Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 26 Nov - 7:22
merci provence
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Sam 5 Mar - 19:30
Printemps Voici les longs jours, amour, délire ! Voici le printemps : mars, avril au doux sourire, Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis ! Les peupliers, au bord des fleuves endormis, Se courbent mollement comme des grandes palmes, L'oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes, Il semble que tout rit et que les arbres verts Sont joyeux d'être ensemble et se disent des vers. Le jour naît couronné d'une aube fraîche et tendre, Le soir est plein d'amour; la nuit, on croit entendre, A travers l'ombre immense et sous le ciel béni, Quelque chose d'heureux chanter dans l'infini
Victor Hugo
====
A l'aube du printemps, Comme un coucou malin, Dans le douillet du nid D'une grive insouciante, Entre les oeufs bleutés, J'ai glissé mon poème Pour qu'il sache chanter. Et maintenant j'attends L'éclosion avec hâte Pour savoir si mes mots Sauront aussi voler.
Paul Bergèse
==
Février vient, c'est la Saint Valentin,
Février vient, il fait rougir les saules, Et sous les rais d'un soleil argentin, Encor frileux découvre ses épaules.
Dès qu'au ciel gris, c'est la Saint Valentin, Dès qu'au ciel gris, un peu d'aube prochaine, Un pli d'argent et de jour indistinct Ont soulevé les ombres sur la plaine,
Tous les oiseaux, c'est la Saint Valentin, Tous les oiseaux, rouge-gorges, fauvettes, Merles, geais, pics, tout le peuple mutin Des moineaux francs, les vives alouettes,
Se réveillant, c'est la Saint Valentin, Se réveillant, et secouant leurs plumes, D'un fou désir et d'un vol incertain Se sont cherchés dans les dernières bruines.
Dans les buissons, c'est la Saint Valentin, Dans les buissons, les lierres et les haies Où le houx vert offre un rouge festin, Dans les roseaux, les halliers, les coudraies.
Dans les vieux murs, c'est la Saint Valentin, Dans les vieux murs, pleins d'heureuses nouvelles, Ce fut des cris, des chants, un bruit lointain De gazouillis et de battements d'ailes.
Tous échangeaient, c'est la Saint Valentin, Tous échangeaient, en palpitant de joie, Maint propos tendre ou leste ou libertin, Après lesquels il faut qu'on se tutoie.
De temps en temps, c'est la Saint Valentin, De temps en temps, se détachait un couple ; Et tous les deux avaient bientôt atteint, Pour y causer tous seuls, un rameau souple.
Puis ils cherchaient, c'est la Saint Valentin, Puis ils cherchaient les branches élevées Ou l'humble touffe où blottir leur destin, Et faire un nid aux futures couvées.
Et tout le jour, c'est la Saint Valentin, Et tout le jour ce fut des mariages, Conclus sans prêtre et francs de sacristain, Et dont les lits sont les premiers feuillages.
Voici le soir, C'est la Saint Valentin, Voici le soir, sortant de ses repaires L'ombre a rampé vers le soleil éteint : Tous les oiseaux sont endormis par paires.
Auguste Angellier
===
Septembre ! Septembre !
Cueilleur de fruits, teilleur de chanvre, Aux clairs matins, aux soirs de sang, Tu m'apparais Debout et beau, Sur l'or des feuilles de la forêt, Au bord de l'eau. En ta robe de brume et de soie, Avec ta chevelure qui rougeoie D'or, de cuivre, de sang et d'ambre Septembre ! Avec l'outre de peau obèse, Qui charge tes épaules et pèse, Et suinte à ses coutures vermeilles Où viennent bourdonner les dernières abeilles ! Septembre ! Le vin nouveau fermente et mousse de la tonne Aux cruches ; La cave embaume, le grenier ploie ; La gerbe de l'été cède au cep de l'automne, La meule luit des olives qu'elle broie. Toi, Seigneur des pressoirs, des meules et des ruches, O septembre ! chanté de toutes les fontaines, Écoute la voix du poème. Le soir est froid, L'ombre s'allonge de la forêt Et le soleil descend derrière les grands chênes.
Henri de Regnier
==
Matin d'Octobre
C’est l’heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. A travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. On peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chêne à sa feuille de cuivre, L’érable à sa feuille de sang. Les dernières, les plus rouillées, Tombent des branches dépouillées ; Mais ce n’est pas l’hiver encore. Une blonde lumière arrose La nature, et, dans l’air tout rose, On croirait qu’il neige de l’or.
François Coppée
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 7 Mar - 8:17
merci provence
Invité Invité
Sujet: A une fleur Mar 29 Mar - 11:58
: À une fleur
Poète : Alfred de Musset (1810-1857)
Recueil : Poésies nouvelles (1850).
Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir ?
Demi-morte et demi-coquette,
Jusqu'à moi qui te fait venir ?
Sous ce cachet enveloppée,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu'as-tu vu ? que t'a dit la main
Qui sur le buisson t'a coupée ?
