« Il y a un avant et un après Outreau »… Comment la brigade des mineurs recueille les mots des enfants brisés
AU SERVICE DES ENFANTS (2/4) « 20 Minutes » a passé deux jours au sein de la brigade de protection des mineurs. Comment trouver les mots et faire parler les enfants des violences et abus qu’ils subissent, souvent chez eux ? Et surtout, comment démêler cette parole ?
Caroline Politi
Publié le 15/10/19 à 13h05 — Mis à jour le 15/10/19 à 14h12
A la brigade des mineurs, les enquêteurs sont formés au recueil de la parole des enfants (illustration) —
Martin Bureau/AFP
- 20 Minutes a passé deux jours au sein de la brigade de protection des mineurs de la police judiciaire parisienne.
- Les deux tiers des dossiers de la section « intrafamiliale » sont de nature sexuelle.
- Les jeunes enfants ne mentent pas mais peuvent être influencés, d’où la nécessité de démêler leur récit.
Un garçonnet prend place dans la petite salle aux murs blancs. Il s’assied sur un fauteuil, change de place, choisit finalement la banquette adossée à la baie vitrée. La conversation s’engage très vite sur le football, sa passion. Il est intarissable, ses grands yeux brillent quand il cite ses joueurs préférés. Face à lui, la capitaine de police tente de l’emmener sur l’objet de sa présence dans les locaux flambant neufs de la brigade de protection des mineurs (BPM) : les violences qu’il subirait chez lui.
A leur seule évocation, l’enfant se referme instantanément, pique une colère, tourne le dos à la fonctionnaire qui, d’une voix douce, tente de le rassurer. En vain. Il ne dira plus un mot. Mais l’audition est lourde de sens. « Chez les petits, le langage non verbal peut en dire long », explique le commandant divisionnaire fonctionnel Guy Bertrand, à la tête de la section « intrafamiliale » depuis six ans.
Dans cette section, comme son nom l’indique, l’immense majorité des quelque 800 dossiers traités chaque année se déroulent dans le huis clos familial et les deux tiers d’entre eux sont de nature sexuelle, les autres étant généralement des affaires de violences. Comment faire parler les enfants, souvent de leurs proches ? Comment démêler ce qui relève de l’imaginaire d’une réalité sordide ? Le fiasco d’Outreau – quatre enfants avaient dénoncé un vaste réseau pédophile fictif – a beau avoir une vingtaine d’années, il reste dans la tête de ces policiers spécialisés. « Il y a un avant et un après, reconnaît Guy Bertrand, assis dans son bureau lumineux décoré à la gloire de l’OM. Mais cette affaire a été salutaire, elle a fait évoluer le recueil de la parole. »
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