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| | poésies choisies pour vous | |
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Auteur | Message |
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olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 11 Oct - 7:27 | |
| L'étoile au cœur Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les vaines tendresses (1875). Par les nuits sublimes d'été, Sous leur dôme d'or et d'opale, Je demande à l'immensité Où sourit la forme idéale.
Plein d'une angoisse de banni, À travers la flore innombrable Des campagnes de l'infini, Je poursuis ce lis adorable...
S'il brille au firmament profond, Ce n'est pas pour moi qu'il y brille : J'ai beau chercher, tout se confond Dans l'océan clair qui fourmille.
Ma vue implore de trop bas Sa splendeur en chemin perdue, Et j'abaisse enfin mes yeux las, Découragés par l'étendue.
Appauvri de l'espoir ôté, Je m'en reviens plus solitaire, Et cependant cette beauté Que je crois si loin de la terre,
Un laboureur insoucieux, Chaque soir à son foyer même, Pour l'admirer, l'a sous les yeux Dans la paysanne qu'il aime.
Heureux qui, sans vaine langueur, Voyant les étoiles renaître, Ferme sur elles sa fenêtre : La plus belle luit dans son cœur. |
| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 12 Oct - 7:39 | |
| L'étranger Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les vaines tendresses (1875). Sonnet.
Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ? Ton cœur ne trouve rien qui l'enchaîne ou ravisse, Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse : Il semble qu'un bonheur infini te soit dû.
Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ? À quelle auguste cause as-tu rendu service ? Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice, Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ?
À mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine, À mes dégoûts divins, il faut une origine : Vainement je la cherche en mon cœur de limon ;
Et, moi-même étonné des douleurs que j'exprime, J'écoute en moi pleurer un étranger sublime Qui m'a toujours caché sa patrie et son nom.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Vevette17 Énergéticienne quantique
Messages : 38497 Age : 53 Localisation : charente maritime
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 12 Oct - 23:00 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 13 Oct - 7:30 | |
| Le vase brisé Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Stances et poèmes (1865). À Albert Decrais.
Le vase où meurt cette verveine D'un coup d'éventail fut fêlé ; Le coup dut effleurer à peine : Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure, Mordant le cristal chaque jour, D'une marche invisible et sûre En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte, Le suc des fleurs s'est épuisé ; Personne encore ne s'en doute ; N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime, Effleurant le cœur, le meurtrit ; Puis le cœur se fend de lui-même, La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde, Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde ; Il est brisé, n'y touchez pas.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 15 Oct - 7:41 | |
| Le vent Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les épreuves (1866). Sonnet.
Il fait grand vent, le ciel roule de grosses voix, Des géants de vapeur y semblent se poursuivre, Les feuilles mortes fuient avec un bruit de cuivre, On ne sait quel troupeau hurle à travers les bois
Et je ferme les yeux et j'écoute. Or je crois Ouïr l'âpre combat qui nuit et jour, se livre : Cris de ceux qu'on enchaîne et de ceux qu'on délivre, Rumeur de liberté, son du bronze des rois...
Mais je laisse aujourd'hui le grand vent de l'histoire Secouer l'écheveau confus de ma mémoire Sans qu'il éveille en moi des regrets ni des vœux,
Comme je laisse errer cette vaine tempête Qui passe furieuse en flagellant ma tête Et ne peut, rien sur moi qu'agiter mes cheveux.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 15 Oct - 13:49 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 16 Oct - 7:46 | |
| L'idéal Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Stances et poèmes (1865). À Paul Sédille.
La lune est grande, le ciel clair Et plein d'astres, la terre est blême, Et l'âme du monde est dans l'air. Je rêve à l'étoile suprême,
À celle qu'on n'aperçoit pas, Mais dont la lumière voyage Et doit venir jusqu'ici-bas Enchanter les yeux d'un autre âge.
Quand luira cette étoile, un jour, La plus belle et la plus lointaine, Dites-lui qu'elle eut mon amour, Ô derniers de la race humaine !
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 16 Oct - 14:41 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 18 Oct - 7:39 | |
| L'obstacle Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les vaines tendresses (1875). Les lèvres qui veulent s'unir, À force d'art et de constance, Malgré le temps et la distance, Y peuvent toujours parvenir.
On se fraye toujours des routes ; Flots, monts, déserts n'arrêtent point, De proche en proche on se rejoint, Et les heures arrivent toutes.
