La garde à vue jugée non conforme au droit européen
Michèle Allio-Marie avait présenté son projet de loi la semaine dernière. Crédits photo : FAYEZ NURELDINE/AFP
Mardi, la Cour de cassation a estimé qu'on ne pouvait limiter l'accès à un avocat pour les affaires de terrorisme, de trafic de drogue et de crime organisé. Le gouvernement va probablement devoir revoir cet aspect de son projet de loi. La Cour de cassation a ouvert une nouvelle brèche dans le régime français de la garde à vue, mardi. Dans une
décision très attendue, la plus haute juridiction du pays a estimé non conformes aux règles européennes plusieurs dispositions de la loi en vigueur, qui limite la place des avocats.
Les hauts magistrats étaient saisis de trois affaires, dont deux en matière de criminalité organisée qui a la particularité, comme le contentieux sur le terrorisme, d'avoir un régime de garde à vue dérogatoire, comparé à celui de droit commun. Elle dure en effet 96 heures et la personne mise en cause n'a accès à un avocat qu'à la 72e heure. La plus haute juridiction du pays a estimé qu'on ne pouvait maintenir en l'état des régimes dérogatoires avec accès limité à un avocat pour ce type d'affaires.
Dans un communiqué, elle précise : «La restriction du droit pour une personne gardée à vue d'être assistée dès le début de la mesure par un avocat doit répondre à l'exigence d'une raison impérieuse, laquelle ne peut découler de la seule nature de l'infraction».
La Cour ne ferme donc pas totalement la porte à d'éventuelles dérogations au cas par cas. C'est sur ce point précis que la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie va devoir revoir son projet de loi, présenté la semaine dernière. Le maintien de ces régimes dérogatoires était en effet prévu par le texte. «La Garde des Sceaux tiendra compte des arrêts de la Cour de cassation en introduisant des aménagements nécessaires», explique son porte-parole adjoint, Arthur Dreyfuss.
Inédit«Nous retenons surtout que la Cour de cassation, comme le Conseil constitutionnel, s'inscrit dans le même esprit que le gouvernement sur la nécessité de réformer la garde à vue» commente également Arthur Dreyfuss.
Pour les affaires de droit commun, la Cour de cassation a en effet insisté sur des modifications déjà prévues par le projet de loi de Michèle Alliot-Marie. Comme le
Conseil constitutionnel le 30 juillet dernier, et la Cour européenne des droits de l'homme dans plusieurs arrêts, elle a notamment confirmé que la France devait permettre l'accès des avocats à leurs clients pendant la garde à vue, et obliger les policiers à
notifier aux suspects leur droit au silence.
Fait totalement inédit, elle fixe cependant au 1er juillet 2011 la date d'application des nouvelles stipulations. Ce qui évite de mettre en péril d'ici là la régularité des procédures et donne le temps au gouvernement de mettre son projet à jour.
(avec agences) LIRE AUSSI : » Garde à vue : la France condamnée à Strasbourg » La garde à vue menacée par la Cour de cassation