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| Sujet: Fraude aux quotas de carbone : 'Le casse du siècle' Mer 12 Sep - 13:45 | |
| Fraude aux quotas de carbone : 'Le casse du siècle' mercredi 12 septembre 2012
En Europe, les quotas de CO2 sont attribués à 12 000 sites industriels gros émetteurs de dioxyde de carbone.
Votre enquête se lit comme un roman policier. Comment avez-vous travaillé ?J'ai enquêté pendant trois ans. J'essaie de donner une vue d'ensemble de l'affaire, alors que la justice l'a sectionnée en une vingtaine de dossiers. J'ai pu disposer d'informations des enquêteurs, mais aussi de témoignages de fraudeurs. Certains sont assez fiers de ce qu'ils ont fait, de ne pas avoir été pris. Pour l'instant, il n'y a eu qu'un procès. Les trois principaux condamnés ont fait appel et vivent en Israël.Les fraudeurs que j'ai rencontrés n'étaient, au départ, que des petits voyous. Ils ont accumulé des dizaines de millions d'euros. En moins de dix-huit mois, la fraude à la TVA sur les quotas de CO2 a fait sortir deux milliards d'euros des caisses du Trésor public. Du jamais vu !À vous lire, l'arnaque semble finalement assez simple.En Europe, les quotas de CO2 sont attribués à 12 000 sites industriels gros émetteurs de dioxyde de carbone (gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique, N.D.L.R). Ceux qui en ont trop les mettent sur le marché. Le fraudeur achète des quotas, hors taxe, à l'étranger. Ils sont identifiés par un numéro à 8 chiffres. Une fois ses quotas achetés, le fraudeur les revend à la bourse spécialisée en France, Bluenext, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui lui règle la TVA à 19,6 %. Bluenext récupère la TVA auprès de l'État. Le fraudeur, lui, devrait la reverser au fisc, mais ne le fait pas. L'opération, répétée des centaines de milliers de fois, finit par représenter des milliards.Comment ce système a-t-il pu passer aussi longtemps inaperçu ?C'est très surprenant. La fraude a commencé, en France, début 2008. Rapidement, Bluenext repère des choses bizarres et fait des « déclarations de soupçons » à Tracfin, la cellule du ministère des Finances qui traque les fraudes. Ce n'est qu'en avril 2009 que Tracfin saisit la justice. Les douanes ouvrent une enquête, mais la fraude va encore durer deux mois, à des niveaux jamais atteints. Les transactions vont monter à 20 millions de tonnes de CO2par jour, alors que ça n'aurait pas dû dépasser deux ou trois millions de tonnes.On peut s'étonner que le fisc ait réglé la TVA sans jamais tiquer ou que la Caisse des dépôts ait accepté de transférer les fonds des transactions vers des paradis fiscaux, sans demander la moindre explication. Ils répondent qu'ils ont fait des alertes à Tracfin et que c'est eux qui ont mis fin à la fraude en interrompant le marché du CO2. J'ai été scandalisée de voir que l'État accepte que les finances publiques se transforment en passoire !Recueilli par Serge POIROT. |
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