Mais ce qui fait durer l'exil Mieux que l'eau, le roc ou le sable, C'est un obstacle infranchissable, Qui n'a pas l'épaisseur d'un fil.
C'est l'honneur ; aucun stratagème, Nul âpre effort n'en est vainqueur, Car tout ce qu'il oppose au cœur, Il le puise dans le cœur même.
Vous savez s'il est rigoureux, Pauvres couples à l'âme haute Qu'une noble horreur de la faute Empêche seule d'être heureux.
Penchés sur le bord de l'abîme, Vous respectez au fond de vous, Comme de cruels garde-fous, Les arrêts de ce juge intime ;
Purs amants sur terre égarés, Quel martyre étrange est le vôtre ! Plus vos cœurs sont près l'un de l'autre, Plus ils se sentent séparés.
Oh ! Que de fois fermente et gronde, Sous un air de froid nonchaloir, Votre souriant désespoir Dans la mascarade du monde !
Que de cris toujours contenus ! Que de sanglots sans délivrance ! Sous l'apparente indifférence, Que d'héroïsmes méconnus !
Aux ivresses, même impunies, Vous préférez un deuil plus beau, Et vos lèvres, même au tombeau, Attendent le droit d'être unies.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 18 Oct - 10:24 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 19 Oct - 7:45 | |
| L'une d'elles Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). Les grands appartements qu'elle habite l'hiver Sont tièdes. Aux plafonds, légers comme l'éther, Planent d'amoureuses peintures.
Nul bruit ; partout les voix, les pas sont assoupis Par la laine opulente et molle des tapis Et l'ample velours des tentures.
Aux fenêtres, dehors, la grêle a beau sévir, Sous ses balles de glace à peine on sent frémir L'épais vitrail qui les renvoie ;
Et la neige et le givre aux glaciales fleurs Restent voilés aux yeux sous les chaudes couleurs De longs rideaux brochés de soie.
Là, dans de vieux tableaux, le ciel vénitien Prête au soleil de France un effluve du sien ; Et sur la haute cheminée,
Dans des vases ravis en Grèce à des autels, Des lis renouvelés qu'on dirait immortels Ne font qu'un printemps de l'année.
Sa chambre est toute bleue et suave ; on y sent Le vestige embaumé de quelque œillet absent Dont l'air a gardé la mémoire ;
Ses genoux, pour prier, posent sur du satin, Et ses aïeux tenaient d'un maître florentin Son crucifix de vieil ivoire.
Elle peut, lasse enfin des salons somptueux, Goûter de son boudoir le jour voluptueux Où sommeille un vague mystère ;
Et là ses yeux levés rencontrent un Watteau Où de sveltes amants, un pied sur le bateau, Vont appareiller pour Cythère.
L'hiver passe, elle émigre en sa villa d'été. Elle y trouve le ciel, l'immense aménité Des monts, des vallons et des plaines ;
Depuis les dahlias qui bordent la maison Jusques au dernier flot des blés à l'horizon, Elle ne voit que ses domaines.
Puis c'est la promenade en barque sur les lacs, La sieste à l'ombre au fond des paresseux hamacs, La course aux prés en jupes blanches,
Et le roulement doux des calèches au bois, Et le galop, voilette au front, badine aux doigts, Sous le mobile arceau des branches ;
Et, par les midis lourds, les délices du bain : Deux jets purs inondant la vasque dont sa main Tourne à son gré les cols de cygnes,
Et le charme du frais, suave abattement Où, rêveuse, elle voit sous l'eau, presque en dormant, De son beau corps trembler les lignes.
Ainsi coulent ses jours, pareils aux jours heureux ; Mais un secret fardeau s'appesantit sur eux, Ils ne sont pas dignes d'envie.
On lit dans son regard fiévreux ou somnolent, Dans son rare sourire et dans son geste lent Le dégoût amer de la vie.
Oh ! Quelle âme entendra sa pauvre âme crier ? Quel sauveur magnanime et beau, quel chevalier Doit survenir à l'improviste,
Et l'enlever en croupe, et l'emporter là-bas, Sous un chaume enfoui dans l'herbe et les lilas, Loin, bien loin de ce luxe triste ?
