La Terre prépare sa défense contre la menace des astéroïdes
- Par Tristan Vey , Service infographie du Figaro
- Mis à jour le 14/04/2015 à 21:08
- Publié le 14/04/2015 à 19:39
INFOGRAPHIE - Deux missions spatiales américaine et européenne vont essayer de dévier la trajectoire d'un petit corps rocheux.
Les astéroïdes sont une menace réelle pour l'humanité. Les spécialistes estiment qu'il en tombe un d'une centaine de mètres tous les 1000 ans environ. Ce type de caillou, qui file à plusieurs dizaines de milliers de km/h, pourrait rayer Paris de la carte en un clin d'œil. S'il s'abîmait dans l'océan, il soulèverait une vague destructrice de plusieurs dizaines de mètres de haut. Une catastrophe pour les villes côtières voisines.
Conscients de cette épée de Damoclès astronomique, les scientifiques se réunissent tous les deux ans pour faire le point des connaissances accumulées sur les corps qui croisent régulièrement l'orbite de la Terre (dits géocroiseurs ou NEO) et les solutions potentielles en cas de danger. La 4e Conférence de défense planétaire se tient ainsi cette semaine à Frascati, en Italie.
Outre les conférences scientifiques, cette réunion est aussi l'occasion de réaliser un exercice de simulation d'impact. Le lundi, les participants apprennent la découverte d'un astéroïde fictif présentant une menace. Différents groupes de travail étudient alors la trajectoire, les conséquences possibles, les solutions éventuelles, la communication à adopter avec le grand public, etc.
Il y a deux ans, lors du premier exercice de ce type, les experts n'avaient pas réussi à se mettre d'accord sur la stratégie à adopter, rendant inévitable la destruction de la ville de Nice. «En cas de menace réelle, nous ne sommes clairement pas prêts», constate Patrick Michel, directeur de recherche CNRS à l'observatoire de Nice-Côte d'Azur, spécialiste de renommée mondiale des astéroïdes.
Un long «hiver astéroïdal»
Aucune agence spatiale n'a encore mené à son terme une mission de détournement ou de destruction d'astéroïdes. Les agences européenne (ESA) et américaine (Nasa) se sont ainsi associées pour monter le projet Aida qui prévoit le lancement de deux sondes en 2020 vers un astéroïde double: Didymos, 800 mètres de diamètre autour duquel tourne une petite lune, Didymoon, 170 mètres.
«La partie européenne, baptisée AIM pour Asteroid Impact Mission, consiste à envoyer une sonde pour étudier et caractériser ce système, puis y poser un petit atterrisseur et déployer un micro-satellite en orbite», explique son responsable scientifique, Patrick Michel. Quelques mois plus tard, en 2021, les Américains enverront un impacteur de 300 kg, DART, chargé de percuter le plus petit des astéroïdes, à la vitesse de 22.500 km/h.
«Si le choc parvient à éjecter de la matière, cela devrait augmenter significativement la déviation qui sera étudiée par AIM», note Patrick Michel. «Notre objectif est d'arriver à prédire grâce aux études de surface et de structure interne la manière dont l'impacteur va influencer la trajectoire des astéroïdes.»
Le système binaire passera à 1 million de kilomètres environ de la Terre en 2022. Une distance suffisamment proche pour que les scientifiques puissent valider depuis le sol le changement de trajectoire de Didymoon. «Si l'ESA renonçait à la mission AIM, la Nasa pourrait poursuivre seule la mission. Si la Nasa abandonnait, la mission AIM pourrait également fonctionner seule et ramener de nombreux résultats scientifiques.»
- Citation :
- « On ne connaît que 20 à 30 % des dizaines de milliers d'astéroïdes de quelques centaines de mètres de diamètre »
Patrick Michel, directeur de recherche CNRS à l'Observatoire de Nice Côte d'Azur
La déviation de l'astéroïde devrait rester assez faible. En cas de menace réelle, il faudrait pouvoir lancer une sonde plusieurs années au moins avant la collision afin que la perturbation soit suffisante pour que le bolide évite la Terre. «Idéalement, il faudrait même envoyer une sonde exploratoire avant pour étudier la structure de l'astéroïde afin de définir l'impacteur nécessaire pour le détourner de sa route», précise Patrick Michel. Sans compter qu'il serait aussi plus sage de se laisser un peu de marge en cas d'échec pour une deuxième tentative.
Les gros astéroïdes peuvent justement être détectés très en amont de leur arrivée. Les astronomes suivent par exemple de près tous les corps kilométriques. Rappelons qu'une météorite d'une dizaine de kilomètres comme celle qui a été fatale aux dinosaures il y a 65 millions d'années projetterait dans l'atmosphère tant de poussières qu'elle provoquerait un long «hiver astéroïdal», synonyme d'extinction massive d'espèces.
Pour ce qui est des corps plus petits, qui représentent tout de même une menace très sérieuse à l'échelle d'une région, il n'existe en revanche aucun programme de recherches systématiques. «On ne connaît que 20 à 30 % des dizaines de milliers d'astéroïdes de quelques centaines de mètres de diamètre», rappelle Patrick Michel. La fondation américaine à but non lucratif B612, du nom de l'astéroïde du Petit Prince, espère pouvoir lancer son télescope spatial infrarouge Sentinel en 2018 afin d'effectuer cette surveillance cruciale.
http://www.lefigaro.fr/sciences/2015/04/14/01008-20150414ARTFIG00367-la-terre-prepare-sa-defense-contre-la-menace-des-asteroides.php