N'es-tu qu'une herbe desséchée
Qui vient achever de mourir ?
Ou ton sein, prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée ?
Ta fleur, hélas ! a la blancheur
De la désolante innocence ;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.
As-tu pour moi quelque message ?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret ?
Ton parfum est-il un langage ?
S'il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère ;
S'il n'en est rien, ne réponds pas ;
Dors sur mon coeur, fraîche et légère.
Je connais trop bien cette main,
Pleine de grâce et de caprice,
Qui d'un brin de fil souple et fin
A noué ton pâle calice.
Cette main-là, petite fleur,
Ni Phidias ni Praxitèle
N'en auraient pu trouver la soeur
Qu'en prenant Vénus pour modèle.
Elle est blanche, elle est douce et belle,
Franche, dit-on, et plus encor ;
A qui saurait s'emparer d'elle
Elle peut ouvrir un trésor.
Mais elle est sage, elle est sévère ;
Quelque mal pourrait m'arriver.
Fleurette, craignons sa colère.
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
Alfred de Musset.
Invité Invité
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 5 Avr - 12:02
Un jardin sous mes mots
Roses, jasmins, iris, lilas, volubilis, Cerisiers du Japon et jeunes arbousiers, Colorant le matin de leurs chants printaniers Adornent mon jardin de vivants ex libris. Abeilles et frelons s’y disputant les lys, Piétinent les pistils sans aucune pitié, Alors que, s’échappant des pages d’un herbier, Un papillon de nuit dévore un myosotis. Solitaire et pensif, un arôme somnole Sous le dais argenté d’un antique olivier, Dont l’ombre de satin imite l’Acropole. Dans mon jardin aussi, le soleil a planté Une pure fontaine, comme un encrier, Où je plonge ma plume et bois l’éternité.
Francis Etienne Sicard.
===
Les dictons du mois d'Avril Les dictons du mois d'Avril
Avril le doux, quand il se fâche, est le pire de tous. Avril pleut pour les hommes, mai pleut pour les bêtes. A la mi-avril, le blé est à l'épi. Au mois d'avril, le chêne rit. Avril a 30 jours. Si 31 il avait, personne ne s'en plaindrait. Avril et mai sont les clés de l'année. Avril fait la fleur, mai en a l'honneur. Avril pluvieux et mai venteux rendent le paysan heureux. Avril tantôt pleure, tantôt rit. Avril tempéré n'est jamais ingrat. Avril, un de bon sur mille. En avril, bas ou haut, tout arbre a son loriot. En avril, bruine obscure, trois jours dure. En avril, froidure est bonne. En avril, le sureau doit fleurir, sinon le paysan va souffrir. Fleur d'avril ne tient qu'à un fil. Quand avril se met en fureur, il est le pire des laboureurs. Quand avril tombe de l'eau, le vigneron répare le fond de son tonneau. S'il pleut en avril, prépare tes silos. S'il tonne en avril, prépare ton baril. Il faut que mars sèche les balcons et qu'avril les mouille. Il n'est d'avril si beau, qui n'ait de neige à son chapeau. Il n'est si gentil mois d'avril qui n'ait son chapeau de grésil. Les mois d'avril et de mai font la farine de toute l'année. Lune rousse sur la semence aura toujours mauvaise influence. Mars gris, avril pluvieux, font l'an fertile et plantureux. Neige d'avril dévore le blé comme le bœuf le ferait. Nul avril sans épi. Bourgeon qui pousse en avril met peu de vin au baril. Caprices d'avril font tomber les fleurs et trembler les laboureurs. Ce n'est jamais avril si le coucou ne l'a dit. Chaque goutte d'avril en vaut mille. Chêne qui pèle en avril pèle deux fois. D'avril, les ondées font les fleurs de mai. On n'a pas hiverné tant qu'avril n'est pas passé. Petite pluie d'avril fait la belle saison. Petite pluie d'avril salit la terre, grande pluie l'approprie. Quand le raisin naît en avril, il faut préparer son baril. Si la pluie d'avril vaut son pesant d'or, quand le tonnerre va, c'est un trésor Quand il pleut le jour de Saint-Georges, sur cent cerises on a quatorze. S'il gèle à la Saint-Georges, sur cent bourgeons en restent quatorze.... Saint-Georges, Saint-Marc sont réputés saints grêleurs.
Fleurs d'Avril
Le bouvreuil a sifflé dans l'aubépine blanche ; Les ramiers, deux à deux, ont au loin roucoulé, Et les petits muguets, qui sous bois ont perlé, Embaument les ravins où bleuit la pervenche. Sous les vieux hêtres verts, dans un frais demi-jour, Les heureux de vingt ans, les mains entrelacées, Echangent, tout rêveurs, des trésors de pensées Dans un mystérieux et long baiser d'amour. Les beaux enfants naïfs, trop ingénus encore Pour comprendre la vie et ses enchantements, Sont émus en plein cœur de chauds pressentiments, Comme aux rayons d'avril les fleurs avant d'éclore. Et l'homme ancien qui songe aux printemps d'autrefois, Oubliant pour un jour le nombre des années, Ecoute la voix d'or des heures fortunées Et va silencieux en pleurant sous les bois.
