Et s'il y avait un tsunami dans le lac Léman...
C'EST UN SCÉNARIO catastrophe que même Hollywood n'a jamais osé mettre en images. Et pourtant, il s'appuie sur des faits historiques qui ss'est produit au VI eme siècle.
Une équipe suisse de l'université de Genève a réussi à reconstituer le tsunami du lac Léman qui avait englouti sous les eaux une partie de la cité de Genève en l'an 563. L'écroulement d'un pan de montagne avait déstabilisé le delta et provoqué un tsunami à l'extrémité est du lac, engendrant une vague de 8 m de haut qui était passée par-dessus les murs de la vieille ville.
Longtemps tombée dans l'oubli, cette catastrophe est revenue sur le devant de la scène lorsque des chercheurs en géologie ont publié en 2012 un article scientifique sur l'événement
(voir encadré).
Depuis, une question taraude certains scientifiques. Si le même tsunami se reproduisait aujourd'hui, la vague pourrait-elle toucher les centrales nucléaires françaises situées le long du Rhône, en aval du Léman ? « Outre les conséquences pour les riverains du lac, la hantise des autorités suisses est que l'onde provoquée par le tsunami ne se propage au-delà de Genève dans les vallées encaissées et que la vague ne s'évacue par le goulet d'étranglement du Rhône jusqu'à venir toucher les centrales du Bugey (à 110 km de Genève) et de Saint-Alban (en aval de LYON) », explique Emmanuel Garnier, spécialiste de l'histoire des risques et du climat au CNRS (université de Caen).
Genève particulièrement vulnérable Accueilli par l'université de Genève, le chercheur français travaille depuis le mois de février à déterminer l'impact des catastrophes suisses du passé dans l'Hexagone et sur le territoire du Grand Genève. « N'oublions pas qu'outre ses 1 242 601 habitants, Genève accueille vingt-deux organismes internationaux tels l'ONU ou l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire et qu'elle abrite de grandes places financières mondiales. » Alors qu'aujourd'hui, les rives du lac sont habitées par plus de 1 million de personnes, les chercheurs estiment qu'une vague d'une telle ampleur inonderait complètement une grande partie du centre-ville de Genève qui compte plus de 200 000 habitants. « Cette ville serait particulièrement vulnérable si ce tsunami se reproduisait, ajoutent les scientifiques, car elle est peu élevée par rapport à la surface du lac et située à l'extrémité ouest du plan d'eau comme au fond d'un entonnoir. »
Un impact jusqu'à Lyon Emmanuel Garnier étudiera notamment des délibérations municipales vieilles de plusieurs siècles ou des chroniques religieuses rédigées par des évêques de l'époque. « Déjà, au XVIII
e siècle, les Lyonnais disposaient d'observateurs à Genève chargés de signaler le détachement de gros blocs de glace qui dégelaient côté suisse et menaçaient d'emporter les ponts de Lyon et d'y provoquer des inondations, détaille Emmanuel Garnier. En cas de risque d'inondation majeure, des coursiers à cheval étaient même chargés de venir prévenir les autorités municipales lyonnaises. »
Des centrales nucléaires aux premières loges ? Directrice de l'étude suisse publiée en 2012 sur le tsunami du Léman, la chercheuse Stéphanie Girardclos estime que « le risque de tsunami dans les lacs est actuellement sous-estimé et que ces phénomènes requièrent une plus grande attention ». « Il est possible qu'un tsunami d'une telle ampleur se reproduise à l'avenir mais la probabilité qu'il touche une centrale sur le Rhône est impossible à quantifier, affirme la scientifique. Il faudrait pour cela modéliser l'onde de la vague et déterminer dans quelle mesure les barrages sur le fleuve feraient tampon ou seraient au contraire balayés. » Interrogé sur ce scénario, le directeur de la centrale nucléaire de Cruas (Ardèche) se veut rassurant. « Pour protéger les centrales situées le long du Rhône d'inondations exceptionnelles, nous avons pris en compte des crues historiques en rajoutant une marge de sécurité de 15 % et en y ajoutant le risque de rupture de barrage », affirme Philippe Bordarier. Mais depuis la catastrophe de Fukushima, la centrale de Cruas a dû réévaluer la situation et rehausser son niveau de protection. La construction d'un muret de 800 m de long et 11 m de profondeur devrait notamment permettre de réduire les risques d'infiltrations d'eau par le sous-sol.
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