Personne. Elle dédaigne un criminel espoir, Et se plaît à languir, en proie à son devoir. Morte sous ses parures neuves,
Elle n'a pas d'amour, l'honneur le lui défend ; Misérablement riche, elle n'a pas d'enfant ; Elle est plus seule que les veuves.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 20 Oct - 7:41 | |
| Mars Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). En mars, quand s'achève l'hiver, Que la campagne renaissante Ressemble à la convalescente Dont le premier sourire est cher ;
Quand l'azur, tout frileux encore, Est de neige éparse mêlé, Et que midi, frais et voilé, Revêt une blancheur d'aurore ;
Quand l'air doux dissout la torpeur Des eaux qui se changeaient en marbres ; Quand la feuille aux pointes des arbres Suspend une verte vapeur ;
Et quand la femme est deux fois belle, Belle de la candeur du jour, Et du réveil de notre amour Où sa pudeur se renouvelle,
Oh ! Ne devrais-je pas saisir Dans leur vol ces rares journées Qui sont les matins des années Et la jeunesse du désir ?
Mais je les goûte avec tristesse ; Tel un hibou, quand l'aube luit, Roulant ses grands yeux pleins de nuit, Craint la lumière qui les blesse,
Tel, sortant du deuil hivernal, J'ouvre de grands yeux encore ivres Du songe obscur et vain des livres, Et la nature me fait mal.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 20 Oct - 8:10 | |
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| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 20 Oct - 15:12 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 21 Oct - 7:35 | |
| Midi au village Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). Nul troupeau n'erre ni ne broute ; Le berger s'allonge à l'écart ; La poussière dort sur la route, Le charretier sur le brancard.
Le forgeron dort dans la forge ; Le maçon s'étend sur un banc ; Le boucher ronfle à pleine gorge, Les bras rouges encor de sang.
La guêpe rôde au bord des jattes ; Les ramiers couvrent les pignons ; Et, la gueule entre les deux pattes, Le dogue a des rêves grognons.
Les lavandières babillardes Se taisent. Non loin du lavoir, En plein azur, sèchent les hardes D'une blancheur blessante à voir.
La férule à peine surveille Les écoliers inattentifs ; Le murmure épars d'une abeille Se mêle aux alphabets plaintifs...
Un vent chaud traîne ses écharpes Sur les grands blés lourds de sommeil, Et les mouches se font des harpes Avec des rayons de soleil.
Immobiles devant les portes Sur la pierre des seuils étroits, Les aïeules semblent des mortes Avec leurs quenouilles aux doigts.
C'est alors que de la fenêtre S'entendent, tout en parlant bas, Plus libres qu'à minuit peut-être, Les amants, qui ne dorment pas.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Mylène
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| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Sam 21 Oct - 14:43 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 22 Oct - 7:48 | |
| Ne nous plaignons pas Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). Va, ne nous plaignons pas de nos heures d'angoisse. Un trop facile amour n'est pas sans repentir ; Le bonheur se flétrit, comme une fleur se froisse Dès qu'on veut l'incliner vers soi pour la sentir.
Regarde autour de nous ceux qui pleuraient naguère Les voilà l'un à l'autre, ils se disent heureux, Mais ils ont à jamais violé le mystère Qui faisait de l'amour un infini pour eux.
Ils se disent heureux ; mais, dans leurs nuits sans fièvres, Leurs yeux n'échangent plus les éclairs d'autrefois ; Déjà sans tressaillir ils se baisent les lèvres, Et nous, nous frémissons rien qu'en mêlant nos doigts.
Ils se disent heureux, et plus jamais n'éprouvent Cette vive brûlure et cette oppression Dont nos cœurs sont saisis quand nos yeux se retrouvent ; Nous nous sommes toujours une apparition !
Ils se disent heureux, parce qu'ils peuvent vivre De la même fortune et sous le même toit ; Mais ils ne sentent plus un cher secret les suivre ; Ils se disent heureux, et le monde les voit !
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 22 Oct - 9:15 | |
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| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Dim 22 Oct - 14:17 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 23 Oct - 7:18 | |
| passion malheureuse Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). J'ai mal placé mon cœur, j'aime l'enfant d'un autre ; Et c'est pour m'exploiter qu'il fait le bon apôtre, Ce petit traître ! Je le sais. Sa mère, quand je viens, me devine, et l'appelle, Sentant que je suis là pour lui plus que pour elle, Mais elle ne m'en veut jamais.
Le marmot prend alors sa voix flûtée et tendre (Les enfants ont deux voix) et dit, sans la comprendre, Sa fable, avec expression ; Puis il me fait ranger des soldats sur la table, Et m'obsède, et je trouve un plaisir ineffable À sa gentille obsession.