André Lemoyne.
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Dim 15 Mai - 21:23
Un soir on frappait à ma porte.
Brusquement je fus éveillé.
Qui peut donc agir de la sorte :
C'étaient l'Amour et l'Amitié.
Quoi ! c'est vous, jeunesse incivile !
Pourquoi donc faire un tel fracas ?
En pénétrant dans votre asile,
Nous nous disputions pour le pas.
Entre nous deux soyez arbitre,
Nous ne pourrions pas mieux choisir.
Moi, dit l'Amour, voici mon titre :
Je suis le père du plaisir.
Pour balancer cet avantage,
L'Amitié dit avec douceur :
Si le plaisir est votre ouvrage,
C'est à moi qu'on doit le bonheur.
D'un magistrat en audience
Je prends alors la gravité :
Donner à l'un la préséance
Serait trahir la vérité ;
Tous deux aux mortels favorables,
Cessez de grâce vos débats :
Vous devez être inséparables,
Entrez chez moi du même pas.
L'Amour, d'une audace effrénée,
Envahit tout mon logement,
Sans égard pour sa sœur aînée.
Halte-là ! petit garnement !
Quand chez moi le sort vous rassemble.
Jouissez de tout par moitié :
Un sage doit savoir ensemble
Loger l'Amour et l'Amitié.
Libre de penser, de rire et d'aimer,
Profiter des secondes de bonheur,
De paix, de joie et savoir décider,
Sans aucune crainte et sans peur :
Savoir dire non, oser et choisir,
Construire, entreprendre et bâtir.
Il suffit de si peu de chose,
Un peu de courage si j'ose.
La vie n'est pas toujours facile,
Mais il suffit de redresser la tête,
D'affronter certaines adversités,
Avec beaucoup de sincérité.
Suivre son cœur, ses pensées,
Ses choix et ses propres idées.
C'est alors et seulement ainsi,
Que l'on devient acteur de sa vie.
Il faut dans la vie savoir aussi,
Tendre la main à qui en a besoin,
Sans espérer un retour... ni rien,
Juste se dire que c'était bien.
Alors s'installe l'harmonie avec soi-même,
Et ainsi le monde parait presque parfait
L'amitié, c'est comme une fleur ;
Elle naît et s'épanouie tout en douceur.
Elle peut durer une vie, pour toujours,
Où s'arrêter et se faner en un jour.
L'amitié, c'est donner beaucoup de soi,
Sans jamais rien demander en retour.
C'est être toujours présent, toujours là,
Le faire avec plaisir avec beaucoup d'amour.
L'amitié, c'est une qualité simple mais si rare,
Qu'il ne faut la ranger au fond d'un placard.
Il faut la conserver, la garder près de son cœur,
Pour qu'elle nous apporte amour et douceur.
L'amitié, se veut d'être sincère sans détour,
Une confiance que l'on espère pour toujours.
L'amitié, la plus profonde comme un frère,
Rebute les mensonges et paroles meurtrières.
L'amitié, c'est être discret et silencieux,
Elle se partage en groupe ou même à deux.
L'amitié, c'est la joie de rencontrer des personnes,
Ou fidélité sincérité ces mots résonnent !
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Sam 28 Mai - 16:56
L'APPARENCE
Ici bas, oh vraiment c'est une étrange chose : Quand on souffre le plus, on prend un air joyeux ; Quand on porte en son sein le cœur le plus morose, On met, pour le cacher, un sourire en ses yeux.
De sa peine chacun meurt, et personne n'ose Ôter à son chagrin son voile insoucieux ; Homme, on veut être gai comme un enfant bien rose, Et l'on refoule en soi sa douleur de son mieux.
Dans ce monde d'oubli, voilà, voilà l'usage ! Mais qu'on aille donc pas nous juger au visage, Ni prendre pour du vrai tout ce clinquant moqueur !
Comme un arbre fleurit et verdit à l'écorce Quand son vieux tronc creusé penche et tremble sans force, On sourit au dehors, et l'on est mort au cœur.
Evariste Boulay-Paty
Recueil : Sonnets (1851)
===
LE JARDIN MOUILLÉ
La croisée est ouverte ; il pleut Comme minutieusement, A petit bruit et peu à peu, Sur le jardin frais et dormant.
Feuille à feuille la pluie éveille L'arbre poudreux qu'elle verdit ; Au mur, on dirait que la treille S'étire d'un geste engourdi.
L'herbe frémit, le gravier tiède Crépite et l'on croirait là-bas Entendre sur le sable et l'herbe Comme d'imperceptibles pas.
Le jardin chuchote et tressaille, Furtif et confidentiel ; L'averse semble maille à maille Tisser la terre avec le ciel.
Il pleut, et les yeux clos, j'écoute, De toute sa pluie à la fois, Le jardin mouillé qui s'égoutte Dans l'ombre que j'ai faite en moi.
