Les fumées dégagées par les incendies de forêt ont envahi Moscou ce vendredi, empêchant les avions de ligne de se poser dans la capitale russe et obligeant les habitants à se réfugier chez eux.
Le niveau de pollution dans la ville est cinq fois supérieur à la normale, ce qui a contraint plusieurs entreprises à fermer leurs portes. La température affiche 36°C, dépassant un nouveau record pour la cinquième journée consécutive.
Les employés de bureau se sont munis de masques chirurgicaux pour ne pas inhaler la fumée âcre produite par les incendies qui dévastent des centaines d'hectares de forêts et de tourbières près de cette métropole de dix millions et demi d'habitants.
Ces incendies ont été provoqués par la vague de chaleur la plus importante à frapper la Russie depuis plus d'un siècle et les autorités moscovites ont conseillé à la population de rester chez elle et de ne pas s'aventurer au dehors sauf nécessité.
"Aujourd'hui nous dépassons tous les records de pollution depuis un mois", a déclaré Alexeï Popikov, responsable du contrôle de la qualité de l'air dans la capitale.
Le bilan humain des feux de forêt qui ont détruit des villages entiers de Russie occidentale est officiellement de 52 morts et 4.000 sans-abri. Mais il pourrait être bien plus lourd.
L'agence de presse Interfax, citant une source informée, rapporte que le taux de mortalité a augmenté de près 30% en juillet à Moscou en raison de la canicule et du nuage de fumée provoqué par les incendies.
SMOG SUR LA PLACE ROUGE
Les images satellite de la Nasa montrent un nuage de fumée de 3.000 kilomètres de long s'étendant au-dessus de la Russie d'Europe.
Plus de 150.000 personnes participent à la lutte contre les flammes mais la situation ne s'améliore guère et les autorités semblent dépassées.
Le maire de Moscou, Iouri Loujkov, n'a fait aucune déclaration publique face à la situation. Un porte-parole de la municipalité a indiqué qu'il était parti cette semaine en vacances.
Dans la région de Moscou, l'incendie s'étend dans les tourbières et la surface touchée a pratiquement doublé vendredi - près de 65,7 hectares contre 37,5 la veille, a déclaré la branche régionale du ministère des Situations d'urgence.
D'un côté à l'autre de la place Rouge, on ne voyait même pas les fameux dômes de la basilique Saint-Basile en raison de la densité de la fumée, plus impénétrable que le "smog" londonien au XIXe siècle.
"Je me suis réveillé ce matin et j'ai regardé autour de moi, c'est une situation monstrueuse", a déclaré le président Dmitri Medvedev, qui a interrompu ses vacances.
Le chef de l'Etat s'est rendu dans une station d'ambulances moscovite et s'est dit solidaire avec les habitants. "Soyez patients, j'espère que tout cela va se terminer."
Cette fumée ne devrait pas se dissiper avant au moins trois jours, selon le service météorologique Fobos.
FUITE À LA CAMPAGNE
Une porte-parole de l'aéroport international de Domodedovo, le plus grand du pays, a déclaré que quinze appareils avaient dû être déroutés vers d'autres villes car la visibilité était inférieure à 400 mètres.
Au total, une soixantaine d'avions n'ont pu se poser sur l'un des aéroports de la capitale. Certains ont dû aller atterrir en Ukraine.
Des entreprises, comme X5 Retail, le plus grand distributeur de Russie, et certains bureaux ont demandé à leurs employés de rentrer chez eux tant l'atmosphère était irrespirable.
"J'ai mal à la tête, j'ai envie de vomir et j'ai très peur pour ma mère de 83 ans qui ne se sent vraiment pas bien", a déclaré Marina Orlova, une femme d'affaires de 50 ans.
De nombreux Moscovites ont envoyé leur famille à la campagne, où l'air est quand même meilleur en raison de la moindre pollution automobile.
Le Premier ministre, Vladimir Poutine, s'est rendu dans les régions touchées et a promis une aide exceptionnelle de deux millions de roubles (51.000 dollars) à chaque famille ayant perdu sa demeure. Une telle indemnité, sans précédent en Russie, a fait dire à certains habitants qu'ils auraient aimé eux aussi perdre leur maison dans les flammes.
Le gouvernement a estimé jeudi que les incendies pourraient constituer une menace nucléaire s'ils n'étaient pas circonscrits.
Le ministre des Situations d'urgence, Sergueï Choigou, a indiqué que la chaleur des feux qui ravagent la région de Briansk, qui avait été irradiée en 1986 par l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, pourrait libérer des particules radioactives nocives dans l'atmosphère.
Face à la situation, Vladimir Poutine a annoncé la suspension temporaire des exportations de céréales et de produits agricoles dérivés, du 15 août à fin décembre.
Avec Alexeï Anichtchouk, Nastassia Astracheuskaïa, Maria Plis, Dmitri Sergueïev, Andreï Ostroukh, Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Gilles Trequesser