Je m'y laisse duper toutes les fois : j'espère Qu'à force de bonté je serai presque un père : Ne dit-il pas qu'il m'aime bien ? Mais voici tout à coup le vrai père, ô disgrâce ! L'enfant court, bat des mains, lui saute au cou, l'embrasse, Et le pauvre oncle n'est plus rien.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Lun 23 Oct - 14:05 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 24 Oct - 7:31 | |
| Pensée perdue Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Stances et poèmes (1865). Elle est si douce, la pensée, Qu'il faut, pour en sentir l'attrait, D'une vision commencée S'éveiller tout à coup distrait.
Le cœur dépouillé la réclame ; Il ne la fait point revenir, Et cependant elle est dans l'âme, Et l'on mourrait pour la finir.
À quoi pensais-je tout à l'heure ? À quel beau songe évanoui Dois-je les larmes que je pleure ? Il m'a laissé tout ébloui.
Et ce bonheur d'une seconde, Nul effort ne me l'a rendu ; Je n'ai goûté de joie au monde Qu'en rêve, et mon rêve est perdu.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mar 24 Oct - 14:47 | |
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| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 25 Oct - 7:36 | |
| Peur d'avare Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les vaines tendresses (1875). Soudain je t'ai si fort pressée Pour sentir ton cœur bien à moi, Que je t'en ai presque blessée, Et tu m'as demandé pourquoi.
Un mot, un rien, m'a tout à l'heure Fait étreindre ainsi mon trésor, Comme, au moindre vent qui l'effleure, L'avare en hâte étreint son or ;
La porte de sa cave est sûre, Il en tient dans son poing la clé, Mais, par le trou de la serrure, Un filet d'air froid a soufflé ;
Et pendant qu'il comptait dans l'ombre Son trésor écu par écu, Savourant le titre et le nombre, Il a senti le souffle aigu !
Il serre en vain sa clé chérie, Vainement il s'est verrouillé, Avant d'y réfléchir il crie Comme s'il était dépouillé !
C'est que l'instinct fait sentinelle, C'est que l'âme du possesseur N'ose jamais plier qu'une aile, Ô ma sainte amie, ô ma sœur !
C'est que ma richesse tardive, Fruit de mes soupirs quotidiens, Me semble encore fugitive Au moment même où je la tiens !
Et cette épargne que j'amasse A beau grandir en sûreté, Je crois, au moindre vent qui passe, Qu'un ravisseur a fureté...
Et je fais aussitôt l'épreuve De tout le deuil qui peut tenir Dans une âme absolument veuve Où l'amour n'a plus d'avenir.
Alors je tremble et te supplie D'un anxieux et long regard... Oh ! Pardonne-moi la folie De trembler encore ; si tard !
Hélas ! L'habitude en est prise : Tu n'as que si tard deviné Combien le doute martyrise, Impérissable une fois né.
Dans l'âge (qui n'est plus le nôtre) Où bat le cœur à découvert, Le mien, plus exposé qu'un autre, Puisqu'il t'aimait, a plus souffert ;
Ah ! Tout cœur où l'amour habite Recèle un pouvoir de souffrir Dont il ignore la limite, Tant qu'il souffre sans en mourir ;
Et j'ignorais, naïf encore, Combien le calice est profond Que ta main douce emmielle et dore Sans jamais en montrer le fond ;
Car tu savais, déjà coquette, Ménager longtemps la douleur En faisant, d'un coup de baguette, Naître un mirage dans un pleur.
Que de froideurs instantanées Ont ébranlé longtemps ma foi ! Enfin la pente des années T'a fait pencher le front sur moi,
Et j'ai cru que ma jalousie, Humble tigresse aux reins ployés, Bien rompue à ta fantaisie, Dormait de fatigue à tes pieds ;
Voilà pourtant qu'une pensée, Moins qu'un soupçon, moins qu'une erreur, — Une rêverie insensée M'a fait tressaillir de terreur ;
Cet éclair de peur indicible Tout à coup m'a fait entrevoir, Aux obscurs confins du possible, Un abîme de désespoir.