Henri de Régnier (1864-1936)
===
LA VIEILLE ÉCHELLE
Gisant à plat dans la pierraille, Veuve à jamais du pied humain, L'échelle, aux tons de parchemin, Pourrit au bas de la muraille.
Jadis, beaux gars et belles filles, Poulettes, coqs, chats tigrés Montaient, obliques, ses degrés, La ronce à présent s'y tortille.
Mais, une margot sur le puits Se perche... une autre encore ! et puis, Toutes deux quittant la margelle
Pour danser sur ses échelons, Leurs petits sauts, tout de son long, Ressuscitent la pauvre échelle.
Maurice ROLLINAT
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Mar 5 Juil - 18:30
Art Poétique
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Ou l’Indécis au Précis se joint.
C’est de beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi ;
C’est par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prend l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on y veille, elle ira jusqu’où ?
Ô qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym
Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine.
====
Les fleurs
Oh ! de l'air ! des parfums ! des fleurs pour me nourrir !
Il semble que les fleurs alimentent ma vie ;
Mais elles vont mourir..Ah ! je leur porte envie :
Mourir jeune, au soleil, Dieu ! que c'est bien mourir !
Pour éteindre une fleur il faut moins qu'un orage :
Moi, je sais qu'une larme effeuille le bonheur.
À la fleur qu'on va fuir qu'importé un long courage ?
Heureuse, elle succombe à son premier malheur !
Roseaux moins fortunés, les vents, dans leur furie,
Vous outragent longtemps sans briser votre sort ;
Ainsi, roseau qui marche en sa gloire flétrie,
L'homme achète longtemps le bienfait de la mort !
Et moi, je veux des fleurs pour appuyer ma vie ;
A leurs frêles parfums j'ai de quoi me nourrir :
Mais elles vont mourir..Ah ! je leur porte envie ;
Mourir jeune, au soleil, Dieu ! que c'est bien mourir !
Marceline Desbordes-Valmore.
===
Les deux amitiés
Il est deux Amitiés comme il est deux Amours.
L'une ressemble à l'imprudence;
Faite pour l'âge heureux dont elle a l'ignorance,
C'est une enfant qui rit toujours.
Bruyante, naïve, légère,
Elle éclate en transports joyeux.
Aux préjugés du monde indocile, étrangère,
Elle confond les rangs et folâtre avec eux.
L'instinct du cœur est sa science,
Et son guide est la confiance.
L'enfance ne sait point haïr;
Elle ignore qu'on peut trahir.
Si l'ennui dans ses yeux on l'éprouve à tout âge
Fait rouler quelques pleurs,
L'Amitié les arrête, et couvre ce nuage
D'un nuage de fleurs.
On la voit s'élancer près de l'enfant qu'elle aime,
Caresser la douleur sans la comprendre encor,
Lui jeter des bouquets moins riants qu'elle-même,
L'obliger à la fuite et reprendre l'essor.
C'est elle, ô ma première amie !
Dont la chaîne s'étend pour nous unir toujours.
Elle embellit par toi l'aurore de ma vie,
Elle en doit embellir encor les derniers jours.
Oh ! que son empire est aimable !
Qu'il répand un charme ineffable
Sur la jeunesse et l'avenir,
Ce doux reflet du souvenir !
Ce rêve pur de notre enfance
En a prolongé l'innocence;
L'Amour, le temps, l'absence, le malheur,
Semblent le respecter dans le fond de mon cœur.
Il traverse avec nous la saison des orages,
Comme un rayon du ciel qui nous guide et nous luit :
C'est, ma chère, un jour sans nuages
Qui prépare une douce nuit.
L'autre Amitié, plus grave, plus austère,
Se donne avec lenteur, choisit avec mystère;
Elle observe en silence et craint de s'avancer;
Elle écarte les fleurs, de peur de s'y blesser.
Choisissant la raison pour conseil et pour guide,
Elle voit par ses yeux et marche sur ses pas :
Son abord est craintif, son regard est timide;
Elle attend, et ne prévient pas.
Marceline Desbordes-Valmore.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 5 Juil - 19:28
merci provence
Invité Invité
Sujet: ma poésie Mer 6 Juil - 15:42
Le rire, à ce qu'on dit, est le propre de l'homme,
Car lui seul peut ainsi exprimer sa gaîté.
Un gag, une grimace, il en faut peu, en somme,
Pour créer ces instants de franche hilarité.
Mais nul ne réagit de la même manière
Que son père, son frère ou le fils du voisin.
Il est mille façons de rire ses chimères,
Il n'est qu'une façon de rire pour chacun.
Charmant rire effronté de la jeune nymphette.
Celui bien plus discret de l'enfant de Marie.
Joli rire perlé de la grande coquette.
Petit rire nerveux de celle qu'on marie.
Rire du bon vivant homérique, sonore.
Ricanement amer de l'amant éconduit.
Rire épais du fêtard que l'on entend encore,
Quand se sont déchirés les voiles de la nuit.
