus intense que l'on vit régulièrement entre janvier et février.
Tous ces éléments sont des conclusions climatologiques simples, c'est-à-dire des moyennes, mais je n'ai aucun élément tangible, incontestable qui me permet de dire qu'à coup sûr, il y a aura une vague de froid en janvier ou en février. En revanche, nous pouvons dire que suite à un automne normal, nous ferons face à un hiver rigoureux, ou en tous les cas, dans des valeurs de saison.
Le fait de prendre les prévisions avec autant de précautions, peut-on penser que c'est en raison d'un temps devenu de plus en plus difficilement prévisible ?
Au contraire, grâce à l'évolution des technologies et des satellites, on appréhende le temps un peu mieux. On a une meilleure connaissance du temps qu'il fait, et on sait pourquoi telle situation est arrivée. Donc nous sommes en progrès. Avant, on voyait des situations mais sans comprendre pourquoi elles s'étaient produites. On peut maintenant faire des prévisions à six ou sept jours avec une fiabilité intéressante, mais se propulser au-delà c'est rentrer dans l'inconnu et dans le domaine de l'expérimentation. Je prends pour exemple tous ceux qui ces derniers mois se sont confrontés à la prévision saisonnière et qui n'ont pas eu de chance, en effet c'est toujours tombé à côté. L'été dernier était prévu assez chaud, il a finalement été plutôt moyen, l'automne quant à lui, devait être assez doux avec même quelques caractéristiques de l'été indien, mais il est arrivé assez vite de la pluie, ce qui a été une bonne nouvelle pour les nappes phréatiques. Il faut donc rester plutôt prudent sur les prochains mois.
Ces prévisionnistes qui s'aventurent à annoncer leurs tendances de façon très franche décrédibilisent le travail qui est fait tous les jours ?
J'en suis convaincu et je suis même un peu fâché contre les prévisions saisonnières car quand j'ai commencé la météo, il y a un peu plus de 25 ans, nous avions très peu de fiabilité. On accordait donc peu de sérieux à cette science. Je me rappelle que quand je disais ce que je faisais dans la vie, les gens doutaient que ce puisse être un métier. Aujourd'hui nous avons gagné cette crédibilité, cette fiabilité, et on peut le constater tous les jours auprès des téléspectateurs qui s'informent et quand on voit que les prévisions à moyen terme se confirment. Ce serait dommage de tout gâcher avec ces prévisions à très long terme qui ne sont pas fiables et décrédibilisent la matière et la science météorologique.
Propos recueillis par Priscilla Romain