René-François Sully Prudhomme. |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Mer 25 Oct - 8:27 | |
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| | | Cedric Membre
Messages : 514 Age : 33 Localisation : Normandie
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 26 Oct - 6:15 | |
| Un jour de pluie
Je n'aime plus les jours de pluies Ils sont tous remplis d'ennuis Et paraissent plus longs que la nuit
Je n'aime plus parlé de pluie Car tu es parti ce jour et depuis ... La pluie me rappelle des larmes
Des larmes que je n'ai pas su versé Et ma peine que je n'ai pas pu déversé T'avoir était une chance inouïe Dans ta présence j'étais épanouie
Maintenant mon monde , mon espoir s'évanouit Je suis triste et grise comme ce jour de pluie
Verlaine n'avait pas tort de dire Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville
Personne ne pourra jamais te remplacer Tes souvenirs ne peuvent jamais se déplacer |
| | | Colombine Administrateur
Messages : 122410 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 26 Oct - 10:08 | |
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| | | Mylène
Messages : 1479 Age : 73 Localisation : Haut de France
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Jeu 26 Oct - 14:56 | |
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| | | Cedric Membre
Messages : 514 Age : 33 Localisation : Normandie
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 27 Oct - 6:12 | |
| Je me ferais poète ,
Pour que pleuvent des mots d'amour ..
Je me ferais peintre ,
Pour dessiner tes rêves chaque jour ..
Je me ferais jardin de roses ,
Pour enivrer ton cœur de jasmin ..
Je me ferais diamant ,
Pour que tu déposes au creux de ta main ..
Je me ferais piano ,
Pour que tu me frôles de tes doigts ..
Je me ferais plus coquine ,
Pour que tu ne regardes que moi ..
Je me ferais vêtements ,
Pour que tu me déshabilles ..
Je me ferais terre ,
Pour être ton île ..
Je me ferais plume...
Pour te donner caresse ..
Je me ferais amour ,
Pour te couvrir de tendresse ..
Je me ferais paix ,
Pour déposer à tes pieds mes armes ..
Je me ferais Soleil ,
Pour réchauffer ton âme en hiver ..
Je me ferais vent ,
Pour balayer ta colère ..
Je me ferais clown ,
Pour te faire rire ..
Je me ferais draps...
Pour écouter tes soupirs.
Je me ferais lumière,
Pour éclairer tes jours sombres ..
Je me ferais continent ,
Pour toi qui seras mon monde ..
Je me ferais tienne ,
Pour être vraiment moi .. |
| | | olia Membre
Messages : 1874 Age : 80
| Sujet: Re: poésies choisies pour vous Ven 27 Oct - 7:30 | |
| Première solitude Poète : René-François Sully Prudhomme (1839-1907) Recueil : Les solitudes (1869). On voit dans les sombres écoles Des petits qui pleurent toujours ; Les autres font leurs cabrioles, Eux, ils restent au fond des cours. Leurs blouses sont très bien tirées, Leurs pantalons en bon état, Leurs chaussures toujours cirées ; Ils ont l'air sage et délicat. Les forts les appellent des filles, Et les malins des innocents : Ils sont doux, ils donnent leurs billes, Ils ne seront pas commerçants. Les plus poltrons leur font des niches, Et les gourmands sont leurs copains ; Leurs camarades les croient riches, Parce qu'ils se lavent les mains. Ils frissonnent sous l'œil du maître, Son ombre les rend malheureux. Ces enfants n'auraient pas dû naître, L'enfance est trop dure pour eux ! Oh ! La leçon qui n'est pas sue, Le devoir qui n'est pas fini ! Une réprimande reçue, Le déshonneur d'être puni ! Tout leur est terreur et martyre : Le jour, c'est la cloche, et, le soir, Quand le maître enfin se retire, C'est le désert du grand dortoir ; La lueur des lampes y tremble Sur les linceuls des lits de fer ; Le sifflet des dormeurs ressemble Au vent sur les tombes, l'hiver. Pendant que les autres sommeillent, Faits au coucher de la prison, Ils pensent au dimanche, ils veillent Pour se rappeler la maison ; Ils songent qu'ils dormaient naguères Douillettement ensevelis Dans les berceaux, et que les mères Les prenaient parfois dans leurs lits. Ô mères, coupables absentes, Qu'alors vous leur paraissez loin ! À ces créatures naissantes Il manque un indicible soin ; On leur a donné les chemises, Les couvertures qu'il leur faut : D'autres que vous les leur ont mises, Elles ne leur tiennent pas chaud. Mais, tout ingrates que vous êtes, Ils ne peuvent vous oublier, Et cachent leurs petites têtes, En sanglotant, sous l'oreiller. René-François Sully Prudhomme. |
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