Rire sain du public pour une pièce drôle.
Fou rire de l'acteur, réplique bafouillée.
Trilles, pizzicati, ainsi le veut le rôle
De la diva qui rit à gorge déployée.
Ah! Je ris, de me voir si belle en ce miroir...
Il n'est rien de meilleur que d'éclater de rire.
Foin de rire sous cape ou derrière la main.
Et comme Rutebeuf en son temps l'eût pu dire :
Se voir mourir de rire, Ah ! Quelle belle fin !
Renée Jeanne Mignard
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 7 Juil - 8:41
merci provence
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Mar 30 Aoû - 20:52
Regarder passer ses pensées
Comme autant de branches sur l’eau
Attendre que toutes les idées
Lentement s’enfoncent dans les flots
Petit à petit ralentir
Dans la tête l’effervescence
Ouïr les plus vaillants désirs
Puis laisser la place au silence
Que le coeur parle maintenant
Que le terrain est favorable
Et bien non il prendra son temps
Avant que de se mettre à table
Théa d’Albertville - 2 juillet 2007
===
Une belle image d'échange, entre un pigeon et un bébé chimpanzé. Ce pigeon se rend compte de l'âge du petit chimpanzé et le laisse faire, comme il le fait aussi quand il s'occupe de ses petits. On a déjà vu des adultes d'une espèce élever et nourrir des petits d'une autre espèce.
Quand l'amilentation est compatible, les petits peuvent survivre.
En fonction de l'espèce, ce comportement parental peut être celui des femelles et/ou des mâles. Il est suscité par la forme de la tête des petits, plus arrondie dans toutes les espèces, que celle de la la tête des adultes.
Certaines espèces savent utiliser ce comportement à leur profit, ainsi, le coucou, chez les oiseaux par exemple, ne fait jamais de nid pour pondre et élever ses petits, il préfère pondre dans les nids des autres espèces et y abandonner ses oeufs.
===
le ballet des heures
Les heures sont des fleurs l’une après l’autre écloses
Dans l’éternel hymen de la nuit et du jour ;
Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses
Et ne les donner qu’à l’amour.
Ainsi que de l’éclair, rien ne reste de l’heure,
Qu’au néant destructeur le temps vient de donner ;
Dans son rapide vol embrassez la meilleure,
Toujours celle qui va sonner.
Et retenez-la bien au gré de votre envie,
Comme le seul instant que votre âme rêva ;
Comme si le bonheur de la plus longue vie
Était dans l’heure qui s’en va.
Vous trouverez toujours, depuis l’heure première
Jusqu’à l’heure de nuit qui parle douze fois,
Les vignes, sur les monts, inondés de lumière,
Les myrtes à l’ombre des bois.
Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ;
Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versé,
Rajeunit l’autre sang qui vieillit dans vos veines
Et donne l’oubli du passé.
Que l’heure de l’amour d’une autre soit suivie,
Savourez le regard qui vient de la beauté ;
Être seul, c’est la mort ! Être deux, c’est la vie !
L’amour c’est l’immortalité !
==
Aimer la Vie
C'est d'abord apprendre
À s'aimer soi-même
À accepter ses limites, s'y adapter
À reconnaître ses forces, les utiliser au service des autres
Oser la vie...
C'est avoir un rêve
Assez puissant pour croire passionnément
Assez grand pour qu'il soi envahissant
Assez beau pour qu'il égaye chaque jour
C'est croire...
Croire que nous sommes une Étincelle divine
Une Étincelle venue rayonner, le temps d'un passage
Croire que nous avons une mission
Croire que nous pouvons l'accomplir, malgré les obstacles
Croire en soi, en l'autrui, en la vie
C'est voir...
Voir toutes les beautés du monde
Au-delà des nuages
Voir tous les élans du coeur
Avec les yeux de l'âme
C'est créer...
À travers le geste, la parole, le regard
Créer et recréer son existence
Et tendre vers l'espoir
Créer la plénitude du moment
C'est communiquer...
Abandonner sa solitude première
S'ouvrir au regard et aux paroles des autres
Reconnaître la puissance d'un groupe
Et s'y joindre en toute confiance
C'est se libérer...
Car la vraie liberté est intérieur
Elle brise les chaînes
Elle nous donne la clé qui mène vers la lumière
Cette Lumière qui nous fait...
Aimer la vie
Texte de lise Thibault
Lieutenant gouverneur du Québec
l
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 31 Aoû - 10:15
merci Provence
Invité Invité
Sujet: poesies en prose Lun 5 Sep - 12:12
quel "boss" peux avoir sa secrétaire sur les genoux ?????
Silence…
Le silence des jours déroule son écheveau.
Le temps s écoule dans le sablier.
La couleur du vécu change selon la façon dont on la regarde,
Parfois elle s’habille de gris,
Parfois de rose ou de multicolore.
Elle oscille comme un pendule, qui ne sait que choisir.
Son mouvement perpétuel semble ne jamais s’arrêter,
Car chaque sollicitation du vivant le relance inexorablement.
Lorsqu’il se ralenti au maximum des possibles,
Le cœur peut percevoir un interstice qui se pare de blancheur.
Un espace qui attire par sa neutralité et la paix qu’il dégage.
Un air que l’on respire discrètement avec bonheur.
Comme si le trouver est déjà un exploit et que le garder devient périlleux.
L’on ne comprend plus car il ni a rien à raisonner mentalement.
Pourtant cette porte entre le temps et le non temps,
Une fois perçue, ouverte et franchie, ne permet plus le retour en arrière.
Le regard a changé sur le monde de la matière dense.
La perception de l’énergie qui anime chaque particule de matière est visible.
Les myriades d’atomes dansent le ballet de la création.
Ils se forment fluides sur le flux des lignes de pensées.
L’être voit autrement l’intégralité des mouvements du vivant,
L’ensemble animé de la vie qui sillonne le non temps,
Et se montre un instant visible par ses créations dans le sablier du temps,
Qui s’écoule l’espace d'une vie.
Une vie si précieuse que le corps recueille un certain temps,
Devenant ainsi symboliquement cette coupe du graal emplie de lumière.
Lumière, particules atomiques, énergie vibratoire en mouvement,
Une et indivisible.
Lumière qui se meut indéfiniment dans l’immensité universelle…
Comme la vague de l’océan... revient alors le silence,
Sur le voyage devenu conscient du sens de la vie.
Silence…
Mariam de Sainte Cécile
23 AVRIL 2016
===
Amour-Passion
La passion est une étreinte de feu,
Elle peut nous détruire ou nous élever.
Ce feu dévorant consume tous sur son passage.
Il n’a ni cesse ni répit, lors qu’il s’empare d’un être.
Chacune des cellules du corps lui appartiennent,
Tour à tour il les embrase, les attise de désirs,
Portant son souffle brûlant d’envie,
Sur l’extérieur choisi comme support par reflet de nous même en l’autre.
Il jette ses rets sur l’objet, la chose ou le sujet convoités.
Si l’abnégation, la compassion, la sagesse ne nous habite pas,
Il fait de nous une torche vivante qui s’auto alimente perpétuellement.
Dépasser la passion, ce n’est pas la rejeter car ce serait se nier soi même.
Il faut donc le vivre pour la dépasser et permettre à ce feu passionnel de s’élever en esprit.
Nous permettant de devenir ainsi, un feu salvateur pour nous même et pour autrui.
Nos cellules s’illuminent alors, notre regard porte le véritable amour, juste avec le savoir du silence !
Donnant à celui ou celle qui vous croise, cette étincelle qui éclaire et attire afin de réchauffer son cœur au feu élevé de la passion.
Dépasser la passion c’est « ça voir » aimer.
Mariam de sainte Cécile
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: poésies choisies pour vous Mer 14 Sep - 11:37
Tu seras un HOMME mon FILS
Célèbre poème de Rudyard Kipling, écrit en 1910.
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.
(c) Antigone (01.06.2009)
Va, mon fils, il est temps de rejoindre les hommes
Et l’amour a changé le bleu de ton regard,
Si dans mon cœur tu es toujours mon petit homme,
Prend le train de la vie, ne sois pas en retard.
La maison sera vide et mon âme aux abois,
Mais, ne crains rien, mon fils, j’escorterai tes pas,
Tout en cachant mes mains qui se tendent vers toi,
Va devant et, surtout, ne te retourne pas.
C’est au petit matin, sur le seuil de ma porte,
Que tes pas s’éteindront sur le pavé mouillé,
Sans bruit, sans dire un mot, tu fermeras la porte
Et puis tu t’en iras sur la pointe des pieds.
Va, mon fils, il est temps de déployer tes ailes,
Si ton nid est douillet, pourtant il faut partir
Tout comme un papillon, tout comme une sarcelle,
Mais n’oublie pas, mon fils, un jour de revenir.
Je t’attendrai, ici, sur le seuil de ma porte,
Guettant le moindre pas sur le quai de ma gare,
Surtout, ne m’oublie pas -où que la vie t’emporte-
Et tâche de venir avant qu’il soit trop tard,
Avant que les ondées n’effacent mes marelles
Et que le Vent du Nord replie mes cerf-volants,
Tache de revenir comme les hirondelles,
De saison en saison, de printemps en printemps,
Avant que je ne sois que l’ombre de moi-même
Et que tous mes printemps se soient évanouis
Dans l’automne des jours –saison des chrysanthèmes-
Juste avant que l’hiver ne fige mes envies.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 20 Sep - 8:49
merci Provence
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Jeu 22 Sep - 18:05
************
Apologie à L'Automne
J'ai vainement lutté contre ton charme, Automne :
A ton impérieux attrait je m'abandonne.
J'ai cru que je n'avais qu'à te fermer mon cœur
Pour me soustraire au doux péril de ta langueur,
Mais ta beauté sereine à jamais me possède,
Et pareil à la feuille au vent puissant, je cède...
Je ne puis pas ne pas t'aimer sans repentir !
Je ne puis pas ne pas te voir ni te sentir,
Puisque ta grâce grave en mes yeux est entrée,
Et que de ta splendeur mon âme est pénétrée !
En tes bras, que j'ai fuis par crainte d'y mourir,
Prends-moi ! Berce mon cœur faible de trop souffrir...
Endors-moi, si tu veux, pourvu que dans mon rêve
J'entende murmurer l'arbre au vent qui s'élève,
Et que je voie, au fond de l'horizon pourpré,
Descendre avec lenteur le grand soleil doré !
J'accepte ton sommeil, fût-il fatal à l'âme,
Je le désire, Automne, et même le réclame !
Et j'ai honte aujourd'hui des mots présomptueux
Que proféra mon cœur subjugué, mais peureux.
Je ne repousse plus, je subis et j'appelle
Ton influence étrange, ô Saison la plus belle,
O ciel baigné de brume où transparaît l'azur,
O terre dépouillée où tombe le fruit mûr !
Sur la ville bruyante et de laideur punie,
Tu fais régner, Automne, une paix infinie,
Et ton soleil couchant rayonnant sur les toits
Rend toute chose pure et douce comme toi.
Je t'aime, car tu mets ton cœur sur ma pensée,
Comme une lune d'or sur une onde apaisée...
Albert Lozeau.
==
L’automne
Lâche comme le froid et la pluie,
Brutal et sourd comme le vent,
Louche et faux comme le ciel bas,
L’automne rôde par ici ;
Son bâton heurte aux contrevents ;
Ouvre la porte, car il est là.
Ouvre la porte et fais-lui honte.
Car je le connais bien, c’est lui
Qui vint l’autan avec des phrases,
Avec des sourires et des grappes,
Parlant du bon soleil qui luit,
Du vent d’été qui bruit et jase,
Du bon repos après l’étape ;
Il a soupé à notre table
Je le reconnais bien, te dis-je,
Il a goûté au vin nouveau,
Puis on l’a couché dans l’étable
Entre la jument et le veau :
Le lendemain, l’eau était prise ;
Les feuilles avaient plu sous la gelée.
Ferme la porte et les volets.
Qu’il passe son chemin, au moins,
Qu’il couche ailleurs que dans mon foin,
Qu’il aille mendier plus loin.
Avec des feuilles dans sa barbe
Et ses yeux creux qui vous regardent
Et sa voix rauque et doucereuse ;
À d’autres ! moi, je le reconnais,
Qu’il s’attife d’or ou qu’il gueuse.
Rentre la cloche : s’il sonnait !
Prépare une flambée : j’attends
Le vieil hiver au regard franc.
Francis Vielé-Griffin.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 22 Sep - 19:53
Invité Invité
Sujet: poésies choisies pour vous Lun 26 Sep - 20:16
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)
L'ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils ; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées, Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées, Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Trouveront dans ce sol lavé comme une grève Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie, Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
======
La vie antérieure J'ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux, Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d'une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, Et dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir.
====
Harmonie du Soir
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir; Valse mélancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir; Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige; Valse mélancolique et langoureux vertige! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige, Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige... Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir
====
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l'horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l'Espérance, comme une chauve-souris, S'en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées D'une vaste prison imite les barreaux, Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir, Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 27 Sep - 11:13
Provence
Invité Invité
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 12 Déc - 3:15
C'est super beau !!!
Merci invité
Adelette Graphiste
Messages : 5144 Age : 77
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 19 Juil - 11:29
Quand pourrai-je, quittant tous les soins inutiles Jean MORÉAS
Quand pourrai-je, quittant tous les soins inutiles Et le vulgaire ennui de l’affreuse cité, Me reconnaître enfin, dans les bois, frais asiles, Et sur les calmes bords d’un lac plein de clarté ?
Mais plutôt, je voudrais songer sur tes rivages, Mer, de mes premiers jours berceau délicieux ; J’écouterai gémir tes mouettes sauvages, L’écume de tes flots rafraîchira mes yeux.
Ah, le précoce hiver a-t-il rien qui m’étonne ? Tous les présents d’avril, je les ai dissipés, Et je n’ai pas cueilli la grappe de l’automne, Et mes riches épis, d’autres les ont coupés.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 19 Juil - 20:26
Merci Adelette, très joli poème
Adelette Graphiste
Messages : 5144 Age : 77
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 20 Juil - 10:55
Le jaguar Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Sous le rideau lointain des escarpements sombres La lumière, par flots écumeux, semble choir ; Et les mornes pampas où s’allongent les ombres Frémissent vaguement à la fraîcheur du soir.
Des marais hérissés d’herbes hautes et rudes, Des sables, des massifs d’arbres, des rochers nus, Montent, roulent, épars, du fond des solitudes, De sinistres soupirs au soleil inconnus.
La lune, qui s’allume entre des vapeurs blanches, Sur la vase d’un fleuve aux sourds bouillonnements, Froide et dure, à travers l’épais réseau des branches, Fait reluire le dos rugueux des caïmans.
Les uns, le long du bord traînant leurs cuisses torses, Pleins de faim, font claquer leurs mâchoires de fer ; D’autres, tels que des troncs vêtus d’âpres écorces, Gisent, entre-bâillant la gueule aux courants d’air.
Dans l’acajou fourchu, lové comme un reptile, C’est l’heure où, l’oeil mi-clos et le mufle en avant, Le chasseur au beau poil flaire une odeur subtile, Un parfum de chair vive égaré dans le vent.
Ramassé sur ses reins musculeux, il dispose Ses ongles et ses dents pour son oeuvre de mort ; Il se lisse la barbe avec sa langue rose ; Il laboure l’écorce et l’arrache et la mord.
Tordant sa souple queue en spirale, il en fouette Le tronc de l’acajou d’un brusque enroulement ; Puis sur sa patte roide il allonge la tête, Et, comme pour dormir, il râle doucement.
Mais voici qu’il se tait, et, tel qu’un bloc de pierre, Immobile, s’affaisse au milieu des rameaux : Un grand boeuf des pampas entre dans la clairière, Corne haute et deux jets de fumée aux naseaux.
Celui-ci fait trois pas. La peur le cloue en place : Au sommet d’un tronc noir qu’il effleure en passant, Plantés droit dans sa chair où court un froid de glace, Flambent deux yeux zébrés d’or, d’agate et de sang.
Stupide, vacillant sur ses jambes inertes, Il pousse contre terre un mugissement fou ; Et le jaguar, du creux des branches entr’ouvertes, Se détend comme un arc et le saisit au cou.
Le boeuf cède, en trouant la terre de ses cornes, Sous le choc imprévu qui le force à plier ; Mais bientôt, furieux, par les plaines sans bornes Il emporte au hasard son fauve cavalier.
Sur le sable mouvant qui s’amoncelle en dune, De marais, de rochers, de buissons entravé, Ils passent, aux lueurs blafardes de la lune, L’un ivre, aveugle, en sang, l’autre à sa chair rivé.
Ils plongent au plus noir de l’immobile espace, Et l’horizon recule et s’élargit toujours ; Et, d’instants en instants, leur rumeur qui s’efface Dans la nuit et la mort enfonce ses bruits sourds.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 23 Juil - 11:22
L’Amant timide Hégésippe MOREAU
À seize ans, pauvre et timide Devant les plus frais appas, Le cœur battant, l’œil humide, Je voulais et n’osais pas, Et je priais, et sans cesse Je répétais dans mes vœux : « Jésus ! rien qu’une maîtresse, Rien qu’une maîtresse… ou deux ! »
Lors une beauté, qui daigne M’agacer d’un air moqueur, Me dit : « Enfant, ton cœur saigne, Et j’ai pitié de ton cœur. Pour te guérir quel dictame Faut-il donc, pauvre amoureux ? — Oh ! rien qu’un baiser, madame ! Oh ! rien qu’un baiser… ou deux !… »
Puis le beau docteur, qui raille, Me tâte le pouls, et moi, En façon de représaille, Je tâte je ne sais quoi ! « Où vont ces lèvres de flamme ? Où vont ces doigts curieux ? — Puisque j’en tiens un, madame, Laissez-moi prendre les deux. »
La coquette sans alarmes Rit si bien de mon amour, Que j’eus à baiser des larmes Quand je riais à mon tour. Elle sanglote et se pâme : « Qu’avons-nous fait là, grands dieux ? — Oh ! rien qu’un enfant, madame. Oh ! rien qu’un enfant… ou deux ! »
Adelette Graphiste
Messages : 5144 Age : 77
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 24 Juil - 9:47
Le Berger et son troupeau Jean de LA FONTAINE
Quoi ? toujours il me manquera Quelqu’un de ce peuple imbécile ! Toujours le Loup m’en gobera ! J’aurai beau les compter : ils étaient plus de mille, Et m’ont laissé ravir notre pauvre Robin ; Robin mouton qui par la ville Me suivait pour un peu de pain, Et qui m’aurait suivi jusques au bout du monde. Hélas ! de ma musette il entendait le son ! Il me sentait venir de cent pas à la ronde. Ah le pauvre Robin mouton ! Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre Et rendu de Robin la mémoire célèbre. Il harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu’au moindre agneau, Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffirait pour écarter les Loups. Foi de peuple d’honneur, ils lui promirent tous De ne bouger non plus qu’un terme. Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton Qui nous a pris Robin mouton. Chacun en répond sur sa tête. Guillot les crut, et leur fit fête. Cependant, devant qu’il fût nuit, Il arriva nouvel encombre, Un Loup parut ; tout le troupeau s’enfuit : Ce n’était pas un Loup, ce n’en était que l’ombre. Haranguez de méchants soldats, Ils promettront de faire rage ; Mais au moindre danger adieu tout leur courage : Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.
Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 24 Juil - 13:47
Adelette pour ces jolis poème d ou le précédent est une belle métaphore